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conclue? que je me contredis, Monsieur, que cela renverse ma maxime; c'est le nom qu'il donne à la sotte erreur qu'il m'attribue, en retranchant ce qui fait voir qu'il m'impose. Lisez, Monsieur, la conclusion de son chapitre. La voici :

« Je viens de trouver un passage de notre ami, que je ne vois pas comment il pourra accorder avec cette maxime des éclaircissements. » « Nous ne souhaitons jamais de penser à <«< quelque objet, que l'idée de cet objet ne nous soit aussitôt « présente. » « Car je ne sais si l'on peut former une proposition plus directement contraire à celle-là, que celle-ci du chapitre 9 de la deuxième partie du troisième livre. »> « Il est << absolument faux dans l'état où nous sommes, que les idées <<< des choses soient présentes à notre esprit toutes les fois que « nous les voulons considérer. »

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RÉPONSE. VIII. Prenez garde encore un coup que M. Arnauld tire cette maxime qu'il m'attribue, de cette proposition « Pourvu que la capacité que nous avons de penser, ou notre entendement, ne soit point rempli des sentiments confus que nous recevons à l'occasion de ce qui se passe dans notre corps; nous ne souhaitons jamais de penser à quelque objet, que l'idée de cet objet ne nous soit aussitôt présente..» Prenez garde que, non-seulement ici, mais dans la page qui précède, il rapporte le commencement et la fin de cet endroit, en retranchant le milieu, qui lui aurait ôté le droit de m'attribuer cette maxime; et que d'abord en rapportant encore ce même passage, il s'est arrêté tout court à ce qui était essentiel pour entendre ma penséc. Que peuton juger d'un critique, qui falsifie trois fois en diverses manières, dans un même endroit, un passage de son auteur, afin de lui imposer un sentiment ridicule? un sentiment, dis-je, que l'on rejette dans le même passage, et peut-être cent fois dans tout l'ouvrage de la Recherche de la Vérité?

IX. Enfin, Monsieur, quand j'aurais oublié de mettre cette condition, « pourvu que la capacité que nous avons de penser ne soit point remplie, etc., » dans l'endroit où je l'ai

mise, un critique équitable m'aurait-il attribué cette maxime, que je combats en cent endroits de la Recherche de la Vérité? Mais, de plus, au lieu de conclure que je me contredis par deux passages qui seraient contraires en apparence, n'aurait-il pas expliqué la proposition générale et obscure par celle qui la modifie, et qui est conforme à l'expérience qu'il doit supposer que j'ai aussi bien que les autres hommes?

En vérité, Monsieur, pourvu que M. Arnauld ait compris mes sentiments, c'est un des plus injustes critiques qui fût jamais. Voilà ma maxime, n'ôtez pas la condition que je mets: « Pourvu que M. Arnauld ait compris mes sentiments; » car il ne faut pas juger des intentions secrètes.

CHAPITRE XIX.

Réponse au dix-septième chapitre.

I. Ce chapitre 417 contient plusieurs passages tirés de la Recherche de la Vérité, par lesquels M. Arnauld prétend que je me contredis à mon ordinaire, et que je dis, « tantôt qu'on voit Dieu en voyant ses ouvrages, et tantôt qu'on ne voit pas Dieu, mais ses ouvrages. » Et enfin, comme il s'imagine que mon sentiment sera odieux, et paraîtra ridicule au commun des hommes, s'il m'oblige à dire qu'on voit Dieu, il conclut ainsi son chapitre.

II. «< Tant s'en faut donc que l'on puisse dire, selon la nouvelle philosophie des idées, que quand nous voyons les créatures en Dieu, ce n'est pas Dieu que nous voyons, mais seulement les créatures; qu'il faut dire absolument tout le contraire que quand nous voyons les créatures en Dieu, c'est Dieu uniquement que nous voyons, et nullement les créatures. Car si celui qui voit le soleil en Dieu, ne voyait pas Dieu, mais le soleil que Dieu a créé; ce serait le soleil matériel qu'il verrait, puisque c'est le soleil matériel que Dieu a créé. Or, selon cet auteur, celui qui regarde le soleil, ne voit point le soleil matériel, mais seulement le soleil

intelligible. Il ne voit donc que Dieu, et non pas le soleil que Dieu a créé. »

RÉPONSE.III. J'ai déjà, ce me semble, ruiné plusieurs fois ce raisonnement de M. Arnauld, et répondu à cette prétendue contradiction, chapitre 9 et ailleurs, en disant, que lorsqu'on ne voit l'Être divin, qu'en tant qu'il est participé par les créatures, on ne voit que les créatures; car certainement on voit les créatures, lorsqu'on a leurs idées présentes à l'esprit et leurs idées ne sont que l'Être divin, en tant qu'il est la ressemblance, ou la représentation des créatures qui y participent. Voyez, Monsieur, la quinzième question de la première partie de la Somme de saint Thomas. Dieu voit sans doute son ouvrage comme possible, lorsqu'il voit l'idée qu'il en a : et il sait que cet ouvrage existe, ou il le voit comme actuellement existant, parce qu'il sait que la volonté qu'il a de le produire, est efficace. Pourquoi donc, lorsque les hommes voient les idées des choses, et qu'ils sont avertis par des sensations dont Dieu les touche à l'occasion des corps, que ces mêmes corps existent; pourquoi, dis-je, ne dira-t-on pas, que c'est proprement ces corps qu'ils voient, et non pas Dieu, quoiqu'ils ne les voient qu'en celui qui seul peut nous éclairer?

