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Gélase, et des autres saints pontifes du cinquième siècle; mais à la fin il a fallu trancher le mot. « Il est certain que dès ce temps commencèrent tous les caractères de la bête. Dès le temps de Léon les Gentils ou païens commencèrent à fouler l'Eglise aux pieds; car le paganisme, qui est le culte des créatures, y entra. Dès lors on commença à blasphémer contre Dieu et ses saints; car ôter à Dieu son véritable culte pour en faire part aux saints, c'est blasphémer contre Dieu.» Voilà donc le blasphème et l'idolâtrie antichrétienne établie sous saint Léon. Il n'en étoit pas exempt, puisqu'il étoit luimême l'Antechrist: et en effet il est constant qu'il n'honora pas moins les reliques, et ne demanda pas moins le secours de la prière des saints, que tous les autres. Voilà donc non-seulement un idolâtre, mais encore le chef de l'idolâtrie antichrétienne dans le nombre des élus ; et l'idolâtrie n'empêche pas le salut.

Mais est-il possible, direz-vous, que notre ministre ait dit ces choses, lui qui avoue à l'auteur des Variations que l'idolâtrie, un si grand blasphème contre Dieu, n'a point d'excuse, et qu'on n'a jamais cru ni pensé qu'on pût sauver un idolâtre sous prétexte de sa bonne foi ? N'est-il pas vrai qu'il a écrit ces paroles? Je l'avoue: il les a écrites dans l'onzième Lettre; mais néanmoins dans la treizième il a excusé saint Léon quoiqu'idolâtre et chef de l'idolâtrie. Bien plus: on lui a fait voir que sur le sujet de l'honneur des saints, saint Léon n'en avoit dit ni plus ni moins que saint Basile, que saint Chrysostome, que saint Ambroise, que saint Augustin, que saint Grégoire de Nazianze, et tous les autres Pères du quatrième siècle, qui, selon lui, ne sont pas seulement d'honnêtes gens, comme saint Léon, mais encore des saints. Le fait a passé pour constant, et voici les paroles du ministre : « Cent ans avant saint Léon l'adoration des saints et des reliques étoit inconnue. Quinze ou vingt ans après on commença à en voir quelques vestiges dans les écrits des Pères; mais ce ne fut rien de considérable avant la fin du quatrième siècle. » Laissons-lui arranger à sa fantaisie toute cette histoire; et en ne prenant que ce qu'il nous donne, posons pour principe certain : que ce qu'il appelle idolâtrie, et adoration des reliques, étoit devenu considérable sur la fin du quatrième siècle où ces grands hommes fleurissoient. Non-seulement ils souffroient, mais encore ils enseignoient cette idolâtrie : ils prêchoient les miracles dont le démon, dit le ministre, fascinoit les yeux des hommes pour l'autoriser ; et il est certain, dit M. Jurieu, que ce fut un esprit trompeur qui abusa saint Ambroise, et qui lui découvrit ces reliques (ce furent celles de saint

Lett, xш. pag. 99. 2 col. Lett. x1. pag. 82.-3 Ibid. -4 Accompliss, des Prophét.,

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Gervais et de saint Protais 1) pour en faire des idoles. Voilà donc nonseulement un adorateur de l'idole, mais celui qui l'érige dans la maison de Dieu, et que le diable abuse pour le faire servir d'organe à l'impiété, au nombre des saints. Saint Augustin entre en part de ce crime, puisqu'il le rapporte, qu'il le loue, qu'il le consacre. Voilà donc des saints idolâtres; et l'idolâtrie, loin d'être un crime qui damne, n'empêche même plus qu'on soit saint.

