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alléguer de tels ordres; et il n'y en a pas même le moindre vestig dans les guerres qui ont suivi, depuis Charles IX jusqu'à Louis XIII d triomphante mémoire. Quelle misérable défaite, qui, dans la vast étendue qu'ont occupée ces guerres civiles, ne trouve à justifie qu'une seule année; puisque la première guerre ne dura pas davan tage? Mais, après tout, que peut-on conclure de ces lettres de la reine? J'y ai donné deux réponses 1, la première entièrement déci sive: «Que la reine, qui appeloit en secret le prince de Condé au secours du roi son fils, n'en avoit pas le pouvoir; puisqu'on est d'accord que la régence lui avoit été déférée à condition de ne rien faire de conséquence que dans le conseil, avec la participation et de l'avis d'Antoine de Bourbon, roi de Navarre, comme premier prince du sang et lieutenant général du roi dans toutes ses provinces et dans toutes ses armées, durant sa minorité. » C'est ce que portoit l'acte de tutelle arrêté dans les états-généraux : le fait est constant par l'histoire. Cette réponse ferme la bouche aux protestants: aussi M. Basnage, qui avoit promis de répondre à mes réflexions, demeure muet à celle-ci, comme il fait dans tout son ouvrage à celles qui sont les plus décisives: on appelle cela répondre à l'Histoire des Variations, comme si répondre étoit faire un livre, et lui donner un vain titre.

Le ministre, qui passe sous silence un endroit si essentiel de ma réponse, en touche un autre, mais pour le corrompre. M. de Meaux soutient que le duc de Guise ne faisoit rien que par l'ordre du roi3. Il m'impose : il n'étoit pas même question des ordres du roi, qui étoit mineur, et qui avoit à peine douze ans : je parle du roi de Navarre, et je dis, ce qui est certain, que le duc de Guise ne fit rien que par les ordres du roi, comme il devoit. Le ministre, qui n'a rien à dire à une réponse si précise, change mes paroles : est-ce là répondre, ou se moquer et insulter à la foi publique? Il poursuit : « Maimbourg ne chicane point; et il avoue que la reine écrivit coup sur coup quatre lettres extrêmement fortes, où elle conjure le prince de Condé de conserver la mère, les enfants et le royaume, en dépit de ceux qui vouloient tout perdre. » On diroit, à entendre le ministre, que je dissimule ces lettres ; mais j'en rapporte tous les termes qu'il a relevés, et je reconnois que la reine les écrivit pour prier ce prince de vouloir bien conserver la mère et les enfants, et tout le royaume, contre ceux qui vouloient tout perdre. Est-ce chicaner sur ces lettres que de les rapporter de si bonne foi? Mais j'ajoute ce que vous taisez, monsieur Basnage que la reine, qui écrivoit en ces termes, et qui sembloit

1 Var., liv. x. n. 45.- 2 Thuan., tom. 1. lib. xxvI. 719. Edit. 1606.— 3 Basn., ibid., p. 517.— 4 Var., liv. x. n. 45.—5 Basn., p. 518.— 6 Var., liv. x. n. 45.

vouloir se livrer avec le roi et ses enfants au chef d'un parti rebelle et aux huguenots, n'en avoit pas le pouvoir: répondez, si vous pouTez; et si vous ne pouvez pas, comme vous l'avouez assez par votre stence, cessez de tromper le monde par une vaine apparence de ré

ponse.

J'avois fait une autre remarque qui n'étoit pas moins décisive : • que ces sentiments de la reine ne durèrent qu'un moment; et qu'après qu'elle se fut rassurée, elle rentra de bonne foi dans le sentiment du roi de Navarre, et qu'elle fit ce qu'elle put, par de continuelles négociations avec le prince de Condé, pour le ramener à son devoir. » Tous ces faits, que j'avois rapportés dans l'Histoire des Variations1, sont incontestables, et en effet ne sont pas contestés par M. Basnage. J'ajoute encore, dans le même endroit, que la reine ecrivit ces lettres « en secret, par ses émissaires, de peur qu'en faVorisant la nouvelle religion, elle ne perdît l'amitié des grands et du peuple, et qu'on ne lui ôtât enfin la régence. » Ce sont les propres termes de M. de Thou: et voilà ce qui fit prendre de meilleurs conseils à cette princesse, que son ambition avoit jetée d'abord dans des conseils désespérés. M. Basnage n'a rien à répondre, sinon que la reine changea, parce qu'elle se vit opprimée par les Guises, qu'il fallut flatter. Il dissimule que tout se faisoit par les ordres du roi de Navarre, selon l'acte de tutelle autorisé par les états; et qu'à la réserve du prince de Condé et de l'amiral, ce roi avoit avec lui les autres princes du sang, les grands du royaume, le connétable et les principaux officiers de la couronne, la ville et le parlement de Paris, les parlements, les provinces, et en un mot toutes les forces de l'Etat. M. Basnage oublie tout cela, et il appelle oppression les ordres publics: tout cela étoient les rebelles et les ennemis de l'Etat et le prince de Condé fut le seul fidèle, à cause qu'il avoit pour lui les huguenots seuls, et qu'il étoit à leur tête. Peut-on s'aveugler soimême jusqu'à cet excès, sans être frappé de l'esprit d'étourdissement?

