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<«< objet; et il lui est inutile d'en former une nouvelle. Il est <«< donc inutile d'attribuer à l'esprit de l'homme la puissance << de produire ses idées. » 382

Il est donc inutile aussi d'attribuer à l'esprit de l'homme la puissance de borner l'étendue intelligible infinie, pour y trouver l'idée d'une figure qu'il a besoin de connaître; car, de même qu'un peintre, quelque habile qu'il soit en son art, ne peut pas représenter un animal qu'il n'aura jamais vu, et dont il n'aura aucune idée, de sorte que le tableau qu'on l'obligera d'en faire ne peut pas être semblable à cet animal inconnu : ainsi un homme ne peut pas borner l'étendue intelligible en la manière qu'il faudrait qu'elle fût pour être l'idée de cette figure qu'il a besoin de connaître, telle que serait la figure d'un verre qui doit grossir les objets, s'il ne connaît auparavant cette figure, c'est-à-dire s'il n'en a déjà l'idée. Et s'il en a déjà une idée, il connaît cet objet, et il lui est inutile d'en former une nouvelle dans cette étendue intelligible infinie.

Il se fait sur cela une objection; et la solution qu'il lui donne sera la même qu'on lui donnera, s'il en fait une semblable: «< On pourrait peut-être dire que l'esprit a des idées << générales et confuses, qu'il ne produit pas, et que celles qu'il produit sont particulières, plus nettes et plus distinc<< tes; mais c'est toujours la même chose; car, de même qu'un << peintre ne peut pas tirer le portrait d'un homme particu<«<lier, de sorte qu'il soit assuré d'y avoir réussi, s'il n'en a <«< une idée distincte, et même si la personne n'est présente; << ainsi l'esprit, qui n'aura, par exemple, que l'idée de l'ètre <«< ou de l'animal en général, ne pourra pas se représenter <«< un cheval, ni en former une idée bien distincte, et être «< assuré qu'elle est parfaitement semblable à un cheval, s'il « n'a déjà une première idée avec laquelle il confère cette <«< seconde. Or, s'il en a une première, il est inutile d'en for<«< mer une seconde, et la question regarde cette première; << donc, etc. >>

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On voit sans peine qu'on lui peut dire la même chose; car, de même qu'un peintre, etc. Ainsi l'esprit, qui n'aura que l'idée d'une figure en général, ne pourra borner l'étendue intelligible de la manière qu'il serait nécessaire pour y trouver l'idée de la figure d'un verre propre à grossir les objets, et ètre assuré que cette idée est parfaitement semblable à celle qu'il cherche, s'il n'a déjà une première idée de cette figure avec laquelle il confère cette seconde. Or, s'il en a une première, il lui est inutile d'en chercher une seconde dans l'étendue intelligible.

Je serai fort surpris, Monsieur, si on me peut montrer que ce qu'il dit est concluant contre ceux qu'il combat, et que ce que je dis à son exemple ne le soit pas encore plus contre luimême.

CHAPITRE XVI.

Que ce que cet auteur fait faire à notre esprit pour trouver ses idées dans son étendue intelligible infinie, est contraire à l'expérience et aux lois générales que Dieu s'est prescrites à lui-même pour nous donner la connaissance de ses ouvrages.

Après avoir fait voir, dans le chapitre 14, que cette étendue intelligible infinie, en la manière que cet auteur la représente, est tout à fait inintelligible, et n'est qu'un amas de contradictions; et après avoir montré, dans le chapitre 45, que, quand on la supposerait telle qu'il veut qu'elle soit, il serait impossible que notre esprit y pût trouver les idées des choses qu'il ne connaîtrait pas, et qu'il aurait besoin de connaître : il ne me reste plus, pour un entier renversement de cette nouvelle philosophie des idées, qu'à montrer que, quand ce qu'il fait faire à notre esprit, pour lui faire trouver ses idées dans cette élendue intelligible infinie, pourrait lui servir à les y trouver (ce qui ne peut être, comme nous venons de le faire voir), on n'en devrait pas moins rejeter, comme des chimères,

tout ce qu'il dit sur cela, parce qu'il est manifestement contraire à ce que nous savons certainement se passer dans notre esprit, qui est la plus certaine des expériences, et aux lois gé nérales que Dieu s'est prescrites à lui-même, pour nous donner la connaissance de ses ouvrages.

Il n'est besoin, pour le reconnaître, que de faire deux réflexions. La première est que cet auteur n'a pas entrepris d'expliquer comment notre esprit pourrait voir les corps dans quelque cas extraordinaire, comme serait la supposition fantastique que Dieu n'en eût point créé, et qu'ils fussent seulement possibles; mais que son dessein est d'expliquer la manière générale et ordinaire dont notre esprit voit effectivement les corps que Dieu a créés, et sans laquelle il lui serait impossible de les voir. Or, quand on a un dessein tel que celui-là, il ne suffit pas de dire des choses purement possibles, et se piquer de subtilité en inventant des systèmes imaginaires il faut surtout prendre garde de ne rien supposer de contraire à ce qui est certainement; puisque rien n'est plus capable de faire rejeter ces ingénieuses méditations, que quand on peut dire : Vous vous tourmentez en vain pour m'apprendre comment je fais une telle chose; puisque je suis assuré, par une expérience que je ne puis démentir, que je ne la fais pas, mais que je fais tout le contraire.

