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est en lui-même; ce qui ne se peut dire sans erreur, » et sur cela il discourt à son ordinaire. Il traduit un article de saint Thomas, qui a pour titre : Utrum Deus cognoscat alia a se, et fait de grands raisonnements qui ne me regardent nullement, si ce n'est que cela peut faire croire à ceux qui ne voient que le blanc et le noir dans les livres, que je pense que Dieu ne connaît point ce qui se fait ici-bas. Je lui réponds en deux mots, que Dieu connaît tout ce qui est hors de lui, et que c'est une impiété que de prétendre qu'il le connaissse autrement que je viens de dire: savoir par l'idée qu'il a dans son Verbe de leurs essences, et par la connaissance qu'il a de ses volontés, qui leur donnent l'être et toutes les modifications de leur être.

CHAPITRE VII.

Quatrième preuve tirée de la Recherche de la Vérité, chap. 5 de la deuxième partie du troisième livre, et confirmée par saint Augustin.

I. « Il y a des personnes qui ne font point de difficulté «< d'assurer, que l'âme étant faite pour penser, elle a dans «< elle-même, je veux dire en considérant ses propres perfec«tions, tout ce qu'il lui faut pour apercevoir les objets; << parce qu'en effet, étant plus noble que toutes les choses << qu'elle conçoit distinctement, on peut dire qu'elle les con<< tient en quelque sorte éminemment, comme parle l'école, <«< c'est-à-dire d'une manière plus noble et plus relevée qu'elles << ne sont en elles-mêmes. Ils prétendent que les choses su→ «périeures comprennent en cette sorte les perfections des <«< inférieures. Ainsi, étant les plus nobles des créatures qu'ils « connaissent, ils se flattent d'avoir dans eux-mêmes, d'une <<< manière spirituelle, tout ce qui est dans le monde visible, <«< et de pouvoir, en se modifiant diversement, apercevoir tout «< ce que l'esprit humain est capable de connaître. En un <«< mot, ils veulent que l'âme soit comme un monde intelli«gible, qui comprend en soi tout ce que comprend le monde

« matériel et sensible, et même infiniment davantage. Mais <«< il semble que c'est être bien hardi que de vouloir soute<< nir cette pensée. C'est, si je ne me trompe, la vanité natu<«< relle, l'amour de l'indépendance, et le désir de ressembler «< à celui qui comprend en soi tous les êtres, qui nous brouille « l'esprit, et qui nous porte à nous imaginer que nous pos« sédons ce que nous n'avons point: « Ne dites pas que vous « soyez à vous-même votre lumière ', » dit saint Augustin : << car il n'y a que Dieu qui soit à lui-même sa lumière, et qui puisse, en se considérant, voir tout ce qu'il a produit et « qu'il peut produire. >>

II. Il me semble que je dois dire à M. Arnauld ces paroles de saint Augustin, qui sont citées dans cette quatrième preuve: Dic quia tu tibi lumen non es. Ne soutenez pas, Monsieur, que « les modalités de votre âme sont essentiellement représentatives; » mais dites, selon l'ordre que vous en donne saint Augustin, « que vous n'êtes pas votre lumière à vous-même. » Notre lumière ce sont nos idées : c'est la raison universelle, c'est la substance intelligible qui les renferme. Les vérités que nous connaissons ne sont que les rapports qui sont entre ces idées; car il est visible que le rapport d'égalité qui est entre deux et deux, et quatre, est une vérité immuable et nécessaire. De sorte que, soutenant que « les modalités de votre âme sont essentiellement représentatives, » vous dites que vous êtes à vous-même votre lumière, votre sagesse, votre maître intérieur. Vous rendez à la puissance de Dieu l'honneur qui lui est dû, si vous reconnaissez que vous n'êtes pas la cause de votre lumière; mais vous ne rendez pas l'honneur qui est dû à sa sagesse en soutenant que vos modalités sont essentiellement représentatives de la vérité, en soutenant qu'elles sont réellement et formellement la lumière qui vous éclaire. Vous vous attribuez ce qui appartient uniquement à la raison universelle,

Dic quia tu tibi lumen non es, sermon. 8, de Verbis Domini.

qui vous instruit, vous, Monsieur, et tout ce qu'il y a d'intelligences qui ne voient la vérité que parce qu'ils contemplent la substance intelligible que renferme la raison pour laquelle ils sont faits, et hors de laquelle rien n'est intelligible. Écoutez, s'il vous plaît, saint Augustin. Vous vous faites gloire de soutenir ses sentiments; prenez-les bien, et ne les abandonnez pas : ils sont plus chrétiens et plus solides « que tout ce qui vous est venu dans l'esprit, vous ne sauriez dire comment. » C'est ce que je puis dire à notre ami; mais il est à propos que saint Augustin lui dise les mêmes choses. Voici donc le passage de saint Augustin plus au long :

