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<< garde de parler d'une autre façon, ni de m'expliquer comme « je fais présentement; car je n'avais pas encore prouvé que «< Dieu seul est l'auteur de nos idées, et que nos volontés << particulières en sont les causes occasionnelles. >>

Il est assez difficile que deux personnes conviennent, quand l'une et l'autre se fondent sur des expériences contraires. Je m'imagine néanmoins qu'il ne sera pas difficile de juger laquelle de nos deux expériences sera plus conforme à celles des autres hommes; et je viens de plus de trouver un passage de notre ami, que je ne vois pas comment il pourra accorder avec cette maxime des Éclaircissements: « Nous ne << souhaitons jamais de penser à quelque objet, que l'idée de «< cet objet ne nous soit aussitôt présente ; » car je ne sais si l'on peut former une proposition plus directement contraire à celle-là, que celle-ci de la page 245. « Il est absolument <«< faux, dans l'état où nous sommes, que les idées des «< choses soient présentes à notre esprit toutes les fois que << nous les voulons considérer. »

CHAPITRE XVII.

Autre variation de cet auteur, qui dit tantôt qu'on voit Dieu en voyant les créatures en Dieu, et tantôt qu'on ne le voit point, mais seulement les créatures.

Une autre variation de cet auteur que j'ai touchée en passant, mais que je n'ai pas assez fait considérer, est qu'il dit tantôt que l'on voit Dieu en voyant en lui les choses matérielles, et tantôt qu'on ne le voit pas, mais seulement les choses matérielles.

Il dit qu'on le voit en la page 20, et il prétend même que Dieu n'a pu faire autrement, par ce raisonnement étrange, qu'il appelle une démonstration: « La dernière preuve, ditil, qui sera peut-être une démonstration pour ceux qui sont

<< accoutumés aux raisonnements abstraits, est celle-ci : Il << est impossible que Dieu ait d'autre fin principale de ses ac<< tions que lui-même, il est donc nécessaire que non-seule<<ment notre amour naturel, je veux dire le mouvement « qu'il produit dans notre esprit, tende vers lui; mais encore « que la connaissance et que la lumière qu'il lui donne <«< nous fasse connaître quelque chose qui soit en lui; car « tout ce qui vient de Dieu ne peut-être que pour Dieu; si <«< Dieu faisait un esprit, et lui donnait pour idée ou pour ob« jet immédiat de sa connaissance le soleil, Dieu ferait, ce « me semble, cet esprit et l'idée de cet esprit pour le soleil <<< et non pas pour lui. Dieu ne peut donc faire un esprit pour « connaître ses ouvrages, si ce n'est que cet esprit voie en « quelque façon Dieu, en voyant ses ouvrages; de sorte que « l'on peut dire que, si nous ne voyions Dieu en quelque ma<< nière, nous ne verrions aucune chose. >>

J'ai appelé ce raisonnement étrange, parce qu'il l'est en effet, et que c'est un pur sophisme, bien loin d'être une démonstration; car cet auteur prétend que notre âme se connaît elle-même sans se voir en Dieu, et sans rien voir qui soit en Dieu en se connaissant; or, cela ne donne pas lieu de dire que notre âme soit pour elle-même, et non pas pour Dieu. Encore donc que notre esprit eût le soleil pour objet immédiat de sa connaissance, on ne pourrait pas dire pour cela que notre esprit fût pour le soleil et non pas pour Dieu. Et en effet, il n'y a aucune liaison de cette conséquence à l'antécédent; car, d'une part, ce n'est pas tant ce que je fais au regard des choses purement naturelles, que la fin pour laquelle je les dois faire, autant que je puis, qui doit marquer que j'ai été créé pour Dieu; et de l'autre, c'est par ma volonté, et non par mon esprit que je me dois rapporter à ma dernière fin. Tout ce que l'on peut donc dire au regard de la connaissance que j'ai du soleil est, que pour satisfaire pleinement à l'institution de ma nature, je ne dois pas voir le soleil seulement pour le voir, et pour y chercher ma

propre satisfaction, parce que ce serait alors qu'il pourrait sembler que j'aurais été fait pour le soleil, mais que je dois rapporter à Dieu la connaissance que j'ai du soleil, en le louant de ses ouvrages, et lui rendant grâce de l'utilité que j'en reçois. Voilà ce que l'on peut raisonnablement conclure à cet égard de la maxime générale: que Dieu nous a faits pour lui, mais je ne sais qui sont ces esprits accoutumés aux raisonnements abstraits, qui trouveront qu'on en doit conclure, « que si Dieu ne nous faisait connaître quelque chose «< qui est en lui, en nous faisant voir le soleil, il semblerait <«< qu'il aurait fait notre esprit pour le soleil, et non pas pour «< lui. »>

Quoi qu'il en soit, il paraît par cette prétendue démonstration bonne ou mauvaise, que son sentiment est « que tout ce << qui vient de Dieu ne pouvant être que pour Dieu, il ne peut << faire un esprit pour connaître ses ouvrages, si ce n'est que « notre esprit voit en quelque façon Dieu, en voyant ses ou<< vrages. >>

Et en la page 200. « Puisque Dieu peut faire voir aux esprits << toutes choses, en voulant simplement qu'ils voient ce qui <<< est au milieu d'eux-mêmes, c'est-à-dire, ce qu'il y a dans « lui-même, qui a rapport à ces choses, et qui les repré<< sente, il n'y a pas d'apparence qu'il le fasse autrement. >> Et un peu plus bas : « Nous voyons tous les êtres créés, à «< cause que Dieu veut que ce qui est en lui, qui les repré«sente, nous soit découvert : » or ce qui est en Dieu qui représente les êtres créés, est Dieu même : cela ne peut donc nous être découvert que nous ne voyions Dieu : donc nous voyons Dieu en voyant les êtres créés.