La deuxième réflexion est que, quand il s'agit, non de quelque effet extraordinaire et sans suite, mais d'un effet commun, naturel, ordinaire, et qui est une suite de ce que Dieu a voulu qui arrivât dans le monde, selon les lois qu'il y a établies, il ne faut pas s'imaginer qu'il suffise d'avoir bien prouvé, à ce que l'on croit, que Dieu en est l'auteur, pour prétendre qu'il dépend tellement de sa volonté, qu'il n'y ait qu'à supposer qu'il fait cela à propos de rien, et parce seulement qu'il le veut, sans qu'on ait besoin d'en rechercher d'autre raison. L'auteur de la Recherche de la Vérité n'a garde de contredire cela; puisque c'est sa grande maxime,

qu'il pousse quelquefois plus loin qu'il ne faut, mais qui est incontestable, quand Dieu agit selon le cours ordinaire des choses de la nature. Or, il n'est point ici question de ce que Dieu fait dans les illuminations extraordinaires et surnaturelles de la grâce, mais de ce qu'il fait au regard de nos plus ordinaires et plus naturelles perceptions des objets les plus

communs.

Ces perceptions sont de deux sortes, selon cet auteur, liv. Ier, chapitre 1. Les premières nous représentent quelque chose hors de nous, comme un carré, une maison, etc. Les secondes ne nous représentent que ce qui se passe dans nous comme nos sensations de la lumière, des couleurs, des sons. Je commencerai par les dernières.

Il veut que Dieu en soit l'auteur: on en demeure d'accord; mais il faut de son côté qu'il avoue, comme il fait aussi, que Dieu ne les cause pas dans notre âme à propos de rien; mais qu'il ne le fait que par un ordre très-réglé, selon les desseins qu'il a eus en joignant notre âme à un corps; car, pour me restreindre à la lumière et aux couleurs, il enseigne luimême, après M. Descartes1, « que les sentiments de la lu« mière et des couleurs ne nous sont nécessaires que pour « connaître plus distinctement les objets et que c'est pour «< cela que nos sens nous portent à les attribuer seulement « aux objets. » D'où il conclut, « que ces jugements, aux<< quels les impressions de nos sens nous portent, sont très«< justes si on les considère par rapport à la conservation de << nos corps. >>

Il ajoute, dans le chapitre d'après, « que la raison pour <«< laquelle toutes les sensations ne peuvent pas bien s'expli« quer par des paroles, comme toutes les autres choses, c'est « qu'il dépend de la volonté des hommes d'en attacher les «< idées à tels noms qu'il leur plaît; mais que ces mêmes << hommes n'attachent pas comme il leur plaît leurs sensa

'Liv. I, chap. 12.

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«<tions à des paroles, ni même à aucune autre chose. Ils ne << voient point de couleurs, quoiqu'on leur en parle, s'ils << n'ouvrent les yeux. Ils ne goûtent point de saveurs, s'il << n'arrive quelque changement dans l'ordre des fibres de << leur langue et de leur cerveau. En un mot, toutes les sen«<sations ne dépendent point de la volonté des hommes : et << il n'y a que celui qui les a faits, qui les conserve dans cette << mutuelle correspondance des modifications de leur âme avec «< celle de leur corps. » 0165

Il s'ensuit de là deux choses: l'une, que Dieu ne cause ces sensations dans notre âme que quand il arrive quelque changement dans les organes de nos sens; l'autre, que la fin de ces sensations, et principalement de la lumière et des couleurs, n'est que pour nous faire connaître plus distinctement les corps qui nous environnent, par rapport à la conservation du nôtre; et que c'est pour cela qu'il a été bon que notre âme les attribuât à ces corps, et qu'elle se représentat les uns lumineux et les autres colorés d'une telle ou d'une telle couleur, selon que les corpuscules qui rejaillissent de ces objets auraient frappé différemment les filets du nerf optique, et les auraient diversement ébranlés. Voilà l'ordre commun et ordinaire, selon lequel Dieu cause en nous ces sensations.

Mais il faut que la trop forte application qu'a eue cet auteur à faire trouver les idées de tous les corps que nous voyons dans son étendue intelligible infinie, lui ait fait oublier toutes ces vérités, qu'il avait auparavant si bien expliquées, pour l'avoir rendu capable de nous vouloir persuader que, quand notre âme voit un carreau de marbre blanc, ce n'est point ce carreau qu'elle voit d'une figure carrée, mais qu'elle envisage une partie de l'étendue intelligible infinie, et qu'elle la conçoit bornée comme il faut pour avoir cette figure, et que ce n'est point aussi à ce marbre qu'elle attache la sensation de la couleur blanche, comme on a cru jusqu'ici qu'elle devait faire, selon l'institution de l'auteur de son union avec

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