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qui consultera pour vous le Verbe éternél. Chacun se mit à rire, et la compagnie se sépara. On ne m'a pas encore mandé ce qui s'est fait depuis, et quand je le saurais je n'en dirais rien ici car il est temps, Monsieur, de finir cette longue lettre. Je ne vous en fais point d'excuses, ayant encore à vous fatiguer d'un plus long écrit ; mais que vous ne pourrez pas vous dispenser de lire, parce qu'on vous y prend pour juge entre deux amis, dont chacun se plaint de l'autre, comme ayant mal observé les règles de l'amitié. Je suis, etc.

Le 28 janvier 1684.

DÉFENSE. CINQUIÈME PARTIE.

EXEMPLES REMARQUABLES QUI MONTRENT D'UNE Part combien L'AUTEUR DE LA RÉPONSE EST INJUSTE DANS SES REPROCHES PERSONNELS, ET DE L'AUTRE COMBIEN IL EST FAIBLE, CONFUS ET BROUILLÉ DANS SES RÉPONSES SUR LA MATIÈRE DES IDÉES.

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PREMIER EXEMPLE. Faux principe: que les corps ne sont pas intelligibles par eux-mêmes ou en eux-mêmes. Que ma première démonstration l'a contraint de l'abandonner.

Il n'y a rien dont l'auteur de la Réponse témoigne être plus choqué que de ce qu'on a cru avoir trouvé des sophismes dans ses ouvrages, et nous avons déjà vu qu'il en fait une des principales preuves du chagrin qu'il prétend que j'ai contre lui. Cependant, comme il ne saurait dire que j'aie rien mêlé d'offensant contre sa personne en découvrant les défauts de ses arguments, on ne peut dire aussi que je lui aie donné par là aucun légitime sujet de plainte. Tout ce qu'il avait à faire était de montrer que ses raisonnements étaient bons quoique, par défaut de lumière, je les eusse trouvés mauvais; mais il ne pouvait, sans une injustice manifeste, prendre occasion de là de m'attribuer des passions malignes et déréglées. Il pourrait néanmoins avoir tort en cela sans que j'eusse raison dans le fond, et ainsi il est bon de voir si je l'ai repris mal à propos d'avoir employé de méchantes preuves pour établir sa doctrine.

Je n'ai trouvé que deux principes par lesquels il ait voulu nous persuader dans la Recherche de la Vérité que nous avons besoin d'êtres représentatifs, distingués des perceptions, pour connaître les choses matérielles l'un, que nous ne pouvons pas les connaître par elles-mêmes; l'autre, que ce que nous connaissons doit être présent à notre esprit et y être intimement

uni, et que les corps ne peuvent pas être présents et unis à notre âme en cette manière.

J'ai combattu le premier de ces deux principes par la première démonstration que voici, c'est dans le chap. 6 des Idées : PREMIÈRE DÉMONSTRATION.- <«< Un principe qui n'est appuyé que sur une expression équivoque, qui n'est vrai que dans un sens qui ne regarde point la question qu'on veut résoudre par ce principe, et qui dans l'autre sens suppose, sans aucune preuve, ce qui est en question, doit être banni de la véritable philosophie.

<< Or, telle est la première chose que l'auteur de la Recherche de la Vérité prend pour principe de ce qu'il veut prouver tou chant la nature des idées. >>

Supposant la majeure comme incontestable, voici comme j'ai prouvé la mineure.

<«< La mineure est bien facile à prouver; ses paroles sont : Tout le monde demeure d'accord que nous n'apercevons point les objets qui sont hors de nous par eux-mêmes. L'équivoque est dans ces mots par eux-mêmes; car ils peuvent être pris en deux sens. Le premier, qu'ils ne se font point connaître à notre esprit par eux-mêmes, c'est-à-dire qu'ils ne sont point la cause que nous les apercevons et qu'ils ne produisent point, dans notre esprit, les perceptions que nous avons d'eux; comme on dit que la matière ne se meut point de soi-même, ou par soi-même, parce qu'elle ne se donne point à soi-même son mouvement. Ce premier sens est vrai, mais il ne fait rien à la question qui est de la nature des idées et non pas de leur origine.... Il ne reste donc que le second sens dans lequel il a pu prendre ces mots, par eux-mêmes, en opposant être connu par soi-même (comme il croit que l'est notre âme quand elle se connaît) à être connu par ces étres représentatifs des objets, distingués des perceptions dont nous avons déjà tant parlé. Or, les prenant en ce sens, c'est supposer visiblement ce qui est en question, avant que de l'avoir établi par aucune preuve ; et ce qu'il aurait reconnu sans peine devoir

être rejeté comme faux, ou au moins comme douteux, s'il l'avait examiné par ses propres règles, et s'il avait philosophé dans cette matière comme il a fait dans les autres; » ce que je fais voir dans le reste du chapitre.

