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ne voit pas Dieu, puisque Dieu n'est pas ce qu'on voit. » Le raisonnement qu'il fait après celui-ci, a la mème solidité. Prenez la peine de le lire page 480.

XIII. Mais dans le fond, selon le sentiment de M. Arnauld, on ne voit point les corps, on ne voit que soi; car on ne voit que la couleur et ses propres modalités. Et selon mon sentiment, on ne sent que soi-même, et on ne voit ou connaît que Dieu. Mais comme la couleur se rapporte à un arbre, quoiqu'on ne voie, en parlant exactement, que la couleur ou que soi-même, on peut dire qu'on voit un arbre. Et parce qu'un arbre est étendu, et que la couleur ne l'est pas (je ne me fais pas de nouvelles difficultés : je parle à M. Arnauld selon ses principes et selon les miens), il faut que l'esprit ait l'idée de l'étendue, afin qu'il y attache, pour ainsi dire, le sentiment de couleur de même qu'il faut une toile à un peintre, afin qu'il y applique les couleurs.

XIV. Je crois, pour moi, que cette étendue intelligible est en Dieu. Je crois même que c'est une impiété que de le nier; et je suis persuadé qu'on ne peut la voir qu'en lui. Ainsi, en parlant philosophiquement, on peut dire, selon mon sentiment, qu'on voit en Dieu toutes ses créatures. On peut dire en un sens, qu'on ne voit immédiatement que Dieu, et qu'on ne sent que soi. Mais il le faut prendre avec équité; et comprendre qu'on ne le voit, qu'en tant que sa substance a rapport à ses créatures. Car quoique tout ce qui est en Dieu soit Dieu, on ne le voit pas, à proprement parler, lorsqu'on ne le voit que selon l'idée qu'il a de ses ouvrages, ou que selon qu'il peut être participé par les créatures. Mais il ne plaît pas à M. Arnauld d'avoir de l'équité pour ses amis, lorsqu'ils ne donnent pas dans ses sentiments. Il y a six ans que j'avais raison : il approuvait la Recherche de la Vérité. Mais aujourd'hui, il ne dit pas seulement d'un ton chagrin, que ma nouvelle philosophie des idées apprend qu'on voit en Dieu les corps mais encore, qu'on voit « Dieu en` voyant un soleil, un cheval, un arbre. Que les femmes voient

Dieu, lorsqu'elles se regardent dans un miroir, parce que le visage qu'elles y voient n'est pas le leur, mais un visage qui lui ressemble; que je spiritualise· - et que je divinise les objets des sciences humaines, et que j'en donne trop d'estime. » Quoi! M. Arnauld humanise-t-il son cheval, à cause qu'il ne le voit que par la couleur, modification de sa propre substance; ou par ses propres modalités essentiellement représentatives? Rien ne me paraît, Monsieur, ni plus injuste, ni plus ridicule que ces façons de critiquer les gens.

XV. Plût à Dieu que M. Arnauld fût venu du temps de saint Augustin, et lui eût appris son ancienne philosophie des modalités essentiellement représentatives, bien différentes de ces vérités éternelles, immuables, nécessaires, que renferme la raison universelle ! Ce saint docteur ne m'aurait point trompé, par l'attachement qu'il paraît avoir dans plusieurs de ses ouvrages pour ce sentiment, qu'on ne peut voir qu'en Dieu les vérités des nombres, comme que deux et deux font quatre; et celles de géométrie, comme que de toutes les lignes droites terminées par la circonférence d'un cercle, celle qui passe par le centre est la plus grande. Car j'avoue que c'est principalement son autorité, qui m'a donné l'envie de pousser la nouvelle philosophie des idées. Mais puisque saint Augustin m'a trompé, que M. Arnauld lui reproche à lui, « de dire qu'on voit Dieu, lorsqu'on pense à un cercle, » ou qu'on connaît que deux fois deux font quatre; qu'il l'accuse << de spiritualiser et de diviniser les sciences humaines, et d'en donner trop d'estime; que son sentiment bien loin d'unir à Dieu les esprits, les unit à de l'étendue et à des nombres. » Qu'il lui dise à lui dans le mouvement qui le transporte, «je ne veux point de cette union; j'y renonce de bon cœur; je ne connais point pour mon Dieu, ni les nombres, ni l'étendue intelligible dans laquelle on peut distinguer diverses parties, quoique toutes de même nature.

Voyez le deuxième livre du Libre arbitre de saint Augustin, depuis le huitième chapitre jusqu'au quinzième.

ce n'est point le Dieu que j'adore. » Et qu'il me laisse en repos; car je n'adore point d'autre Dieu que l'Être infiniment parfait, dont la puissance seule me donne l'ètre, dont la sagesse seule m'éclaire l'esprit, et dont l'amour, amour seul substantiel et nécessaire, me donne tout le mouvement que j'ai pour le bien.

CHAPITRE X. M. Arnauld suppose cinq ou six fois seulement ce qui est en question, dans les définitions qu'il met avant ses prétendues démonstrations.