Le ministre a prévu cette objection, et voici comme il se la fait à lui-même2: «< Vous avouez que l'invocation des saints a plus de douze cents ans sur la tête : cela ne vous fait-il point de peine, et comment pouvez-vous croire que Dieu ait laissé reposer son Eglise sur l'idolatrie depuis tant de siècles? » Il n'y a personne qui ne frémît à une semblable objection, et ne crût qu'il n'y a de salut qu'à nier le fait; mais le ministre accorde tout, et sans s'étonner: « Nous répondrons, dit-il, que nous ne savons point respecter l'antiquité sans vérité. Nous ne sommes point étonnés de voir une si vieille idolâtrie dans l'Eglise, parce que cela nous a été formellement prédit: il faut que l'idolâtrie règne dans l'Eglise chrétienne 1260 ans >> Voilà donc l'état de l'Eglise dès le quatrième siècle. Dans le siècie de saint Basile, de saint Ambroise et de saint Chrysostome, l'idolâtrie régnoit; l'Eglise se reposoit sur l'idolâtrie: on se sauvoit néanmoins; on parveno à la sainteté dans cette Eglise où régnoit l'idolâtrie, et qui se reposoit dessus. Il ne faut. donc plus alléguer l'idolâtrie de l'Eglise pour montrer qu'on ne s'y sauve pas.

Quelqu'un me dira peut-être : J'ai trouvé dans M. Jurieu la résolution de cette difficulté. « L'évêque de Meaux, dit-il, répète la vaine déclamation tirée de ce qu'en accusant le culte de l'Eglise romaine d'idolâtrie, cette accusation tombe nécessairement sur les saint Ambroise et les saint Augustin, les saint Jérôme, les saint Grégoire de Nazianze, et sur tous les chrétiens de ces siècles, qui ont vénéré les reliques et invoqué les saints. » La déclamation est pressante sans doute; mais voyons si le ministre, qui la méprise, osera du moins nier le fait qu'on y avance sur le sentiment des Pères du quatrième siècle. Point du tout. Voici sa réponse: Nous avons répondu à cela bien des fois. C'en est assez pour tromper les ignorants; il ne faut que leur dire qu'on y a répondu. Mais qu'avez-vous répondu ? que dans ces siècles il n'y avoit point de superstitions des reliques, ou d'invocation des saints? Non. «Nous avons répondu, dit-il, que dans ces siècles la superstition des reliques et de l'invocation des saints n'étoit pas encore montée au degré de l'idolâtrie où elle est

↑ Apoc., Avert. aux Protest., n. 36.—2 Apoc., Avert. sur les Proph., n. 29 ; Jur., Lett. XVII. de la re ann., p. 139.-3 Lett. xx. au comm., p. 315.

