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offrent d'ailleurs de belles idées, un sens profond, une connaissance parfaite des causes de la chute de la république, et même quelques conseils auxquels le dictateur ne dédaigna point de conformer sa politique. Durant l'intervalle qui s'écoula entre les deux lettres à César, Salluste fut nommé questeur, et rentra dans le sénat, deux ans après en avoir été banni. Pendant que César allait combattre Pompée en Grèce, Salluste resta en Italie, occupé des fonctions de sa charge; « dans l'exercice de <«< laquelle, si l'on en croit le déclamateur déjà cité, il ne << s'abstint de vendre que ce qui ne trouva point d'ache«teur 1. » Lorsque César revint à Rome, l'an 708, Salluste fut élevé à la préture; il avait alors quarante ans. Il se maria l'année suivante avec Térentia, épouse divorcée de Cicéron. Long-temps elle avait exercé sur son premier mari une autorité despotique; mais Cicéron, las enfin de son caractère altier, de sa dureté envers sa propre fille, et de ses prodigalités, avait pris le parti de la répudier. « Au sortir d'une maison, dit saint Jérôme 2 «< où elle aurait dû puiser la sagesse dans sa plus pure « source, elle n'eut elle n'eut pas honte d'aller se jeter dans les << bras de Salluste, ennemi de son premier époux. Lorsque César se disposait à aller combattre en Afrique les restes du parti de Pompée, Salluste reçut l'ordre

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"tendue, me fait pleinement comprendre et les bonnes intentions « et la vaine humeur de ce consul. » (Discours sur Salluste et sur Tacite.)

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Quem honorem ita gessit, ut nihil in eo non venale habuerit, cujus aliquis emptor fuerit. (Declam. in Sallust., VI.)

' HIERON., Adversus Jovinum.

d'aller conduire au lieu de leur débarquement la dixième légion et quelques autres troupes destinées pour cette expédition. Mais, arrivés sur le bord de la mer, les soldats refusèrent d'aller plus loin, demandant leur congé et les récompenses que César leur avait promises. Salluste, après avoir fait de vains efforts pour les ramener à leur devoir, pensa être victime de leur fureur, et fut obligé de prendre la fuite1. Il fallut tout l'ascendant du dictateur lui-même pour apaiser cette révolte. Salluste suivit César en Afrique, en qualité de propréteur, et fut chargé par lui, avec une partie de la flotte, de s'emparer des magasins de l'ennemi dans l'île de Cercine 2. Il réussit pleinement dans cette mission, et amena bientôt une grande quantité de blé à son général, dont l'armée manquait de toute espèce de provisions 3. Après la victoire de Tapsus, Salluste obtint le gouvernement de la Numidie, avec le titre de proconsul 4. Il commit dans sa province les plus criantes concussions; c'est ce qui fait dire à Dion Cassius «< que César préposa Salluste de << nom au gouvernement, mais de fait à la ruine de ce « pays 5. » Notre citoyen était parti de Rome entièrement ruiné; il y revint en 710 avec d'immenses richesses. Les Africains ne le laissèrent pas d'abord jouir tranquillement du fruit de ses déprédations. Ils vinrent à Rome l'accuser; et, quoiqu'il ait été absous par César,

1 APPIAN., de Bell. civ., lib. 11, c. 70.

2 HIRTIUS PANSA, de Bello africano, c. VIII.

3 Ibid., c. XXXIV.

4 Ibid., c. XCVII. APPIAN., ibid., lib. 11. 5 DION CASSIUS, liv. XLIII.

<< ouvrages,

auquel il abandonna des sommes considérables. « Ses dit le même historien, sont, aux yeux du «public, la table d'affiches où sa propre condamnation << se trouve inscrite. »

Il est à remarquer que les faits les plus déshonorans de la vie politique de Salluste sont devenus la source de son illustration littéraire. Son expulsion du sénat, en le condamnant à la retraite, lui avait procuré le loisir de composer la Conjuration de Catilina. Son séjour en Numidie lui suggéra l'idée d'écrire la Guerre de Jugurtha; et il se fit l'historien du pays dont il avait été le fléau. Dans cette vue, il visita les principales villes de l'Afrique, et recueillit d'anciens livres puniques', qu'il se fit expliquer, et dont un écrivain moins ami de la précision aurait sans doute tiré de plus amples extraits. Ce ne fut qu'à son retour en Italie qu'il mit en œuvre les matériaux qu'il avait rassemblés.

