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sulté le maître intérieur, qui nous enseigne toute vérité. » OEuvres complètes, t. 38, p. 436.

Laissant de côté l'histoire de toute la querelle, nous essaierons de rappeler les principaux points de la discussion philosophique, et d'indiquer la solution véritable qui doit en ressortir.

I.

THÉORIE DE MALEBRANCHE SUR LA VISION EN DIEU.

Voici d'abord l'opinion de Malebranche sur la vision en Dieu, telle qu'elle est exposée et démontrée principalement dans la seconde partie du troisième livre de la Recherche de la Vérité1.

L'esprit ne connaît pas seulement ses sensations et ses désirs; il connaît aussi l'existence de certains objets qu'il' regarde comme séparés de lui; or, pour qu'il connaisse de tels objets, il est absolument nécessaire que quelque opération produise en lui leur idée, car c'est à cette idée, et non pas à l'objet lui-même, que notre intelligence s'applique. On a assigné un grand nombre de causes à la production des idées dans l'entendement; Malebranche réduit à cinq toutes les origines possibles de nos idées : ou les objets les forment eux-mêmes directement, en envoyant à notre esprit des images qui les représentent, ou les objets ne produisent que des sensations qui ne leur sont point semblables, et à l'occasion desquelles l'esprit fait naître, par sa propre force, les idées des choses auxquelles il veut penser; ou Dieu produit en nous nos idées, soit toutes ensemble.

Page 238 de mon édition.

en nous créant, soit à mesure que nous pensons à quelque objet; ou notre esprit peut, en se considérant et ses propres perfections, découvrir toutes les choses qui sont au dehors; ou enfin il est uni à un être tout parfait qui renferme généralement toutes les perfections intelligibles ou toutes les idées des êtres créés. De toutes ces suppositions, la dernière seule est conforme à la raison; d'où il suit que nous voyons toutes choses en Dieu.

Comment voyons-nous toutes choses en Dieu ? c'est qu'il est absolument nécessaire que Dieu ait en lui-même les idées de tous les êtres qu'il a créés, puisque autrement il n'aurait pas pu les produire. Dieu donc étant le lieu des esprits, et dans une étroite union avec notre âme, il est certain que l'esprit peut voir ce qu'il y a en lui qui représente les êtres créés, puisque cela est très-spirituel, trèsintelligible et très-présent à l'esprit.

Mais parmi les choses que nous connaissons, les unes ont pour caractère d'être divisibles, mobiles, colorées, étendues. Si nous les voyons en Dieu, faut-il dire que le divisible, le mobile, la couleur et l'étendue même, résident formellement dans l'esprit pur et infini, qui, étant éternel, doit échapper, par son essence, à tout ce qui est sentiment, état transitoire, ou propriété matérielle? Tant s'en faut; Dieu est la perfection même, et n'est que cela, car il ne se peut pas qu'un être enferme dans son essence la plus grande perfection actuelle, et en même temps quelque imperfection, puisque ce sont deux termes qui s'excluent. Tout ce qui est en Dieu et n'est pas Dieu même, n'est en Dieu qu'éminemment; ou si l'on dit que quelque chose imparfaite est contenue formellement dans la nature de Dieu, il faut distinguer dans cette chose son idée ou es

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matérielle. L'étendue intelligible est éternelle, immense, nécessaire; » par conséquent, elle n'enferme ni mouvements, ni figures, ni divisions, et elle est toute pénétrable et incorporelle; «l'autre espèce d'étendue est la matière dont le monde est composé.

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Telle est, dans ses points principaux, la doctrine de Malebranche sur la vision en Dieu. Cette doctrine est trèscomplexe; et comme elle renferme de graves erreurs et d'importantes vérités, rien ne peut être plus utile pour l'intelligence de la discussion, que de mettre séparément et de distinguer avec soin les diverses opinions qui s'y trouvent contenues.

1o. L'esprit humain ne connaît directement, et sans l'intermédiaire d'aucune idée, que Dieu et les phénomènes que lui découvre sa propre conscience; et, pour les autres objets, il ne les connaît que par leurs idées;

2o. Les idées ne sont produites ni par l'opération des objets de l'entendement, ni par l'activité propre de l'intelligence humaine, ou comme on parle dans l'école, par l'intellect agent. Il n'y a point d'intellect agent, mais seulement un intellect patient, et l'esprit humain est purement passif dans l'acquisition et dans la perception des idées; 3o. Les idées sont des êtres très-réels;

4o. Elles sont les conceptions mêmes de Dieu, et c'est en Dieu que nous les voyons.

A l'exception de la doctrine de la passivité absolue de l'esprit humain dans la connaissance que nous rejetons tout à fait, sur les autres points nous n'avons que des distinctions à présenter; nous sommes fort éloignés de rejeter, comme Arnauld, au rang des chimères philosophiques, la théorie de la vision en Dieu proprement dite; nous mon

trerons pour quelle sorte d'idées et dans quel sens elle peut et doit être admise comme véritable.

II.

DE LA NATURE DES IDÉES, ET DE L'ACTIVITÉ DE L'ESPRIT

HUMAIN.

1. L'esprit humain ne connaît directement, et sans l'intermédiaire d'une idée, que Dieu et les phénomènes que lui découvre sa propre conscience; et pour les autres objets il ne les connaît que par leurs idées.

« Qu'est-ce qu'une chose qui pense? c'est une chose qui doute, qui entend, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent 1» Sentir, vouloir, ne sont pas proprement des idées; mais je ne puis sentir ni vouloir sans en être averti, et cet avertissement est la pensée ou l'idée que je conçois de mon sentiment et de ma volonté. Cette pensée est immédiatement possédée par mon intelligence, parce que le phénomène qui en est l'objet se passe en moi-même, ou plutôt parce que c'est alors moi-même que je connais dans un certain état, et sous une certaine modification particulière. La détermination de la connaissance est différente lorsque l'objet est hors de moi; car je ne puis lui être aussi intimement uni que je le suis à mes modifications propres, et il faut que j'emploie quelque faculté, et que je produise ou subisse quelque opération dont le résultat est un phénomène qui se passe dans ma propre substance, comme le sentiment et la volonté, et qui, pour être véritablement

DESCARTES, seconde Méditation, page 50, éd. Charp.

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