IV. « Si celui qui voit le soleil en Dieu, dit M. Arnauld, ne voyait pas Dieu, mais le soleil que Dieu a créé, ce serait le soleil matériel qu'il verrait, puisque c'est le soleil matériel que Dieu a créé.

<< Or, selon cet auteur, celui qui regarde le soleil, ne voit point le soleil matériel, mais seulement le soleil intelligible. Il ne voit donc que Dieu, et non pas le soleil que Dieu a créé. »

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RÉPONSE. Je réponds, que celui qui regarde le soleil ne voit point le soleil immédiatement, et en lui-même : il ne voit le soleil que par l'idée du soleil : il ne le voit que par l'étendue intelligible, rendue sensible par le sentiment vif de lumière, que Dieu cause dans l'âme en conséquence de

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l'union de l'esprit et du corps lequel sentiment, par les raisons que j'ai déjà dites, l'avertit de son existence et de sa présence. En un mot, il ne voit le soleil qu'en Dieu et néanmoins il ne voit point Dieu à proprement parler; parce que ce n'est pas voir Dieu, que de voir ce qu'il y a en lui qui a rapport à ses ouvrages, ou que de le voir seulement en tant qu'il peut être participé par les créatures.

V. Je crains si peu de dire qu'on voie Dieu en ce sens, que je soutiens au contraire, qu'il n'y a que Dieu qui soit visible, qu'il n'y a que lui qui soit lumière, qu'il n'y a que la substance intelligible de la raison universelle qui puisse pénétrer les esprits, et les éclairer par sa présence. Je prétends qu'on ne peut sans lui, ni hors de lui, trouver la vérité, pour laquelle sont faits les esprits; comme on ne peut trouver sans lui, ni hors de lui, le bien, terme nécessaire de tous les mouvements de nos volontés.

Certainement, le pécheur ne cherche que Dieu par le mouvement naturel de son amour, quoiqu'il s'en éloigne par l'erreur de son esprit, et par le déréglement de son cœur. Il ne cherche que le bien, qui ne se trouve qu'en Dieu, puisque Dieu seul peut agir en l'âme, et la rendre heureuse. C'est le sentiment de saint Augustin; et rien n'est plus clair à celui qui sait, que Dieu seul, et non les corps, est la cause unique et véritable des plaisirs dont on jouit à leur occasion. De même, l'esprit ne voit que Dieu, quoiqu'il regarde les objets sensibles, comme le sujet et la cause de ses connaissances. Dieu a fait nos esprits pour le voir, aussi bien que nos cœurs pour l'aimer; et cela s'exécute toujours de sa part, quelque opposition que nous y apportions de la nôtre; c'est que l'erreur n'est pas visible, ni le vice aimable. On ne tombe dans l'erreur qu'en cherchant mal la vérité. On ne peut aimer le mal par l'amour même du mal. Lorsqu'on se trompe, on croit voir ce qu'effectivement on ne voit point.

Confess., liv. II, chap. 6.

Lorsqu'on pèche, on croit aimer ce qu'effectivement on n'aime point; car on ne peut, en un sens, ni connaître, ni aimer que Dieu on ne peut connaître que la vérité, on ne peut aimer que le bien; et la vérité et le bien ne se trouvent qu'en celui qui seul est au-dessus de l'esprit, qui seul peut le rendre sage et heureux. Dieu ne nous a pas faits pour aimer les objets sensibles; on ne peut aimer le bien en les aimant. Il ne nous a pas faits aussi pour contempler les corps; on ne peut en les contemplant voir la lumière. Lorsqu'on les regarde sans voir Dieu, on ne voit, ou plutôt on ne sent que soi. Lorsqu'on les recherche sans aimer le bien, on n'aime que soi. On ne voit que la couleur, lorsqu'on les regarde avec les yeux du corps. On n'aime que son plaisir, lorsqu'on court à leur jouissance; et la couleur et le plaisir ne sont que des modalités de notre être propre.

VI. Mais si on aime autre chose que soi par l'impression d'amour que Dieu met en nous, comme Dieu n'agit que pour lui, on n'aime que le bien, ou la cause du plaisir qui ne se trouve qu'en Dieu. De même, si on voit autre chose que soi, lorsqu'on regarde les corps, comme Dieu n'agit que pour lui, on voit une substance intelligible qui ne se trouve que dans la raison universelle, pour laquelle les esprits sont faits, comme les cœurs le sont pour aimer le bien véritable. Car je prétends que la capacité que nous avons de connaître, aussi bien que celle que nous avons d'aimer, est uniquement pour Dieu, pour contempler la substance intelligible de la vérité : et que si Dieu avait voulu que le soleil fût l'objet immédiat de la connaissance que nous en avons, Dieu aurait fait notre esprit en partie pour voir le soleil ; il semble que notre esprit ne serait pas fait uniquement pour Dieu; Dieu ne serait pas la fin de notre esprit en toutes les manières possibles, et il est certain que Dieu agit pour lui en toutes les manières possibles qui sont dignes de lui.

VII. M. Arnauld dit, que ce raisonnement est étrange, et

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