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besoin de voir, étant éminemment en Dieu à plus juste titre que cette étendue intelligible infinie, il n'aurait pas plutôt dit que chacun de ces corps étant éminemment en Dieu, c'est là où nous les voyons, que de dire que nous les voyons tous dans cette étendue intelligible infinie, s'il avait cru qu'elle n'était, aussi bien que tous les corps particuliers, qu'éminemment en Dieu. C'est déjà une raison qui fait croire qu'il a pensé qu'elle y était formellement, et non-seulement éminemment, mais que cela était suffisamment adouci par le mot d'intelligible, auquel je ne vois pas qu'on puisse donner aucun bon sens en cet endroit-là.

Mais cela paraît encore en ce que rien ne peut mieux marquer qu'une chose est formellement étendue, et non-seulement éminemment, que quand on y met ce en quoi consiste le plus l'imperfection de l'étendue, qui est d'avoir des parties distinctes réellement les unes des autres; de sorte qu'on y en peut prendre d'autres plus petites et d'autres plus grandes; or, c'est ce qu'il dit de son étendue intelligible infinie, comme nous avons déjà vu dans l'endroit que nous avons rapporté.

C'en est une autre de ce qu'il oppose l'étendue aux corps sensibles et au mouvement, et qu'il ne veut pas que les corps sensibles, ni le mouvement, même intelligible, soient en Dieu en la même manière qu'il s'est imaginé que cette étendue y était. Cela est exprès pour les corps sensibles; car dans la même page où il dit que Dieu renferme l'étendue, il dit qu'il n'y a point en Dieu de corps sensibles, et qu'il n'est point nécessaire qu'il y en ait afin qu'on en voie en Dieu. Et pour le mouvement, voici ce qu'il en dit au même endroit: « On peut, dit-il, apercevoir le mouvement d'une << figure sensible, sans qu'il y ait même de mouvement dans << l'étendue intelligible; car Dieu ne voit point le mouvement « des corps dans sa substance ou dans l'idée qu'il en a en <«< lui-même, mais seulement par la connaissance qu'il a de << ses volontés. Il ne voit même leur existence que par cette

<< voie, parce qu'il n'y a que sa volonté qui donne l'être à <<< toutes choses. Les volontés de Dieu ne changent rien dans << sa substance, elles ne la meuvent pas. Peut-être que « l'étendue intelligible est immobile en tout sens, même in<< telligiblement. »

Je n'entends rien à tout cela, et je n'y trouve pas un mot de vrai. S'il n'y a point de mouvement dans l'étendue intelligible, on peut bien voir le mouvement par une perception qu'on en a d'ailleurs, mais il est impossible qu'on le voie dans cette étendue.

La preuve qu'on en apporte, prise de la science de Dieu à l'égard du mouvement, est une fausse supposition. Dieu voit toutes choses dons son essence, et soi-même et les créatures, et par conséquent il y voit le mouvement aussi bien que l'étendue.

Il n'est pas moins certain qu'il voit le mouvement par l'idée qu'il en a en lui-même; car, comme nous l'avons déjà montré, il n'a rien fait dont il n'eût l'idée; or, il a créé la matière en mouvement, sans quoi elle n'aurait été qu'une masse informe, dont il n'aurait pu faire aucun de ses ou→ vrages; il a donc nécessairement l'idée de la matière en mouvement, non-seulement parce qu'il l'a créée dans cet état, mais encore parce qu'il la conserve toujours dans le même état, puisque c'est immédiatement par lui-même qu'il conserve la même quantité de mouvement dans le monde, en le faisant passer continuellement d'un corps dans un autre. Il est donc impossible qu'il n'ait pas en lui-même l'idée, du mouvement, puisqu'il ne fait rien dont il n'ait l'idée comme je l'ai montré ci-dessus par saint Augustin et par saint Thomas.

Il n'est pas vrai, selon cet auteur même, que Dieu ne connaisse les mouvements que par la connaissance de ses volontés, qui les produisent; car il suppose, dans son Traité de la Nature et de la Grâce, premier discours, paragraphe 13, «< que Dieu découvrant dans les trésors infinis de sa sagesse

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<< une infinité de mondes possibles comme des suites néces<< saires des lois des mouvements qu'il pouvait établir, s'est « déterminé à créer celui qui aurait pu se produire et se << conserver par les voies les plus simples. » Il a donc connu les lois des mouvements dans les trésors infinis de sa sagesse, avant que de les connaître dans ses volontés, puisque c'était avant qu'il se fût déterminé à créer le monde; or, il ne pouvait pas connaître les lois des mouvements sans connaître les mouvements. Il n'est donc pas vrai que ce n'est que dans la volonté qu'il a eue de produire les mouvements, qu'il connaît les mouvements.