L'auteur de la Réponse a été fort fidèle à rapporter tout ce chapitre; et, ce qui m'étonne, est qu'il n'ait pas cru que tous ceux qui le liraient n'y trouveraient rien que de convaincant. Mais il s'est imaginé qu'il les éblouirait par les deux défaites par lesquelles il a cru pouvoir s'échapper.

PREMIÈRE DÉFAITE. - « J'ai dit que tout le monde tombait d'accord que nous n'apercevons point les objets qui sont hors de nous par eux-mêmes; mais où M. Arnauld a-t-il vu que je l'ai pris pour principe de ce que je veux prouver touchant la nature des idées ? >>

RÉPONSE. Remarquez, Monsieur, qu'il ne nie pas qu'il aurait eu tort de prendre cela pour principe de ce qu'il avait à prouver touchant la nature des idées, c'est-à-dire touchant la nécessité des êtres représentatifs, distingués des perceptions, pour voir les choses matérielles ; qu'il ne nie pas que cette proposition, nous n'apercevons point les objets qui sont hors de nous par eux-mêmes, n'ait deux sens; qu'il ne nie pas que, dans l'un, elle ne faisait rien à son sujet; et, qu'en le prenant dans l'autre, c'était une pétition de principe, mais qu'il est réduit à nier qu'il l'ait prise pour principe de ce qu'il nous voulait persuader touchant la nécessité de ces êtres représentatifs, et à me demander où j'ai vu qu'il l'ait prise pour principe. Il faut donc le lui dire : ç'a a été dans le titre de son premier chapitre de la deuxième partie de son troisième livre, joint à la première période de ce même chapitre.

Le titre est Ce qu'on entend par ses idées. Qu'elles existent véritablement et qu'elles sont-NÉCESSAIRES pour apercevoir les objets matériels. Il ne niera pas que, par le mot d'idées, il n'ait entendu ces êtres représentatifs distingués des perceptions; et, par conséquent, il ne peut aussi nier que son des

sein ait été de prouver dans ce chapitre la nécessité de ces êtres représentatifs. Or, voici comme il le commence :

« Je crois que TOUT LE MONDE tombe d'accord que nous n'apercevons point les objets qui sont hors de nous par euxmêmes. Nous voyons le soleil, les étoiles et une infinité d'objets hors de nous, et il n'est pas vraisemblable que l'âme sorte du corps pour contempler ces objets. Elle ne les voit DONC point par eux-mêmes, et l'objet immédiat de notre esprit lorsqu'il voit le soleil, par exemple, n'est pas le soleil, mais quelque chose qui est intimement uni à notre âme; et c'est ce que j'appelle idée. »

Voilà où j'ai vu qu'ayant entrepris de prouver dans ce chapitre, que nous avons besoin d'êtres représentatifs, qu'il appelle idées, pour voir les corps, il y avait pris pour principe cette proposition: Nous n'apercevons point les objets qui sont hors de nous par eux-mêmes. Et c'est ce que verront tous ceux qui entendent le français, et qui savent que la particule donc est illative; c'est-à-dire qu'elle signifie que l'on tire une conclusion de ce qui a été dit auparavant. Or, ce dont on tire une conclusion, en est appelé le principe dans le langage des philosophes.

Voici encore où j'ai vu qu'il a pris cette proposition, les corps ne sont pas intelligibles par eux-mêmes, pour le principe de ce qu'il voulait prouver, que nous avons besoin pour les voir d'êtres représentatifs, qu'il appelle idées. C'est dans le chapitre 6 du même livre, page 205, où il dit en propres termes: On ne peut douter, dit-il, qu'on ne voie les corps avec leurs propriétés, par leurs idées (c'est-à-dire par des êtres représentatifs). Et pourquoi n'en peut-on douter? remarquez bien la raison qu'il en donne: Parce que, n'étant pas intelligibles par eux-mêmes, nous ne les pouvons voir que dans l'être qui les renferme d'une manière intelligible.

Ainsi, Monsieur, on ne peut douter que cette prétention, qu'il n'a pas pris cela pour principe de ce qu'il voulait prouver touchant la nature des idées, ne soit une pure défaite.

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