III. Dic quia tu tibi lumen non es1. Ut multum oculus es, lumen non es. Quid prodest patens et sanus oculus, si lumen desit? Ergo dic a te tibi lumen non esse, et clama quod scriptum est: Tu illuminabis lucernam meam, Domine. Lumine tuo, Domine, illuminabis tenebras meas. A me enim nihil, nisi tenebræ. Tu autem lumen fugans tenebras, illuminans me ; non a me mihi lumen existens, sed lumen non participans, nisi in te. Ce passage est assez clair; mais en voici d'autres :

IV. Quapropter nullo modo negaveris esse incommutabilem veritatem, hæc omnia quæ incommutabiliter vera sunt continentem, quam non possis dicere tuam, vel meam, vel cujusvis hominis; sed omnibus incommutabilia vera cernentibus, tanquam miris modis secretum et publicum lumen præsto esse ac se præbere communiter. Omne autem quod communiter omnibus ratiocinantibus atque intelligentibus præsto est, ad ullius eorum proprie naturam pertinere quis dixerit? Que M. Arnauld se rende ou à la raison de saint Augustin, ou à son autorité.

V. Quid ergo, dit le même saint dans le chapitre 10 du même livre, unum verum videmus ambo singulis mentibus, nonne utrique nostrum commune est ? Et il fait répondre à Évode, manifestissime. Il est très-clair, dit Évode, que cette

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unique vérité que nous voyons tous deux, chacun par notre esprit, nous est commune à l'un et à l'autre ; mais les modalités des esprits leur sont particulières. Il faut donc que les idées, ou les vérités, qui ne sont que les rapports qui sont entre les idées, soient autre chose que nos propres modalités. Il faut une nature immuable et universelle qui se communique à tous les esprits, sans se partager entre eux; qui soit, comme dit saint Augustin, miris modis secretum et publicum lumen. Voici quelques autres passages, afin que M. Arnauld ne croie pas que saint Augustin ait condamné sans réflexion son sentiment. Et j'en rapporterai encore d'autres dans d'autres chapitres.

VI. E quibus unum commemori satis est1, quod ratio et veritas numeri omnibus ratiocinantibus præsto est, ut omnis eam computator sua quisque ratione et intelligentia conetur apprehendere. Et alius id facilius, alius difficilius, alius omninò non possit ; quum tamen ipsa æqualiter omnibus se præbet valentibus eam capere. Nec quum eam quisque perceperit, in sui perceptoris quasi alimentum vertatur atque mutetur : nec quum in ea quisque fallitur, ipsa deficiat; sed ea vera et integra permanente, ille in errore sit tanto amplius, quantum minus eam videt.

VII. Pensez-vous, Monsieur, que le philosophe Thalès de M. Arnauld, pût, selon les principes de saint Augustin, raisonner comme il fait, sans contempler la raison; et découvrir les propriétés des nombres, en ne consultant que les modalités prétendues représentatives? Eterna gigneret, dit saint Augustin, animus inventione temporali, nam æterna sæpe invenit. Car c'est, par exemple, une vérité éternelle que le nombre deux mesure tous les nombres pairs.

VIII. Mais qui est cette vérité immuable qui comprend toutes les vérités, et qui nourrit les esprits de sa substance? Sera-ce Dieu même? Oui certainement, selon saint Augustin.

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Il n'y a pas de doute que toute nature immuable qui est au-dessus de l'esprit humain, ne soit Dieu même. Nec illud ambigendum est, incommutabilem naturam quæ supra animam rationalem sit, esse Deum'. C'est Dieu mème, puisque Jésus-Christ est Dieu. De universis autem quæ intelligimus non loquentem qui personat verbis, sed intus ipsi menti præsidentem consulimus veritatem, verbis fortasse ut consulamus admoniti2. Ille autem qui consulitur docet qui in interiori homine habitari dictus est Christus, id est incommutabilis Dei virtus atque sapientia. C'est la sagesse de Dieu, c'est la raison universelle des intelligences qui se manifeste à l'esprit, lorsqu'on raisonne et qu'on découvre la vérité et non pas des modalités qui ne sont représentatives que d'elles-mêmes, et par des sentiments confus que M. Arnauld ne distingue point des idées claires : lesquels sentiments n'apprennent point à l'esprit la nature de ses modifications, mais se font seulement sentir par le sentiment intérieur et confus que l'âme a de tout ce qui se passe en elle

même.

IX. Je rapporterais bien d'autres endroits de saint Augustin, s'il était nécessaire, pour persuader à M. Arnauld que ses propres modalités ne peuvent l'éclairer. Car saint Augustin détruit en cent endroits cette opinion de l'orgueil humain. Mais je pense qu'il le sait aussi bien que moi, quoiqu'il le dissimule dans son ouvrage pour avoir plus de droit d'appeler mon sentiment la nouvelle philosophie des idées.

X. Mais il faut que j'explique une difficulté qu'on peut avoir sur la différence apparente qui se trouve entre le sentiment de saint Augustin, et celui que j'ai appuyé dans la Recherche de la Vérité. Car saint Augustin ne dit pas qu'on voit en Dieu les objets sensibles, mais seulement les natures immuables, les nombres et l'étendue intelligible; je ne dis pas les choses nombrées, ni l'étendue matérielle. Et moi j'ai

De vera Relig., cap. 31

2 S. Avc., de Magistro, cap. 11.

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