arrivée depuis, et que Dieu a toléré quelques sortes de superstitions dans ces grands hommes, qui d'ailleurs ont rendu tant de services. à l'Eglise. » Quelle misère de gauchir toujours, et de n'oser jamais parler franchement dans une matière de religion! Cette superstition des reliques, cette invocation des saints, qui étoit alors, et qui selon yous étoit pratiquée par les saint Augustin, par les saint Ambroise, par les saint Basile et les autres, étoit-ce une idolâtrie, ou n'en étoitce pas une? Si c'en étoit une, ils sont damnés: si ce n'en étoit pas une, nous sommes absous. Ou, peut-être, c'en étoit une, mais non encore dans le degré qu'il falloit pour damner les hommes ; et il y a une idolatrie, c'est-à-dire, un transport du culte divin à la créature qui ne damne pas, et qu'on peut si bien compenser par d'autres services, que Dieu n'y prendra pas garde: comme s'il pouvoit y avoir un service agréable à Dieu dans ceux qui rendent le culte divin à la créature. Qui jamais ouït parler d'un égarement semblable? Mais encore que manquoit-il à l'idolâtrie de saint Augustin et de saint Ambroise? à celle qui selon vous régnoit alors et sur laquelle on se reposoit? Que votre ministre ne vous dise pas que cette idolâtrie n'étoit pas publique: car qu'importe, premièrement, qu'elle soit publique? Est-ce que l'idolâtrie qui se feroit en particulier ne damneroit pas ? Michas cesse-t-il d'être idolâtre, à cause que l'idole qu'il servoit étoit dans sa maison 1? L'Ephod, dont la maison de Gédéon se fit une idole, mérita-t-elle moins ce nom, parce qu'elle ne fut pas posée dans un temple, et que selon les apparences ce faux culte prit commencement dans une famille particulière? Quelle erreur donc de vouloir excuser les pères et les chrétiens du quatrième et cinquième siècle, sous prétexte qu'ils n'idolâtroient qu'en particulier ! Mais d'ailleurs, quelle illusion d'oser nous dire que l'idolatrie n'étoit pas publique, pendant qu'on nous avoue qu'elle étoit régnante'; pendant qu'on la reconnoît dans les sermons de ces Pères ? qui sans doute étoient publics et se faisoient dans les églises et dans l'assemblée des fidèles, et faisoient alors, comme maintenant et toujours, une partie essentielle du culte divin; et non-seulement dans leurs sermons, mais encore dans leurs liturgies, dans les églises où ils servoient Dieu, dans les oratoires des martyrs, et jusque sur les autels, où leurs reliques étoient déposées par honneur comme dans le lieu le plus saint du temple de Dieu ! « Qu'on mette, disoit saint Ambroise, ces triomphantes victimes dans le lieu où Jésus-Christ est l'hostie.» « Les fidèles, dit saint Jérôme, regardent les tombeaux des saints martyrs comme des autels de Jésus-Christ. » « Nous honorons leurs reliques,

A Jud., XVII. 4.—2 Lett. xv de la 1re ann., p. 123; Accomp. des proph., I. part. ch. xiv. etc.; Var., liv. XIII. n. 23 et suiv.

dit saint Augustin, jusqu'à les placer sur la sublimité du divin autel. » Voilà, ce me semble, pour ne pas appuyer sur l'autel et sur le sacrifice dont il ne s'agit pas ici; voilà pour les saints et pour leurs reliques une vénération assez marquée, assez publiqué, assez solennelle et ceux qui, non contents de la leur rendre, la prêchent avec tant de force, ne laissent pas d'être saints.

Et qu'on ne nous dise pas que les saints n'avoient point alors d'oratoires, ni de chapelles: car on demeure d'accord qu'ils en avoient aux quatrième et cinquième siècles1; et encore qu'on ose dire que la sainte Vierge n'en avoit pas dans ces deux siècles, c'est une ignorance grossière; puisque le concile d'Ephèse, comme il paroît par ses actes, fut assemblé, en 430, dans une église appelée Mariea, du nom de la sainte Vierge, qui sans doute ne fut pas construite alors pour y tenir le concile.

Qu'on ne dise pas que ces Pères n'employoient point envers Dieu les mérites des saints; car, au contraire, on convient que c'est par là que l'on commença. « Dans le commencement, dit M. Jurieu, les prières s'adressoient au Dieu des martyrs, par rapport aux mérites et aux souffrances des martyrs. »

Qu'on ne dise pas que du moins l'Eglise n'avoit pas été avertie de la prétendue erreur de ce culte : car elle l'avoit été par yigilance, que saint Jérôme mit en poudre dès sa naissance; et toute l'Eglise d'alors prit tellement le parti de ce saint, que depuis on n'entend pas seulement parler de Vigilance ni de son erreur.

