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modalités qui ne sont que ténèbres et sentiment confus, la représentation de l'Être infiniment parfait; l'idée la plus lumineuse, la plus féconde et la plus nécessaire que nous ayons celle dans laquelle on peut découvrir tous les principes de nos connaissances, et toutes les règles de notre conduite, pourvu que, méprisant nos propres modalités, nous la contemplions dans le silence de nos sens, de notre imagination et de nos passions. Voilà, Monsieur, pour la singularité du sentiment de M. Arnauld dans ce chapitre : voyons un peu l'injustice de sa critique.

VIII. Il me reproche dans ce chapitre, ce qu'il m'avait déjà reproché injustement dans plusieurs autres, que j'avais changé de sentiment sur la nature des idées que « dès l'entrée de la Recherche de la Vérité, j'avais pris le mot d'idée dans son vrai sens pour la perception d'un objet ; » mais que dans le troisième livre, « tout d'un coup j'ai perdu de vue les idées prises pour des perceptions, et sans y prendre garde, j'ai substitué à ce mot d'idée, ma notion bizarre d'êtres représentatifs, que je me figure comme des tableaux et des images que notre esprit doit envisager, etc. » Ce sont là ses termes; mais prenez, s'il vous plaît, la peine de lire son troisième chapitre.

RÉPONSE. —IX. Afin que vous jugiez, Monsieur, de la justice de ce reproche, je vous prie de vous souvenir, que mon dessein dans la Recherche de la Vérité, c'est de délivrer l'esprit de ses préjugés; ce que j'ai fait en partie dans les cinq premiers livres, et de donner la méthode la plus courte et la plus sûre pour découvrir la vérité, et perfectionner les sciences, ce que je crois avoir exécuté dans le sixième. Mais avant toutes choses, j'ai dû chercher l'origine de l'erreur, pour y remédier dans sa cause ; j'ai dù établir une règle infaillible pour l'éviter, et sur laquelle je pusse examiner les préjugés et mes anciennes opinions. C'est ce que j'ai tâché de faire dès l'entrée de l'ouvrage.

X. Je crois, Monsieur, que vous voyez déjà bien, que

quand je n'aurais examiné nulle part, dans la Recherche de la Vérité, la nature des idées ; que quand j'aurais toujours pris ce mot idée, ou perception, dans un sens indéterminé, comme j'ai fait en partie dans le premier chapitre, où je ne voulais point parler de ce qu'il y a de plus abstrait dans la métaphysique, et qui suppose davantage un esprit dégagé des préjugés et des impressions des sens, on ne pourrait légitimement me critiquer sur cela. J'aurais fait, comme presque tous ceux qui ont composé des logiques. Et je ne crois pas que l'auteur de l'Art de penser, ait prétendu expliquer à fond la nature et l'origine des idées, quoiqu'il y ait un chapitre qui porte ce titre, De la Nature et de l'Origine des Idées (chap. 1er); car il ne parle point là proprement de leur nature et à l'égard de leur origine, il attribue à l'âme la faculté de les former à l'occasion de ce qui se passe dans le corps, ce qui est trèsfaux, à parler exactement. Mais l'équité veut qu'on examine le dessein d'un auteur. Et comme celui de l'auteur de l'Art de penser est de donner une logique, quoiqu'il mêle souvent dans son ouvrage des principes de physique ou de métaphysique qui n'y ont point de rapport nécessaire, on ne doit pas lui faire un procès, sur ce qu'il dit que l'âme se forme des idées à l'occasion des ébranlements du cerveau ; ni prétendre qu'il ait exclu de nos perceptions l'action de Dieu, à cause qu'il ne le reconnaît point là comme seule cause véritable de tout ce qui se fait dans son ouvrage.

XI. Il faut dire la même chose de la métaphysique de M. Descartes. Il est contre le bon sens et contre l'équité de prétendre, comme fait M. Arnauld, que ce philosophe ait exclu les idées au sens ordinaire, et prétendu que les modalités de l'âme sont essentiellement représentatives. Il faudrait que M. Arnauld, pour s'appuyer sur l'autorité de ce philosophe, apportât quelques endroits de sa métaphysique contraires au sentiment commun, et ne se servît pas d'un terme qui a deux sens, tel que celui de perception d'un objet, ou de réalité objective, pour assurer que ce philosophe l'enten

dait comme lui. Mais il faut plutôt croire, que M. Descartes n'a point eu sur cela de sentiment arrêté, ou qu'il n'a pas voulu nous le déclarer; car je suis sûr, autant qu'on le peut être de ces sortes de choses, que s'il avait voulu donner à entendre, qu'il croyait que les modalités de l'âme sont essentiellement représentatives, et exclure les idées au sens ordinaire, il n'aurait point parlé sur cette matière aussi obscurément et aussi généralement qu'il a fait.