I. Supposé, Monsieur, que j'aie bien détruit « les modalités essentiellement représentatives de M. Arnauld, » il faut selon ce que j'ai dit dans le quatrième chapitre, qu'il demeure maintenant d'accord que le sentiment que j'ai sur la nature des idées est incontestable, puisque dans la page 33 il avoue que l'énumération que j'ai faite des cinq diverses manières dont on peut voir les objets, est exacte ; et qu'il assure de plus, page 107, « qu'il n'y a nulle apparence de vérité dans les autres manières. » Néanmoins, je crois devoir encore renverser ses prétendues démonstrations, et faire voir que tout ce qu'il avance pour prouver son sentiment, n'a rien de solide; quoique je ne doute pas que vous n'en soyez déjà assez persuadé par le peu que je viens d'écrire.

II. Il serait fort à désirer que M. Arnauld, qui se glorifie d'avoir une idée de l'âme, aussi claire que celles que les géomètres ont de l'étendue, nous apportat des preuves que les modalités de l'âme sont essentiellement représentatives, aussi bonnes et aussi courtes que celles qu'on peut donner, que la rondeur n'est autre chose que la modification de la matière : il convaincrait assurément toute la terre de son sentiment. Mais il est étrange que tout ce qu'il dit làdessus n'est qu'une pure pétition de principe; à quoi néanmoins, comme géomètre, il donne un certain tour géométrique, dont je doute que les autres géomètres soient contents. Voici, Monsieur, comme il s'y prend.

DÉFINITIONS.

qui pense.

- I. « J'appelle âme ou esprit la substance

II. « Penser, connaître, apercevoir, sont la même chose. III. « Je prends aussi pour la même chose, l'idée d'un objet et la perception d'un objet. Je laisse à part, s'il y a d'autres choses à qui on puisse donner le nom d'idée; mais il est certain qu'il y a des idées prises en ce sens, et que ces idées sont ou des attributs, ou des modifications de notre âme.

IV. « Je dis qu'un objet est présent à notre esprit quand notre esprit l'aperçoit ou le connaît. Je laisse encore à examiner s'il y a une autre présence de l'objet préalable à la connaissance, et qui soit nécessaire, afin qu'il soit en état d'être connu. Mais il est certain que la manière dont je dis qu'un objet est présent à l'esprit quand il en est connu, est incontestable; et que c'est ce qui fait dire, qu'une personne que nous aimons nous est souvent présente à l'esprit, parce que nous y pensons souvent.

V. « Je dis qu'une chose est objectivement dans mon esprit, quand je la conçois ; quand je conçois un carré, le soleil, un son; le soleil, le carré, le son, sont objectivement dans mon esprit, soit qu'ils soient ou qu'ils ne soient pas hors de mon esprit.

VI. « J'ai dit que je prenais pour la même chose la perception et l'idée. Il faut néanmoins remarquer que cette chose, quoiqu'unique, a deux rapports : l'un à l'âme qu'elle modifie; l'autre à la chose aperçue, en tant qu'elle est objectivement dans l'âme et que le mot de perception marque plus directement le premier rapport, et celui d'idée le dernier. Ainsi la perception d'un carré marque plus directement mon âme comme apercevant un carré; et l'idée d'un carré marque plus directement le carré, en tant qu'il est objectivement dans mon esprit. Cette remarque est très-importante pour résoudre beaucoup de difficultés, qui ne sont fondées que sur ce qu'on ne comprend pas assez que ce ne sont

point deux entités différentes, mais une même modification de notre âme, qui enferme essentiellement ces deux rapports; puisque je ne puis avoir de perception, qui ne soit tout ensemble la perception de mon esprit comme apercevant, et la perception de quelque chose comme aperçue; et que rien aussi ne peut être objectivement dans mon esprit (qui est ce que j'appelle idée) que mon esprit ne l'aperçoive.

VII. « Ce que j'entends par les êtres représentatifs, en tant que je les combats comme des entités superflues, ne sont que ceux que l'on s'imagine être réellement distingués des idées prises pour des perceptions; car je n'ai garde de combattre toutes sortes d'êtres ou de modalités représentatives; puisque je soutiens qu'il est clair à quiconque fait réflexion sur ce qui se passe dans son esprit, que toutes nos perceptions sont des modalités essentiellement représentatives. »

III. M. Arnauld est grandement habile géomètre de supposer dans ses définitions comme certaine, la proposition qu'il doit démontrer. Voici cette proposition, dont il donne cinq démonstrations admirables. Une seule suffirait.

PROPOSITION A DÉMONTRER.-Notre esprit n'a point besoin pour connaître les choses matérielles, de certains êtres représentatifs distingués des perceptions, qu'on prétend être nécessaires pour suppléer à l'absence de tout ce qui ne peut être par soi-même uni intimement à notre âme.

EXAMEN DES DÉFINITIONS DE M. ARNAULD, PAR RAPPORT A SA PROPOSITION A DÉMONTRER.-IV. Je prends, dit M. Arnauld dans sa troisième définition, « pour la même chose l'idée d'un objet et la perception d'un objet. »

RÉPONSE.-Vraiment, Monsieur, cela supposé, « notre esprit n'a point besoin, pour connaître les corps, de certains êtres représentatifs distingués des perceptions, » comme il prétend le démontrer; car lorsqu'on a l'idée d'un objet, on connaît l'objet. Mais ce que M. Arnauld doit démontrer, c'est que l'on puisse avoir une perception de quelque ob

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