Si l'on se souvient maintenant de ce qu'entreprit peu de temps après, et dans les secondes guerres, ce parti fidèle et si obéissant à la reine, on sera bien plus étonné. Il appela l'étranger au sein du royaume : il livra le Havre-de-Grâce, c'est-à-dire la clef du royaume, aux Anglois, anciens ennemis de l'Etat, et les consola de la perte de Calais et de Boulogne. Il n'y avoit point là de lettres de la régente: elle fut contrainte de prendre la fuite avec le roi, devant ce parti fidèle: on les attaqua dans le chemin, au milieu de ce redoutable bataillon de Suisses: il fallut fuir pendant la nuit, et achever Var., liv. x. n. 45; Thuan., tom. II. lib. xxxx.— 2 [bid., 518.

le voyage avec les terreurs qu'on sait cependant ceux qui po suivoient le roi et la reine, sans garder aucune mesure, étoient fidèles sujets; et ceux qui les gardoient étoient les rebelles.

M. Basnage, qui se tait à tous ces excès, croit excuser la réfor en nous alléguant en tout cas d'autres rébellions : il n'a que de t exemples pour se soutenir. Mais toutes les rébellions sont foibles, comparaison de celles de la réforme : les rois, pour ne pas ici rép ter le reste, s'y sont vus assiégés dans leurs palais, comme Fra çois II à Amboise, et au milieu de leurs gardes, comme Charles I dans la fuite de Meaux à Paris. Quelle rébellion poussa jamais plu loin son audace? Oubliera-t-on cette réponse de Montbrun à un lettre où Henri III lui parloit naturellement avec l'autorité convenable à un roi envers son sujet ? Que lui répondit ce fier réformé : « Quoi, dit-il, le roi m'écrit comme roi, et comme si je devois le reconnoître? Je veux bien qu'il sache que cela seroit bon en temps de paix, et que lors je le reconnoîtrois pour tel; mais en temps de guerre, qu'on a le bras armé et le cul sur la selle, tout le monde est compagnon. » C'est l'esprit qui régnoit dans le parti ; et je ne finirois jamais, si je commençois à raconter les paroles et, ce qui est pis, les actions insolentes des héros de la réforme.

Si ce ne sont là des rébellions et des félonies manifestes, je n'en connois plus dans les histoires. Encore pour les autres révoltes, on en rougit; mais pour celles-ci, on les soutient, on les loue, on les imite il le faut bien, puisqu'elles ont été faites par religion, et autorisées par les synodes.

M. Basnage ose le nier, et nous avons déjà dit que par là il se réfute lui-même. Car si ces conjurations et ces guerres sont légitimes, pourquoi en rougir, et n'oser y faire entrer les synodes? Mais c'est que l'iniquité se dément toujours elle-même; ces révoltes couvrent de honte ceux qui les soutiennent : ce sont de bonnes actions, disent les ministres; mais que chacun seroit plus aise de n'avoir point faites, et dont on voudroit du moins pouvoir laver les synodes.

Le ministre le tente vainement, et il est encore plus foible et plus faux dans cet endroit de sa réponse, que dans tous les autres : on le va voir. La pièce la plus décisive contre la réforme est un décret du synode national de Lyon en 1563, dès l'origine des guerres. Nous en avons produit deux articles, que, malgré leur ennuyeuse longueur, je ne craindrai pas de remettre encore devant les du yeux lecteur. Car il faut une fois confondre ces infidèles écrivains, qui osent nier les faits les plus constants. J'ai donc produit deux articles de ce synode 2 : le xxx vine ou il est écrit « qu'un ministre de Limo↑ Brant., L. Lab., Add. aux Mém. de Cast., t. 11. p. 643.—2 Var., l. x. n, 36; ve Avert., n. 10.

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n, qui AUTREMENT S'ÉTOIT BIEN PORTÉ, a écrit à la reine-mère qu'il n'avoit jamais consenti au port des armes, jaçoit qu'il y ait conmenti et contribué; item: qu'il promettoit de ne plus prêcher, jusqu'à ce que le roi le lui permettroit. Depuis, connoissant sa faute, il en a fait confession publique devant tout le peuple; et un jour de éne en la présence de tous les ministres du pays et de tous les fidèles : on demande s'il peut rentrer dans sa charge? On est d'avis que cela suffit: toutefois il écrira à celui qui l'a fait tenter, pour lui faire contoitre sa pénitence et le priera-t-on qu'on le fasse entendre A LA FINE, et là où il adviendroit que le scandale en arrivât à son Eglise : et sera en la prudence du synode de Limosin, de le changer de feu. »

L'autre article du même synode, qui est le XLVIII, n'est pas moins exprès : « Un abbé venu, dit-on, à la connoissance de l'Evangile, a brûlé ses titres, et n'a pas permis depuis six ans qu'on ait chanté messe en l'abbaye; ainsi s'est toujours PORTÉ FIDÈLEMENT, et a porté LES ARMES pour maintenir L'ÉVANGILE: il doit être reçu à la cène, » conclut tout le synode national.