La mort de César termina la carrière politique de Salluste. Possesseur d'une grande fortune, il ne songea plus désormais qu'à passer une vie voluptueuse et tranquille. Du fruit de ses rapines, il fit construire sur le mont Quirinal une habitation magnifique, et planter des jardins vantés par les anciens comme la plus délicieuse promenade de Rome; la place qu'ils occupaient est encore appelée aujourd'hui les Jardins de Salluste. Dans les différentes fouilles qui y ont été faites, l'on a trouvé une grande partie de ces belles antiques qui attestent la

SALLUST., in Jugurth., c. VIII.

perfection de l'art chez les anciens'. Après la mort de Sallusté, sa maison devint le lieu de plaisance des maîtres du monde. C'est là qu'Auguste donnait ces fêtes des douze Dieux, que Suétone a décrites. Là, Vespasien, Nerva, Aurélien, fixèrent leur résidence habituelle, et il est à croire qu'ils y ajoutèrent de nouveaux embellissemens. Salluste avait en outre acheté de vastes domaines, et la belle maison de César à Tibur (Tivoli ). Du sein de ces fastueuses habitations, il continua à déclamer dans ses livres contre le luxe et l'infamie de ceux qui s'enrichissaient par des voies coupables. De même Sénèque écrivit l'éloge de la pauvreté avec un stylet d'or. Ainsi Salluste passa les neuf dernières années de sa vie, partageant son temps entre l'étude, les plaisirs et la société de gens de lettres illustres, tels que Messala Corvi

Cornelius Nepos, Nigidius Figulus 2 et Horace, qui commençait à se faire connaître 3.

Il avait écrit la Conjuration de Catilina en 704 (de Rome); sa première Lettre à César en 705; la seconde l'année suivante; sa Guerre de Jugurtha en 709. Ce fut dans l'intervalle qui s'écoula depuis l'an 710 jusqu'à sa mort, qu'il composa ses deux derniers ouvrages, l'Histoire de Rome depuis la mort de Sylla, et la Description du Pont-Euxin, qui aurait donné à Salluste un rang parmi les géographes de l'antiquité, si ce livre curieux n'eût été perdu, comme sa Grande Histoire.

Le président De Brosses donne une curieuse description de ces monumens (Vie de Salluste, no 21).

2 CRINITUS, in Sallustium.

3 DE BROSSES, Vie de Salluste, no 21.

Il mourut l'an 718, sous le consulat de Cornificius et du jeune Pompée, dans la cinquante-unième année de son âge. Térentia, sa veuve, se remaria au célèbre orateur Messala Corvinus, de sorte qu'elle a été la femme de trois des plus beaux génies de son siècle. Non-seulement elle survécut à ce troisième mari, mais à Vibius Rufus, qu'elle épousa en quatrièmes noces, et ne mourut, selon Eusèbe, qu'à l'âge de cent dix-sept ans1. Il reste un beau buste de Salluste, qui lui donne la figure la plus noble et la plus agréable. Il ne laissa pas d'enfans, mais seulement un fils adoptif, petit-fils de sa sœur, et dont il fit l'héritier de son nom et de ses biens. Le jeune Salluste fut successivement le favori d'Auguste et de Tibère, et, à l'exemple de Mécène, il ne voulut jamais s'élever au dessus de l'ordre des chevaliers, dans lequel il était né2. Il mourut dans un âge avancé, l'an

de Rome 772.

Les fautes qui ont dégradé la vie de l'historien Salluste appartiennent au temps où il a vécu la tombe les a pour ainsi dire ensevelies avec sa dépouille mortelle; mais la plus excellente partie de lui-même, son esprit élevé et son génie sublime, vivent encore pour nous dans ceux de ses ouvrages que vingt siècles ont épargnés 3.

'EUSEB., Chron. ad ann. Abrah. 1980. HIERON., adv. Jovin., lib. 1. DIO CASS., lib. LVII.

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TACITE, Annales, liv. 1, ch. 6; liv. II, ch. 4o; liv. III, ch. 30; PLINE, liv. xxiv,

3

ch. 2.

Non omnis moriar.
HORACE.

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