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L'étude de l'histoire, de la politique, de la littérature grecque, telles sont les graves études auxquelles se livra Salluste. Dédaignant la chasse, l'agriculture et les autres exercices du corps, comme il nous l'apprend lui-même dans le préambule de la Guerre de Catilina, il ne s'occupa qu'à fortifier, par la lecture et la méditation, la vigueur d'esprit que la nature lui avait accordée. Il avait eu pour guide dans ses premières études, et conserva toujours pour conseil et pour ami2, Ateius Pretextatus, rhéteur athénien, qui lui-même avait pris le surnom de Philologue 3, et qui tenait à Rome une école très-fréquentée 4.

Lorsqu'il fut en âge de briguer les charges publiques, Salluste parvint à la questure; mais on ne sait pas précisément à quelle époque. Si ce fut dès sa vingt-septième année, âge fixé par les lois, ce dut être l'an 696, sous le consulat de Lucius Calpurnius Pison et de Césonius Gabinius, l'année même de l'exil de Cicéron et du tribunat de Clodius. Sept ans après, l'an 702, Salluste fut nommé tribun du peuple.

Depuis le glorieux consulat de Cicéron, qui avait en quelque sorte marqué les derniers jours de la république, la liberté, la constitution romaine, n'existaient plus

› Bell. Catil., c. IV. Voyez aussi la note sur ce passage du texte de Salluste.

⚫ Coluit postea familiarissime (scil. Ateius) Caium Sallustium. (SUETON., de Illustr. Gram., c. x).

3 Ad summam Philologus ab semet nominatus. (Ibid.)

4 Præcepisse autem mullis et claris juvenibus, in quibus Appio et Pulchro Claudiis fratribus, etc. (Ibid.)

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que de nom. Le triumvirat de Pompée, César et Crassus avait paralysé la marche régulière du gouvernement. Rome était journellement troublée par les plus sanglantes séditions. Aux scènes tumultueuses qui avaient amené l'exil de Cicéron, succédèrent les rixes non moins cruelles qui provoquèrent son rappel. Clodius et Milon, démagogues également scélérats, bien qu'ils eussent embrassé les deux partis contraires, présidaient à ces sanglans désordres. Salluste épousa successivement les haines et les affections de Clodius, son intime ami; il trempa dans toutes ses intrigues, dans tous ses désordres publics. Ce fut dans des circonstances aussi favorables à l'esprit de vengeance et de parti, qu'il arriva au tribunat, l'an 701 de Rome; en ceci plus heureux que Caton, qui, dans le même temps, sollicita plusieurs dignités sans les obtenir; car ce vertueux Romain n'avait employé, pour capter les suffrages, que les moyens autorisés par la loi 1, tandis que tous ses concurrens n'avaient dû leurs succès qu'à la brigue. Salluste tira pourtant vanité de cette préférence, qui n'était pas moins honteuse pour lui que pour la république. «Que l'on considère, dit-il << dans le préambule de la Guerre de Jugurtha", en quel <«< temps j'ai été élevé aux premières places, et quels << hommes n'ont pu y parvenir. »

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Après la mort de Crassus, Pompée, dont l'ambition, aussi profonde que celle de César, avait une allure moins franche, cherchait, timide élève de Sylla, à s'avancer,

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par des voies détournées, à la puissance dictatoriale. Campé aux portes de Rome avec une armée, il mettait en avant des démagogues séditieux pour enchaîner le zèle des magistrats dévoués à l'état. C'est ainsi qu'il s'était servi de Clodius, puis de Milon; mais ce dernier, grâce à d'honorables liaisons avec Caton et Cicéron, ne remplissant plus ses vues1, Pompée revint à Clodius, qui, comme lui, portait une haine irréconciliable à Caton, l'ennemi persévérant de tous les mauvais citoyens. Dans les rêves de son ambition, le triumvir espérait que les Romains, lassés de l'anarchie, se jetteraient dans ses bras, et le supplieraient de devenir leur maître; il parut quelquefois bien près de ce but; mais il ne l'atteignit jamais. Cette place était réservée à César, que le parti populaire chérissait comme le digne héritier de Marius, et qui préludait, par la conquête de la Gaule, à l'asservissement de sa patrie.