Voilà donc en tout et partout la prétendue idolâtrie de ces tempslà dans le même état où elle a été depuis : et quand tout cela ne seroit pas, se prosterner devant les reliques, et demander des prières aux martyrs; les appeler des remparts et des forteresses, ce que M. Jurieu appelle le culte des Maozims après son auteur Joseph Mède *; en quelque sorte qu'on le fasse en particulier ou en public, dans l'église, dans les cimetières, ou dans les maisons; c'est toujours une idolâtrie, selon les ministres, toujours par conséquent un crime damnable; et quand cette idolâtrie ne seroit pas assez formée au quatrième siècle, elle l'étoit au cinquième, et sous saint Léon, que néanmoins on n'ose damner non plus que ses prochains successeurs. Votre ministre prononce lui-même que « le faux culte des saints et la doctrine des seconds intercesseurs étoit si bien formée dans les paroles de Théodoret en l'an 4505, » qu'il y en avoit assez pour constituer dès lors l'Eglise antichrétienne, et assez d'adhérence à cette

1 Jur., ibid. -2 Conc. Ephes., act. 1. etc.; Labb., t. 111. col. 445 et seq. — 3 Lett. xv p. 123. Acc. des Proph,, 1. part. ch. xv, etc.; Lett. xix de la tre ann., p. 16, 17; Apoc. Averi, aux Prot., n. 28; Var., liv. xш. n. 23 et suiv.-5 Acc., 11. part. p. 12, 21, 22.

erreur dans saint Léon pour en faire un antechrist formé, sauvé toutefois ; et voilà encore insensiblement la seconde défense de votre ministre entièrement renversée. Car, peut-il dire qu'on ne peut trouver son salut dans une église antichrétienne, puisque selon lui on est sauvé, non-seulement étant sectateur de l'Antechrist, mais encore étant l'Antechrist même? Qui jamais ouït parler d'un semblable excès, et que faut-il davantage pour appliquer à un auteur ce mot de saint Paul : que sa folie est connue à tous? Mais allons encore plus avant, et voyons comme le ministre a établi par principes le salut uni avec l'antichristianisme.

Il est vrai qu'il a semblé donner pour règle qu'on ne peut pas se sauver dans l'église antichrétienne : ce qui est très-vrai dans le fond; parce que, comme dit le ministre, il n'y a point de communion entre Christ et Bélial. Mais ce qui en soi est indubitable, dans les principes du ministre ne peut être qu'une vaine exagération que cet auteur réfute lui-même par le discours que voici : « Je ne veux point définir quelles sont les sectes où Dieu peut avoir des élus ; et où il n'en peut avoir l'endroit est trop délicat et trop périlleux. Mais ce que je puis assurer, c'est que Dieu peut se conserver des élus dans les communions et dans les sectes très-corrompues: ce qui est clair; parce qu'il s'en est conservé dans le règne même de l'Antechrist et dans celle de toutes les religions, qui, sans avoir renoncé aux principes de la religion, est pourtant la plus antichrétienne. Saint Paul nous dit expressément que l'Antechrist doit être assis dans le temple de Dieu, c'est-à-dire, dans une Eglise qui sera chrétienne, et qui aura assez de reste du véritable christianisme pour conserver le nom d'Eglise et de temple de Dieu. Ces cent quarante-quatre mille de l'Apocalypse sont représentés être dans l'empire de l'Antechrist, comme les Israélites étoient dans l'Egypte; où les poteaux de leurs maisons furent marqués, afin que l'ange destructeur ne les touchât point 1. » Voilà, ce me semble, des élus en assez grand nombre, et assez bien marqués, dans l'Eglise de l'Antechrist, c'est-à-dire, selon le ministre, dans la romaine, sans que son antichristianisme les en empêche. Mais achevons le passage, puisque nous y sommes : « Les Eglises de F'Orient et du Midi sont assurément dans une grande décadence. » Sans doute selon les principes du ministre; puisqu'on y voit bien assurément tout le culte et des images et des saints, qu'on nous impute à idolâtrie. « L'Eglise des Abyssins n'est pas trop pure, » puisque, outre ces idolâtries, on y suit les erreurs de Dioscore, et on y déteste la sainte doctrine du concile de Chalcédoine. « Cependant, poursuit le ministre, il n'y a pas lieu de DOUTER que Dieu ne s'y conAvis à tous les Chrét., avant l'Acc., p. 48, 49; Préj. légit., 1. part. ch. 1. p. 16.

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