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d'exemple aux pratiques et aux ministres du culte légal, n'avait pas craint de dévoiler l'impuissance de la divination et le charlatanisme des augures.

Mais si la religion païenne allait chaque jour se dégradant et perdant son empire sur les âmes; si les riches, énervés par le luxe et la volupté, avaient désappris la crainte et le respect des divinités; si la foule, abrutie par la servitude, ne portait aux cérémonies officielles qu'une curiosité inintelligente, tout sentiment religieux n'était pas éteint pour cela. Il semblait au contraire plus vif qu'autrefois. La preuve en est dans les conquêtes rapides du christianisme et de ses fidèles ou infidèles interprètes, dans le nombre infini des temples et des autels publics ou privés, dans la diversité incroyable des cultes, enfin dans la vogue étonnante dont jouissaient partout les astrologues, les magiciens et les thaumaturges, que les grands interrogeaient avidement, et qui séduisaient par leurs prestiges la crédulité de la foule. La superstition, n'est-ce pas l'exaltation et le déréglement du sentiment religieux ? Là où manque la foi religieuse ou les convictions philosophiques, les âmes dévoyées, et ne sachant où se prendre, se laissent aller aux plus grossières et aux plus puériles superstitions, et trompent ainsi ce besoin du divin que toutes éprouvent avec plus ou moins d'énergie.

Une autre preuve de la vivacité du sentiment religieux, c'est que la philosophie et la religion populaire, autrefois ennemies, tendaient à se rapprocher.

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La raison humaine avait, à ce qu'il semblait, fait son œuvre et donné tout ce qu'elle pouvait produire. Son plus grand effort n'avait abouti qu'à faire éclater son impuissance à réunir les âmes dans une croyance commune. Pour fonder cette croyance, pour donner aux âmes l'aliment dont elles ne pouvaient se passer, les délicatesses des métaphysiques de Platon et d'Aristote, et l'altière morale du Portique ne suffisaient pas. En vain Sénèque avait écrit que la philosophie luit pour tout le monde (1). Sa lumière n'était pas descendue dans la foule. Sur les hauteurs mêmes où elle brillait, elle éclairait les esprits plus qu'elle n'échauffait les cœurs.

A l'époque dont nous parlons, soit par suite d'une défaillance inhérente à la vieillesse, et à laquelle rien d'humain n'échappe, soit par suite du contact de l'esprit oriental avec le génie grec, la philosophie, loin de combattre et de rejeter les mythes, ou de se tenir, au moins, en face de la religion populaire dans un silence dédaigneux, semblait se complaire dans les fictions, comme si la vérité nue avait un éclat que la raison humaine était mis cute incapable de supporter.

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Le temps était loin où Platon renvoyait Homère de sa République. Aujourd'hui les platoniciens réhabilitent la poésie sacrée et reconnaissent dans les fictions que le disciple de Socrate traitait de mensonges corrupteurs, les

(1) « Non rejicit quemquam philosophia nec eligit: omnibus lucet. »> (SÉNÈQUE, Ep. ad Lucil., XLIV, p. 147.)

germes cachés de la plus profonde sagesse. Aujourd'hui on proclame qu'il ne faut pas proscrire l'imagination, séparer la philosophie de la poésie. « Au fond, le poète « est philosophe. L'un emploie, pour enseigner la vérité, <«< une parole nue et sévère que la foule n'entend pas; « l'autre, avec une discrète réserve, la cache sous des « allégories et des symboles. De même que les médecins, « pour faire prendre à leurs malades des médicaments << amers, parfument de miel le bord de la coupe, ainsi « la sagesse antique (Orphée, Homère, Hésiode) sait. << adoucir par la grâce du langage, les modulations des « vers et le charme des fictions, la sévérité de ses ensei<< gnements. Quel plus heureux langage que la fable pour « parler des choses divines! Homère, en vérité, n'est-il << pas plus philosophe qu'Epicure (1)? » Les spéculations abstraites, qui étaient de tradition dans l'école pythagoricienne, sont aujourd'hui délaissées. Apollonius de Tyane est hiérophante plus encore que philosophe. Ce fut surtout vers la réformation et la purification des pratiques religieuses qu'il tourna l'effort de sa pensée.