Tribun du peuple, Salluste se montra presqu'en toute occasion l'ennemi de Pompée; mais comme il haïssait encore plus Milon, de qui il avait reçu une de ces injures que l'on ne pardonne pas, il parut quelquefois, au milieu des intrigues qui marquèrent l'année de son tribunat, se rapprocher du triumvir. Milon2, ainsi que Metellus Scipion et P. Plautius Hypséus, aspirait au consulat, Clodius à la préture; mais aucun des deux ne voulait voir en place un adversaire dont le crédit dimi

'APPIAN., de Bellis civ., lib. II.

1 Ac sæpe inter se Milo et Clodius cum suis factionibus Roma depugnaverant et uterque audacia sed Milo pro melioribus par

par:

tibus stabat. (ASCONIUS PEDIANUS, In orat. pro Milone.)

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nuerait le sien1. Toutes leurs brigues avaient non-seulement lieu « par corruption et distribution de deniers, << dit Plutarque, mais ouvertement par armes, batteries << et meurtres tendant à guerre civile 2. » Salluste et les tribuns ses collègues différèrent autant qu'ils purent l'assemblée pour les élections, sous prétexte que les auspices étaient défavorables. Chaque jour les satellites des deux partis en venaient aux mains, et dans une de ces émeutes, Cn. Domitius Calvinus, l'un des consuls encore en exercice, fut grièvement blessé. Au milieu de ces désordres, le meurtre de Clodius par Milon, dans une rencontre fortuite hors de Rome, vint encore ajouter à l'exaspération des partis. Les funérailles de ce démagogue incendiaire furent dignes de sa vie. La multitude, excitée par les harangues séditieuses de Salluste et de son collègue Q. Pompeius Rufus 3, porta le cadavre au milieu du palais Hostilien, où s'assemblait le sénat. Un bûcher est aussitôt formé avec les bancs des tribunes et les registres; on y met le feu, et l'incendie qui consume le corps de Clodius, réduit en cendres ce palais magnifique avec la basilique Porcia. Milon ose dénoncer cet attentat odieux, mais dont il devait être le dernier à se

I Præterea in eumdem annum consulatum Milo, Clodius præturam petebat, quam debilem futuram consule Milone intelligebat. (ASCON., ibid.)

2 PLUT., in Catone. Non solum largitione palam profusa; sed etiam factionibus armatorum succincti. (ASCON., ibid.)

3 Eo die quo Clodius occisus est, sunt concionati, ut ex actis apparet, C. Sallustius et Q. Pompeius utrique, et inimici Milonis, et satis inquieti....... sed ejus (Pompeii) seditiosior fuit concio. (ASCON., ibid.)

porter accusateur. Teint du sang d'un citoyen, il ne renonce pas même à la candidature consulaire. Vainement il tente de se rapprocher de Pompée; et le bruit se répand qu'il a voulu assassiner celui-ci, qui a repoussé ses avances. Alors trois tribuns, du nombre desquels était Salluste, allèrent chercher Pompée à sa maison, le conduisirent au forum, et lui ordonnèrent de déclarer en présence du peuple les indices qu'il avait sur le crime'. La déposition du triumvir fut assez vague. Néanmoins Milon, pour se soustraire à toutes les accusations qui le menaçaient, gagna à force d'or deux autres tribuns du peuple, Célius et Manilius. Ceux-ci, après avoir pris soin de rassembler dans le forum tous les gens favorables à Milon, l'y traînent lui-même, en lui ordonnant avec une feinte colère de se justifier du meurtre de Clodius. Milon avait déjà commencé son apologie, lorsque Salluste et les tribuns de son bord arrivèrent suivis de satellites armés. Le sang coula de part et d'autre, et pendant huit jours Rome fut en proie à la guerre civile. Le sénat, en habits de deuil, ordonne des levées de troupes, et charge l'interroi Licinius, Pompée et les tribuns, de veiller à ce que la république ne souffre aucun dommage. Cette mesure n'arrêta point le désordre; les interrois se succédaient sans interruption. Après une

1 Prius etiam quam Pompeius tertium consul crearetur, tres tribuni, Q. Pompeius Rufus, C. Sallustius Crispus, T. Munatius Plancus, quum quotidianis concionibus suis magnam invidiam Miloni propter Clodium excitarent, produxerant ad populum Cn. Pompeium, et ab eo quæsierant num ad eum delatum esset illud quoque indicium suæ vitæ insidiari Milonem, etc. (Ascon. Ped., ibid.)

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