Et en la page 202. « Nous ne disons pas que nous voyons << Dieu en voyant les vérités, mais en voyant les idées de ces « vérités. » Il prétend donc qu'on voit Dieu en voyant l'idée du soleil et l'idée de la terre, mais non pas précisément en voyant cette vérité que le soleil est plus grand que la terre. Et un peu plus bas : « Selon notre sentiment, nous voyons Dieu,

« lorsque nous voyons des vérités éternelles ; non que ces << vérités soient Dieu, mais parce que les idées dont ces vé«< rités dépendent, sont en Dieu. » Il soutient donc encore que lorsque nous disons que tout carré est la moitié du carré de la diagonale, nous voyons Dieu; parce que nous ne saurions assurer cela, sans que notre esprit voie ces deux carrés et qu'il ne saurait voir ces deux carrés qu'en voyant Dieu.

Et dans la page 203. « Nous croyons aussi que l'on connaît « en Dieu les choses changeantes et corruptibles, quoique << saint Augustin ne parle que des choses immuables et in«< corruptibles : parce qu'il n'est pas nécessaire pour cela de <«< mettre quelque imperfection en Dieu; puisqu'il suffit, <«< comme nous avons déjà dit, que Dieu nous fasse voir ce « qu'il y a dans lui qui a rapport à ces choses. » Or, ce qu'il y a dans Dieu qui a rapport aux choses changeantes et corruptibles est Dieu même nous ne saurions donc voir les choses changeantes et corruptibles que nous ne voyions Dieu.

Cependant, dans la page 200, il semble dire tout le contraire, après le premier des deux passages de cette même page que j'ai rapportés, et immédiatement avant le dernier. Car, afin qu'on ne pût pas conclure que nous voyons l'essence de Dieu, de ce que nous voyons toutes choses en Dieu, il dit << qu'on ne voit pas tant les idées des choses, que les choses « mêmes que les idées représentent; et que, lorsqu'on voit un «< carré, par exemple, on ne dit pas que l'on voit l'idée de « ce carré, qui est unie à l'esprit, mais seulement le carré, << qui est au dehors. >>

Et dans les Avertisssements, page 549, s'étant proposé cette objection, prise de saint Jean, 4. 48 « Que personne n'a « jamais vu Dieu je réponds, dit-il, que ce n'est pas pro<< prement voir Dieu que voir en lui les créatures; ce n'est pas << voir l'essence des créatures dans sa substance, comme ce « n'est pas voir un miroir, que d'y voir seulement les objets « qu'il représente. »

Mais il faut remarquer que ce n'est que par nécessité, et

pour s'échapper d'une objection qui l'incommode, qu'il parle de cette dernière sorte, c'est-à-dire, quil semble nier que nous voyions Dieu en voyant les créatures; car, partout ailleurs il fait entendre que nous le voyons, et il est impossible qu'il puisse parler autrement en suivant ses principes. La comparaison qu'il apporte d'un miroir est très-défectueuse, et ne prouve nullement que l'on puisse dire, selon sa doctrine, qu'en voyant les choses en Dieu, ce n'est point Dieu que nous voyons, mais seulement les créatures; car un miroir n'a rien en soi qui représente les objets, mais il en renvoie seulement les images, selon la philosophie commune, ou, selon celle de M. Descartes, il fait seulement que les globules, qui rejallissent de notre visage, ayant rencontré la surface polie du miroir, sont derechef poussés vers nos yeux; or, ce n'est point en cette manière que nous voyons les choses en Dieu, mais il veut que ce soit parce que Dieu nous découvre ce qui est en lui qui représente les êtres créés. C'est en ces propres termes qu'il s'explique en la page. 499 « L'esprit, dit-il, « peut voir en Dieu les ouvrages de Dieu, supposé que Dieu <«< veuille bien lui découvrir ce qu'il y a dans lui qui les re« présente; or, voici les raisons qui semblent prouver qu'il le «< veut. » Il prétend donc que nous voyons les choses en Dieu, non comme dans un miroir, mais comme dans un tableau, qui nous représente les choses que nous ne pouvons voir par elles-mêmes, parce qu'elles ne nous sont pas présentes. Car c'est la raison qu'il donne partout de la nécessité que nous avons de voir les choses matérielles en Dieu, parce qu'elles ne peuvent être présentes à notre esprit, au lieu que Dieu qui les représente, y est intimement uni; or, il est inconcevable qu'on puisse voir par un tableau, les choses qu'il représente, sans voir le tableau : il ne peut donc pas dire en parlant sincèrement, et en demeurant dans les principes de sa philosophie des idées, qu'em voyant les choses en Dieu, ce n'est pas Dieu proprement que nous voyons, mais seulement les créatures.

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