Je ne puis aussi deviner pourquoi il dit que les volontés de Dieu ne changent rien dans sa substance, et qu'elles ne la meuvent pas. Est-ce que si Dieu connaissait les mouvements par son essence ou substance, et non-seulement par ses volontés, il serait à craindre que sa substance n'en fût changée? Et pourquoi donc ne pense-t-on pas aussi que, si Dieu connaît l'étendue par son essence, et non-seulement par sa volonté, il soit à craindre que son essence ne soit étendue, ce qui n'est pas moins contraire à la nature de l'Être infiniment parfait que si elle était en mouvement. Je ne vois donc pas pourquoi l'étendue en repos et immobile lui paraît plus digne d'être admise en Dieu que l'étendue en mouvement ou mobile. C'est assurément qu'il n'a pas assez consulté «< la vaste et immense idée de l'Être infiniment parfait, » quand il en a eu ces pensées.

Mais ce qui me semble plus considérable, c'est qu'il paraît par là qu'il veut que, pourvu que son étendue intelligible infinie soit immobile, elle puisse être en Dieu d'une manière en laquelle l'étendue mobile et en mouvement n'y peut pas être, non plus que les corps sensibles qu'il dit aussi n'ètre pas en Dieu. Or, il ne peut avoir nié que l'étendue mobile et en mouvement, aussi bien que les corps sensibles, ne soient en Dieu éminemment, c'est-à-dire de cette manière toute spirituelle, et dégagée de toutes les imperfections, qui ne peuvent

manquer de se trouver dans les créatures, selon laquelle il avoue en un autre endroit « que les choses les plus matérielles et les plus terrestres sont en Dieu. » Il faut donc ou qu'il se soit contredit, ou qu'il ait prétendu que l'étendue intelligible infinie n'était pas seulement en Dieu éminemment, mais qu'elle y était aussi formellement; ou bien qu'il ait mis hors de Dieu cette étendue intelligible infinie, comme Aristote a cru que Platon y avait mis ses idées, n'ayant pas assez pris garde que c'était en Dieu, et non pas hors de Dieu, qu'il la devait mettre, puisqu'il n'y avait eu recours que faute d'autre meilleur moyen de nous faire voir toutes choses en Dieu. Quoi qu'il en soit, on ne peut guère faire concevoir plus grossièrement une étendue formelle en ce qui est de l'étendue, qu'il fait celle-là, quoiqu'il la nomme intelligible. Il est seulement vrai qu'il en a voulu ôter, je ne sais pourquoi, une des principales propriétés de l'étendue que Dieu a créée, qui est la mobilité, et qu'il lui a plu la considérer comme l'espace des gassendistes, qu'ils veulent aussi qui soit immobile. Mais je ne vois pas, comme je le viens de montrer, que cela la rende plus capable d'être admise en Dieu; et je m'en vas faire voir, dans le chapitre suivant, que cela la rend beaucoup plus incapable de nous servir d'être représentatif pour y voir tous les corps et tous les nombres.

CHAPITRE XV.

Que l'étendue intelligible infinie ne nous saurait être un moyen de voir les choses que nous ne connaissons pas, et que nous voudrions connaître.

On vient de voir, dans l'article précédent, que rien n'est plus inintelligible que cette étendue intelligible infinie, que cet auteur a inventée pour nous donner moyen de voir les choses en Dieu, s'étant persuadé, sur de faux principes, que nous ne pouvions voir autrement aucun des objets qui sont hors de nous.

Mais ce qui n'est pas moins étrange est qu'il ait si mal rencontré dans ce prétendu moyen de voir les choses en Dieu, qu'en lui accordant tout ce qu'il suppose, il est impossible que cette étendue intelligible infinie, dans laquelle il prétend que nous devons voir toutes choses, nous soit un moyen d'en voir aucune de toutes celles que nous ne connaîtrions pas, et que nous voudrions connaître.

Je commence par les nombres; car il les met entre les trois choses que nous voyons en Dieu, parce que nous les voyons par la lumière et par une idée claire. Je voudrais bien savoir quel est le nombre qui, étant divisé par 28, il reste 5, et étant divisé par 19, il reste 6, et étant divisé par 45, il reste 7, c'est-à-dire que je voudrais bien savoir l'année de la période julienne, qui a ces trois caractères: cinq du cycle solaire, six du nombre d'or, et sept de l'indiction. A quoi, je vous prie, me pourrait servir, pour connaître ce nombre, l'étendue intelligible infinie entièrement unie à mon âme. Me dira-t-on que tous les nombres y sont, parce qu'on la peut distinguer par l'esprit en une infinité de parties? Cela veut dire que tous les nombres y seront, quand mon esprit les y aura mis. Mais quand ils y seraient, comme dans un livre où tous les nombres seraient comptés depuis un jusqu'à cent millions (car je suis certain que le nombre que je cherche ne va pas jusque-là), me serait-ce un grand avantage pour le trouver? non, certainement. Car quand je me résoudrais à parcourir tous ces nombres, jusqu'à ce que je l'eusse rencontré, ce serait inutilement, parce que, ne le connaissant pas, je ne pourrais pas savoir si je l'aurais rencontré ou non. Mais peut-être aussi que cette étendue intelligible infinie n'est que pour les corps, et qu'il y a quelque autre moyen de voir les nombres en Dieu, dont il ne s'est pas encore expliqué. Voyons donc si elle sera de plus grand usage pour les corps et pour les figures que je ne connaîtrais pas encore et que je voudrais bien connaître. On m'assure que oui, et on le prouve en trois manières :

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