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CHAPITRE XVIII.

Réponse au seizième chapitre.

I. M. Arnauld commence ainsi son chapitre 16:

<< Après avoir fait voir, dans le chapitre 14, que cette étendue intelligible infinie est tout à fait inintelligible, et n'est qu'un amas de contradictions; et après avoir montré, dans le quinzième, que quand on la supposerait telle qu'il veut qu'elle soit, il serait impossible que notre esprit y pût trouver les idées des choses qu'il ne connaîtrait pas, et qu'il aurait besoin de connaître : il ne me reste plus, pour un entier renversement de cette nouvelle philosophie des idées, qu'à montrer que, quand ce qu'il fait faire à notre esprit, pour lui faire trouver ses idées dans cette étendue intelligible infinie, pourrait lui servir à les y trouver (ce qui ne peut être, comme nous venons de le voir), on n'en devrait pas moins rejeter, comme des chimères, tout ce qu'il dit sur cela, parce qu'il est manifestement contraire à ce que nous savons certainement se passer dans notre esprit, qui est la plus certaine des expériences, et aux lois générales que Dieu s'est prescrites à lui-même, pour nous donner la connaissance de ses ouvrages. >>

Voilà, Monsieur, de quoi surprendre les simples. Ce style et ces manières faisaient autrefois des conquêtes; mais présentement on s'en défie, les philosophes surtout, Et peut-être que les autres n'oseront parler de métaphysique, de peur qu'on se moque d'eux.” ..

II. Après cinq ou six pages de discours assez inutiles à la question, "M. Arnauld suppose une vérité dont je conviens, qui est que du marbre paraît blanc ou noir, à cause de la différence de l'arrangement des parties de leur surface : Dieu ayant jugé à propos de nous donner moyen de discerner fes objets par les sensations de différentes couleurs.

« Mais, continue-t-il, ce dessein de Dieu serait renversé, si sous prétexte que nul de ces marbres n'est proprement ni

blanc, ni noir, ni jaspé, mais que ces couleurs ne sont que des modifications de mon âme, je pouvais attacher chacune de ces couleurs auquel je voudrais ; car alors, bien loin que ces couleurs me servissent à les distinguer, elles ne me serviraient qu'à les confondre. C'est pourquoi Dieu n'a pas voulu que cela dépendit de ma liberté, et j'en suis convaincu par l'expérience. >> RÉPONSE. III. Mais quel est cet impertinent, qui croit qu'il dépend de sa liberté de voir la neige blanche ou verte? C'est moi, Monsieur, selon ce que vous allez lire.

« Il faut donc que l'auteur de la Recherche de la Vérité ait renoncé à tout ce qu'il sait le mieux, lorsque dans la nécesɛité de défendre à quelque prix que ce soit sa nouvelle philosophie des idées, il s'est trouvé réduit à attribuer à notre áme cette puissance imaginaire d'attacher la sensation du vert, du rouge, du bleu, ou de quelque autre couleur que ce soit, à une partie quelconque de l'étendue intelligible, qu'il ne peut pas seulement feindre avoir causé quelque mouvement dans l'organe de notre vue. »>

RÉPONSE. Pensez-vous, Monsieur, qu'il soit vraisemblable que M. Arnauld ait pu s'imaginer que j'eusse le sentiment qu'il m'attribue? Je veux que j'aie dit, que lorsque je vois de la neige, l'âme y attache la sensation de blancheur, comme elle attache la douleur d'une piqûre au doigt piqué. Mais cela peut-il faire croire, que j'aie pensé que ce fût « par le choix et l'usage de ma liberté; et que j'ai été réduit à attribuer à notre âme une puissance imaginaire d'attacher les sensations à ce qu'elle aperçoit? >>

Mais, supposé que M. Arnauld n'ait pas cru cela de moi, les honnêtes gens peuvent-ils être contents de lui, lorsqu'ils font réflexion, qu'il attribue à son ami la plus ridicule et la plus sotte pensée qui puisse entrer dans l'esprit d'un homme ? Mais vous allez voir, Monsieur, encore une faute plus difficile à couvrir.

IV. C'est le second Éclaircissement de la Recherche de la

Vérité qui en est le fondement. Il est nécessaire que vous le lisiez. M. Arnauld l'a transcrit par parties trois fois dans ce chapitre, et en a toujours retranché ce qui décidait la question. Le voici, Monsieur, tout entier.

<« Il ne faut pas s'imaginer que la volonté commande à << l'entendement d'une autre manière que par ses désirs et ses << mouvements; car la volonté n'a point d'autre action. Et il « ne faut pas croire non plus, que l'entendement obéisse à «< la volonté, en produisant en lui-même les idées des choses <«< que l'âme désire; car l'entendement n'agit point: il ne fait <«< que recevoir la lumière, ou les idées de ces choses, par «< l'union nécessaire qu'il a avec celui qui renferme tous les « êtres d'une manière intelligible, ainsi que l'on a expliqué << dans le troisième livre.

