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Avortant sur un roc, laisse dans la bruyère

Deux petits nés ensemble, et mourants sur la pierre. Hélas! de mon troupeau c'était le faible espoir ! Aveugle que j'étais ! je devais tout prévoir :

!

Les menaces des dieux n'étaient point incertaines,
Quand la foudre à ma gauche a frappé nos vieux chênes;
Ои que, des noirs complots sinistres précurseurs,
Les cris de la corneille ont prédit nos malheurs.
Mais ce dieu, quel est-il? que Tityre le nomme.

TITYRE.

Cette ville aux sept monts, et qu'ils appellent Rome,
Je me la figurais, habitant des hameaux,
Telle que la cité qui reçoit nos agneaux :
Ainsi je comparais le cèdre à la charmille;
La chienne qui nourrit, à sa jeune famille;
J'osais, par
les petits, juger des grands objets.
Mais, tel qu'un chêne antique, au milieu des forêts,
Couvre de ses rameaux la timide bruyère,

Rome sur les cités lève sa tête altière.

MÉLIBÉE.

Et quel vif intérêt dans ses murs t'a conduit?

TITYRE.

La liberté ! Bien tard son doux rayon me luit;
Le temps
de ses frimas couvre ma barbe grise;
Mais d'un regard enfin le ciel me favorise,
Depuis qu'Amaryllis, oubliant sa rigueur,
Des fers de Galatée a délivré mon cœur.

Namque, fatebor enim, dùm me Galatea tenebat,
Nec spes libertatis erat, nec cura peculî:
Quamvis multa meis exiret victima septis,
Pinguis et ingratæ premeretur caseus urbi,

Non unquàm gravis ære domum mihi dextra redibat.

MELIBOEUS.

Mirabar quid moesta deos, Galatea, vocares; (5)
Cui pendere suâ patereris in arbore poma :
Tityrus hinc aberat. Ipsæ te, Tityre, pinus,
Ipsi te fontes, ipsa hæc arbusta vocabant.

TITYRUS.

Quid facerem? Neque servitio me exire licebat,
Nec tam præsentes alibi cognoscere divos.
Hic illum vidi juvenem, Meliboe, quotannis
Bis senos cui nostra dies altaria fumant.
Hic mihi responsum primus dedit ille petenti :
Pascite, ut antè, boves, pueri; submittite tauros.

MELIBOEUS.

Fortunate senex! ergò tua rura manebunt!
Et tibi magna satis, quamvis lapis omnia nudus

Oui, tant que sous ses lois je demeurai fidèle,
En vain de mes brebis j'épuisais la mamelle :
Esclave sans espoir, en vain, de mon troupeau,
Chaque jour la cité recevait un agneau;
Jamais vers ma famille, en secret affligée,
Ma main d'un juste prix ne retournait chargée.
MÉLIBÉE.

Et moi, je m'étonnais quand tes cris et tes vœux,
O triste Galatée, invoquaient tous les dieux!
Je conçois maintenant tes soupirs et tes larmes,
Et comment tes beaux fruits, pour toi privés de charmes,
Aux rameaux oubliés, y restaient suspendus !
Tityre, dès long temps, ne reparaissait plus.
Oui, Tityre, c'est toi, c'est toi que sur ces rives
Appelaient nos vergers, nos fontaines plaintives.

TITYRE.

Que faire, ô Mélibée? Accablé de revers,
Quelle main protectrice eût fait tomber mes fers?
J'ai vu ce jeune dieu, ce dieu, qui d'âge en âge,
Douze fois tous les ans recevra mon hommage.
A peine'eus-je exposé la rigueur de ses lois;
Soudain me rassurant du geste et de la voix :

« Il suffit, je sais tout et je connais vos peines,
Dit-il; comme autrefois, rentrez sur vos domaines;

>>

» Allez, enfants, allez, reprenez vos travaux,

» Et la paix vous rendra de plus nombreux troupeaux! »

MÉLIBÉE.

Heureux vieillard! ainsi ton antique héritage,
Le champ de tes aïeux, restera ton partage!

Limosoque palus obducat pascua junco :
Non insueta graves tentabunt pabula; fetas
Nec mala vicini pecoris contagia lædent.
Fortunate senex! hìc, inter flumina nota (6)
Et fontes sacros, frigus captabis opacum.
Hinc tibi, quæ semper vicino ab limite sepes
Hyblæis apibus florem depasta salicti,
Sæpè levi somnum suadebit inire susurro :
Hinc altâ sub rupe canet frondator ad auras :
Nec tamen intereà raucæ, tua cura, palumbes,
gemere aëriâ cessabit turtur ab ulmo.

Nec

TITYRUS.

Antè leves ergò pascentur in æthere cervi,
Et freta destituent nudos in littore pisces;
Antè, pererratis amborum finibus, exul

Aut Ararim Parthus bibet, aut Germania Tigrim,
Quàm nostro illius labatur pectore vultus.

MELIBOEUS.

At nos hinc alii sitientes ibimus Afros;

Pars Scythiam, et rapidum Cretæ veniemus Oaxem, Et penitùs toto divisos orbe Britannos.

En unquàm patrios longo post tempore fines, (7)

Nos malheurs désormais n'en sauraient approcher.
Que t'importe alentour ce long mur de rocher?
Que chargé de roseaux un noir marais l'inonde?
Ce champ qui te suffit, sera pour toi le monde.
Tes agneaux, à ta voix, prompts à s'y rassembler,
A des troupeaux impurs n'iront-point se mêler!
Heureux vieillard! ici, dans ces tranquilles plaines,
Entre des flots connus et les dieux des fontaines,
Tu vivras entouré d'ombrage et de fraîcheur !
Là, de son dard aigu picotant chaque fleur,
Pour assoupir tes sens, la diligente abeille
D'un sourd bourdonnement flattera ton oreille;
Là, d'un roc alongé tes bûcherons couverts,
De leurs joyeux refrains ébranleront les airs;
Et, sous l'antique ormeau, tes palombes heureuses
Roucouleront autour leurs plaintes langoureuses.

TITYRE.

Oui, le cerf dans la nue atteindra les oiseaux,
Les poissons altérés fuiront le sein des eaux,
De l'Euphrate orageux les ondes fugitives,
De la Saône et du Rhin iront chercher les rives
Avant que de mon cœur ses traits soient effacés.

MÉLIBÉE.

Et nous, dans les déserts nous fuyons dispersés! L'un, du noir Africain troublera la retraite ; L'autre, au bord de l'Oaxe ira chercher la Crète, Ou de notre univers le Breton séparé.

C'en est fait. Quoi! jamais, jamais je ne pourrai

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