Voilà qui est clair : il n'y faut point de notes, ni de commentaire : c'est le décret d'un synode national, qu'on a en forme authentique avec tous les autres; c'est l'acte d'un de ces synodes où, selon la discipline de nos réformés, se fait la suprême et finale résolution, tant au dogme qu'en la discipline, et il n'y a rien au-dessus dans la réforme: tout y enseigne, tout y autorise, tout y respire la guerre et la désobéissance. Que fera ici M. Basnage? ce que font les avocats des causes déplorées ce que lui-même il fait partout dans sa réponse, comme on a vu, et comme on verra dans toute la suite. C'est de passer sous silence ce qui ne souffre aucune réplique; et si on trouve un petit mot par où l'on puisse embrouiller la matière, de sy accrocher par une basse chicane. L'article de l'abbé est d'une nature à ne point souffrir de repartie : les circonstances du fait sont trop bien marquées : c'est un abbé huguenot, qui garde six ans son abbaye, sans en acquitter aucune charge, ni faire dire aucune partie de l'office; les revenus l'accommodoient, et c'est assez pour garder le bénéfice: ce qui l'excuse envers la réforme, c'est qu'il a brûlé tous les titres, pour abolir la mémoire de l'intention des fondateurs, et toutes les marques de la papauté, dans son abbaye. Car, au reste, un homme de main comme lui n'avoit besoin que de la force pour se maintenir dans la possession: et un abbé de cette trempe, qui sait se porter fidèlement et prendre les armes pour l'Evangile, n'a que faire de titre. Voilà au moins le cas bien posé la cause de la guerre bien expliquée l'abbaye en très-bonnes mains : on reçoit l'abbé à la cène,

et la guerre qu'il fait à son roi et à sa patrie lui en ouvre les entrée Il n'y a ici qu'à se taire, comme fait M. Basnage.

Personne ne peut douter que l'article du même synode sur le m nistre limosin, ne soit de même esprit et de même sens: mais par qu'il y est parlé du déni, que fait le ministre, d'avoir consenti a port des armes, jaçoit qu'il y eût consenti et contribué, et de la pro messe qu'il fait de ne prêcher plus sans la permission du roi; M. Bas nage s'attache à ces derniers points: «Il suffit, dit-il, de savoir lir pour voir que la censure tombe sur deux choses: la première, qu le ministre avoit proféré un mensonge public en écrivant à la rein qu'il n'avoit jamais consenti au port des armes, quoiqu'il y eù consenti et contribué et la seconde, parce qu'il abandonnoit son ministère. Il ne s'agissoit donc pas de la repentance de ce ministre, et encore moins d'une décision en faveur de la guerre. » Quoi! le ministre n'est pas loué de s'être bien porté d'ailleurs, et d'avoir contribué comme les autres au port des armes ? Ce n'est pas là tout l'air du décret; et cet homme n'est pas continué dans le ministère, encore qu'il ait consenti et contribué à la guerre en sorte que tout le scandale qu'il a donné à l'Eglise, c'est d'avoir eu honte de sa révolte, et d'avoir promis, sur ce fondement, de ne prêcher plus? J'en appelle à la conscience des sages lecteurs. Car aussi, pourquoi le synode auroit-il refusé à ce ministre la louange de consentir à la guerre ; puisqu'on a bien loué l'abbé de l'avoir faite lui-même? Et quand nous voudrions nous attacher à ce que M. Basnage reconnoît pour la seule cause de la censure: si la guerre contre sa patrie et contre son roi étoit réputée dans le synode un fait honteux et reniable, comme on parle, seroit-ce un grand scandale de le désavouer? Si contribuer à la révolte, en y animant les peuples, eût été réputé un attentat contre son roi et sa patrie, quelle honte y auroit-il eu d'abandonner le ministère dont on auroit abusé? N'eût-il pas fallu se souvenir de cette parole du Saint-Esprit : Dieu a dit au pécheur : Pourquoi annonces-tu ma justice, et portes-tu mon alliance dans ta bouche? Tu as haï la discipline, et tu as rejeté ma parole loin de toi : tu t'es joint avec les voleurs ou ce qui n'est pas moins impie Tu as augmenté le nombre des rebelles, et tu as allumé dans ta patrie le flambeau de la guerre civile: ta bouche a abonde en malice, et ta langue a été adroite à forger des fraudes, pour engager dans la révolte ceux qui écoutoient tes discours? Quoi de plus juste en cet état que d'abdiquer le ministère dont on auroit abusé contre son prince, et du moins de ne le reprendre qu'avec sa permission? Mais ce qui feroit l'édification d'une vraie Eglise, fait un scandale dans ▲ Basn., lib. 11. art. vi. p. 518, et Jurieu. - 2 Ps. XLIX.

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