<< Voici donc tout le mystère. L'homme participe à la sou<< veraine raison, et la vérité se découvre à lui, à propor<«<tion qu'il s'applique à elle, et qu'il la prie. Or, le désir de << l'âme est une prière naturelle qui est toujours exaucée; car <«< c'est une loi naturelle que les idées soient d'autant plus << présentes à l'esprit, que la volonté les désire avec plus << d'ardeur. Ainsi, pourvu que la capacité que nous avons de << penser, ou notre entendement, ne soit point rempli des sen<«<timents confus que nous recevons à l'occasion de ce qui se << passe dans notre corps, nous ne souhaitons jamais de pen<< ser à quelque objet, que l'idée de cet objet ne nous soit « aussitôt présente et comme l'expérience même nous l'ap

prend, cette idée est d'autant plus présente et plus claire, «< que notre désir est plus fort, et que les sentiments confus <«< que nous recevons par le corps sont plus faibles et moins << sensibles, comme je l'ai déjà dit dans la remarque pré«< cédente.

« Ainsi, quand j'ai dit que la volonté commande à l'en«<tendement de lui présenter quelque objet particulier, j'ai << prétendu seulement dire que l'âme qui veut considérer << avec attention cet objet s'en approche par son désir; parce

« que ce désir, en conséquence des volontés efficaces de « Dieu qui sont les lois inviolables de la nature, est la cause « de la présence et de la clarté de l'idée qui représente cet « objet. >>

V. Voici maintenant la critique de M. Arnauld.

<< Mais ce qu'a trouvé cet auteur pour accorder sa doctrine sur ce point des idées avec son autre doctrine, que Dieu agit comme cause universelle, dont les volontés générales doivent être déterminées à chaque effet par les causes qu'il appelle occasionnelles, est encore plus contraire à l'expérience. Car la cause occasionnelle, qu'il a cru déterminer Dieu à nous donner chaque idée en particulier, est le désir que nous en avons. C'est ce qu'il enseigne dans le deuxième Éclaircissement sur le premier chapitre du premier livre. « Il ne faut << pas, dit-il, s'imaginer que la volonté commande à l'enten<< dement d'une autre manière que par ses désirs et ses mou«<vements; car la volonté n'a point d'autre action. Et il ne << faut pas croire non plus que l'entendement obéisse à la « volonté, en produisant en lui-même les idées des choses «< que l'âme désire; car l'entendement n'agit point, il ne fait <«< que recevoir la lumière, ou les idées de ces choses, par <«< l'union nécessaire qu'il a avec celui qui renferme tous les << êtres d'une manière intelligible, ainsi qu'on l'a expliqué <«< dans le troisième livre. Voici donc tout le mystère. L'homme <«< participe à la souveraine raison, et la vérité se découvre à <«<lui à proportion qu'il s'applique à elle et qu'il la prie. Or « le désir de l'àme est une prière naturelle qui est toujours «<exaucée; car c'est une loi naturelle, que les idées soient << d'autant plus présentes à l'esprit que la volonté les désire << avec plus d'ardeur. »

<«< Cela serait beau, s'il était vrai. Mais l'expérience y est si contraire, que je ne puis comprendre, comment on se hasarde d'avancer de telles choses sans s'être auparavant consulté soi-même. Si on l'avait fait, on n'aurait pas manqué de reconnaître qu'il y a bien des objets qui nous dé

plaisent, et que nous voudrions bien ne pas voir, dont les idées ne laissent pas d'ètre fort présentes à notre esprit, et que nous souffrons avec peine des représentations fâcheuses, que nous souhaiterions fort de ne point voir, bien loin de les désirer. »

RÉPONSE. VI. Vous voyez, Monsieur, de quel ton parle M. Arnauld, après m'avoir imposé à son ordinaire un sentiment extravagant et ridicule. « Je ne puis comprendre, ditil, comment on se hasarde d'avancer de telles choses, sans s'être auparavant consulté soi-même. » Mais je puis encore moins comprendre comment M. Arnauld se hasarde de m'imposer un sentiment que je n'ai pas, et que je rejette dans l'endroit même qu'il cite, par ces paroles qui suivent immé– diatement celles qu'il rapporte. « Ainsi, pourvu que la capa «< cité que nous avons de penser, ou notre entendement, ne << soit point rempli par des sentiments confus que nous rece<«<vons à l'occasion de ce qui se passe dans notre corps, nous « ne souhaitons jamais de penser à quelque objet, que l'idée << de cet objet ne nous soit aussitôt présente; et comme l'ex« périence même nous l'apprend, cette idée est d'autant plus « présente et plus claire que notre désir est plus fort, et que « les sentiments confus que nous recevons par le corps sont <«< plus faibles et moins sensibles, comme je l'ai déjà dit dans « la remarque précédente. » Si M. Arnauld n'entendait pas ceci, il pouvait lire la remarque précédente. Il pouvait s'éclaircir de mon sentiment en cent endroits de la Recherche de la Vérité, où je fais voir que le corps trouble l'esprit, et que les mouvements des esprits et du sang sont des causes occasionnelles, en conséquence des lois de l'union de l'âme et du corps, plus fortes et plus efficaces à cause du péché, que celles de l'union de l'esprit avec la raison universelle.

VII. Mais admirez sa conduite. Il a trouvé un passage dans lequel je dis, « que dans l'état où nous sommes, les <«< idées des choses ne se présentent point à notre esprit toutes <«<les fois que nous le voulons. » Que pensez-vous qu'il en

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