La philosophie essayait alors de comprendre et d'expliquer les traditions et les symboles, et paraissait consacrer de son autorité ce qu'elle avait attaqué ou méprisé jusque là. Les mythes religieux lui paraissaient une philosophie sensible, appropriée par les législateurs à la

(1) MAXIME DE TYR, Dissert., X, 6, 7.

faiblesse d'esprit de l'homme (1). « Sans doute, dit <«< Maxime de Tyr, Dieu le père et l'architecte de l'uni<< vers est plus ancien que le soleil, plus ancien que le « ciel, plus grand que le temps, supérieur à tout ce qui «<dure et ce qui change. Il est sans nom et inaccessible << aux regards; mais, ne pouvant saisir son essence, nous << empruntons le secours des paroles, des noms, des ani

maux, des figures d'or, d'ivoire et d'argent, des plantes, « des fleuves, des sommets des montagnes et des tor« rents. Dans le désir où nous sommes de l'atteindre, et << en même temps dans notre impuissance d'y arriver, <«< nous attribuons à sa nature tout ce qu'il y a de plus << excellent parmi nous. Ainsi font les amants, qui se << plaisent à contempler les images des personnes qu'ils

aiment; qui de la même manière prennent plaisir à re« garder la lyre ou le javelot qu'elles ont manié, ou le << siége sur lequel elles se sont assises, ou le cirque où << elles ont coutume de courir, ou tout ce qui leur remet << en mémoire le souvenir de l'objet aimé... Qu'on ait du <«< moins la pensée de Dieu. Si l'art de Phidias réveille

(1) « Quand les enfants apprennent leurs lettres, les maîtres leur enseignent à tracer les caractères, en conduisant leur main, jusqu'à ce que, peu à peu, grâce à la mémoire, ils s'habituent à les former d'euxmêmes. Les législateurs n'ont pas fait autrement pour les peuples, en imaginant des symboles qui sont les signes de l'honneur dû à la divinité, et pour ainsi dire des caractères par lesquels ils conduisent l'homme comme par la main jusqu'à la pensée de Dieu. » (MAXIME de TYR, Dissert., VIII, 2, 3.)

<< cette pensée chez les Grecs, le culte des aminaux, chez « les Égyptiens, chez d'autres un fleuve, chez d'autres le « feu, il n'importe. Je ne condamne pas la variété. Que << seulement on connaisse Dieu, que seulement on l'aime, « que seulement on en garde le souvenir présent (1). »

Voilà certes de belles et nobles paroles, et un appel aux choses divines que Platon n'eût pas désavoué! Et pourtant cette défense des idoles, cette transaction avec les superstitions populaires, cette acceptation indifférente de tous les cultes marque dans les écoles philosophiques comme une lassitude de la pensée.

En même temps, chez presque tous les philosophes, apparaît une sorte de défiance dans les forces de la volonté humaine, et comme un désespoir de la vertu isolée et livrée à elle-même. C'est encore un signe que le mysticisme oriental a pénétré à grands flots dans le monde grec et romain. Son empreinte est visible au sein même du stoïcisme. Il y a loin de Zénon à Sénèque et à Épictète. Avec ce dernier, la raideur du stoïcisme primitif s'est détendue, sa dureté s'est amollie. Le sage n'est plus cet être impassible, abstrait en quelque sorte, invulnérable, enivré d'orgueil, s'égalant à Jupiter et défiant la fortune. Il a appris l'humanité, la douceur, l'humilité, la résignation,

(1) Εἰ δὲ Ἕλληνας μὲν ἐπεγείρει πρὸς τὴν μνήμην τοῦ θεοῦ ἡ Φειδίου τέχνη, Αἰγυπτίους δὲ ἡ πρὸς τὰ ζῷα τιμή, καὶ ποταμὸς ἄλλους, καὶ πῦρ ἄλλους, οὐ νεμεσῶ τῆς διαφωνίας· ἱστωσαν μόνον, ἐράτωσαν μόνον, μmμovevéτwowy μovov. (MAXIME DE TYR, Diss., VIII, 10.)

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