XII. Le titre du premier chapitre de la Recherche de la Vérité n'est point de la nature et de l'origine des idées, comme celui du premier chapitre de l'Art de penser. Dans ce premier chapitre, mon unique dessein c'est d'attacher aux termes d'entendement, de volonté et de liberté, les notions les plus distinctes que je puisse, afin de faire clairement comprendre dans le second, que c'est le mauvais usage qu'on fait de sa liberté, qui est la cause de l'erreur; et pour établir la règle qu'il faut observer pour l'éviter. La comparaison que je fais, dans ce même chapitre, de l'esprit avec la matière, est uniquement pour fixer les idées, ou les notions que j'attache aux facultés de l'âme; et faire, pour ainsi dire, tomber sous l'imagination, ou rendre sensible une matière abstraite, sur laquelle on parle souvent sans s'entendre, et sans savoir même précisément ce qu'on veut dire. Je voulais faire regarder l'entendement comme une faculté purement passive, afin qu'on prît garde que l'erreur venait de la volonté. C'est pour cela que je compare la faculté passive qu'a l'entendement pour recevoir différentes idées, à celle qu'a la matière de recevoir diverses figures. D'où, pour le dire en passant, M. Arnauld, page 46, conclut fort mal à própos, « que je croyais donc alors que les idées n'étaient que des modalités de l'âme, comme les figures ne sont que des modifications de la matière. » C'était là mon dessein; mais je ne pensais nullement alors à expliquer ce que je croyais de la nature des idées. Rien n'est plus visible, lorsqu'on examine ce chapitre dans le dessein de l'entendre. Je pouvais donc pour lors, et

même je devais me servir des termes de perception et d'idée dans le sens général qu'ils portent d'eux-mêmes, et remettre, comme j'ai fait au troisième livre, à m'expliquer sur cette matière lorsque les esprits seraient délivrés des préjugés, et en état de la concevoir. Mais que fait M. Arnauld? il lui plaît de prendre ma pensée dans un lieu où il est visible que je ne l'ai point exposée, et où je ne devais pas l'exposer. Par le moyen de la généralité de mes termes, il m'attribue un sentiment que je n'ai point; et ensuite il me chicane à cause que je n'ai pas d'abord défini mes termes, et prétend que c'est que je me contredis. Il le répète pour le moins quinze ou vingt fois dans son livre. Je quitte, selon lui, un bon sentiment pour en prendre un méchant lorsque, parlant à fond de la nature des idées dans le troisième livre, je réfute celui qu'il m'a imposé, en donnant à des termes généraux le sens particulier qui s'accommodait à son dessein. Voilà, Monsieur, sa conduite. Jugez si elle est équitable.

XIII. Mais de peur que la lecture du troisième chapitre de M. Arnauld ne vous porte à croire, que lorsque j'écrivais le premier de la Recherche de la Vérité, je ne pensais point encore aux idées, telles que je les explique dans le troisième livre, ce qui pourrait avoir quelque vraisemblance, je vous prie d'examiner ce passage tiré de la Recherche de la Vérité1: « On peut dire de même, que les idées de l'âme sont de deux « sortes, en prenant le nom d'idée en général, pour tout ce << que l'esprit aperçoit immédiatement. Les premières nous << représentent quelque chose hors de nous, comme celle d'un «< carré, d'une maison, etc. Les secondes ne nous représen<< tent que ce qui se passe en nous, comme nos sensations, <«< la douleur, le plaisir, etc. Car on fera voir dans la suite, « que ces dernières idées ne sont rien autre chose qu'une « manière d'ètre de l'esprit; et c'est pour cela que je les ap<< pellerai des modifications de l'esprit. >>

Chap. 1 du premier livre.

XIV. Ces paroles, Monsieur, « en prenant ce mot idée en général, pour tout ce que l'esprit aperçoit immédiatement, » ne suffisent-elles pas pour ôter l'équivoque du mot d'idée, autant qu'il était nécessaire pour ce chapitre, et pour faire comprendre, que dès lors je distinguais les idées d'avec les sentiments confus? Celles-ci, que l'esprit aperçoit immédiatement, ne marquent-elles pas, que dès lors je croyais qu'on ne voyait point les objets en eux-mêmes? Et enfin ces dernières : « On fera voir, dans la suite, que ces dernières idées ne sont rien autre chose qu'une manière d'ètre de l'esprit, et c'est pour cela que je les appellerai des modifications de l'esprit, » ne disent-elles pas formellement, que les idées qui nous représentent quelque chose de distingué de nous, un carré, une maison, etc., ne sont point des modalités de l'âme, et qu'il n'y a seulement que les idées qui nous représentent ce qui se passe en nous, notre douleur, notre plaisir, etc., qui soient des modifications de notre être? Pourquoi donc M. Arnauld me reprend-il à tous moments de me contredire, et que j'ai changé de sentiment? Que, dans le premier chapitre, « j'avais pris le mot d'idée dans son vrai sens; mais que, dans le troisième, tout d'un coup j'ai perdu de vue les idées prises pour des perceptions; et sans y prendre garde, j'ai substitué ma notion bizarre d'être représentatif? Je me contente, dit-il encore, page 17, de vous faire remarquer que l'auteur de la Recherche de la Vérité, ayant souvent parlé de ces idées dans le premier chapitre de son livre, il a marqué en diverses manières que les idées des objets et les perceptions des objets étaient la même chose. Et ce qui est remarquable, afin qu'on ne croie pas que cela lui est échappé, c'est que, dans la deuxième partie du deuxième livre, il continue à prendre le mot d'idée dans la même notion, surtout dans le troisième chapitre; car ce qu'il appelle, dans le titre de ce chapitre, la liaison mutuelle des idées de l'esprit et des traces du cerveau, il l'appelle, dans le chapitre même, la correspondance naturelle et mutuelle des pensées de l'âme et des

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