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dit: « C'est ce que nous n'affirmons pas, de peur d'être téméraires, comme M. Bossuet qui assure que depuis ce temps-là (depuis le temps de Bérenger) tous les chrétiens ont adoré le Dieu de la messe. Nous ne le croyons pas ainsi : il est BIEN PLUS PROBABLE que Dieu en a garanti plusieurs de cette idolâtrie. » Mais si c'est constamment une idolâtrie, il n'est pas seulement plus probable, il est certain et indubitable que Dieu en a garanti quelques-uns: autrement il ne seroit pas certain qu'il y auroit eu des élus ou des saints, par conséquent des adorateurs véritables dans tous les temps. Or c'est une vérité que personne n'a encore osé nier, et que M. Jurieu confesse comme constante en cinquante endroits de son Système, pour ne point parler ici de ses autres ouvrages; il est, dis-je, très-constant que Dieu a eu de tout temps un corps d'Eglise universelle, où s'est trouvée la communion des saints, la rémission des péchés et la vie éternelle; par conséquent, de véritables adorateurs autrement le Symbole seroit faux. Mais ce qui est constant par le principe commun de tous les chrétiens, sans en excepter les prétendus réformés, n'est seulement que plus probable quand on presse davantage les ministres ; et ils n'ont rien à répondre, non plus que tous les autres hérétiques, quand on leur demande où étoit la vérité quand ils sont

venus.

Il ne faut donc plus s'étonner si cette seule demande les jette dans les contradictions que vous avez vues. Il a fallu trouver des élus avant la réforme; car il en faut trouver dans tous les temps. Il en a fallu trouver même dans l'Eglise romaine, aussi bien ou même plutôt que dans les autres; puisque les fondements du salut s'y trouvoient comme chez les autres ou mieux, et qu'ainsi on ne pouvoit lui refuser d'être du moins une partie de cette Eglise catholique que l'on confesse dans le Symbole. Mais dans l'Eglise romaine il ne pouvoit y avoir que de quatre sortes de gens: ou ceux qui y étoient de bonne foi, croyant șa doctrine et consentant à son culte; ou des impies déclarés qui se moquoient ouvertement de toute religion; ou dès hypocrites et des politiques qui, s'en moquant dans leur cœur, faisoient semblant au dehors d'y communiquer avec les autres; ou ces prétendus sept mille réformés avant la réforme, qui, luthériens ou calvinistes dans le cœur, trouvoient moyen de ne rien faire et de ne rien dire qui approuvât ou le culte ou la doctrine de Rome. On vient de voir que ce dernier genre est une chimère, et cent raisons le démontrent. Ce ne sont ni les impies déclarés, ni les hypocrites qu'on veut sauver; ce sont donc les catholiques de bonne foi, consentant à un culte impie et idolâtre, et croyant ce que croyoit Rome. Voilà où l'on est poussé par cette seule demande : Où étoit la

vérité, où le vrai culte, où la vraie Eglise, où les vrais saints, quand Luther a commencé son Eglise? Cette demande a confondu la réforme dès son commencement, comme il a été démontré dans l'Histoire des Variations'. Mais peut-être qu'à force d'y penser on se sera rassuré depuis? Point du tout: il y a des difficultés auxquelles plus on pense, plus on se confond; et c'est pourquoi M. Claude et M. Jurieu, qui y ont pensé les derniers, et qui ont pu profiter des décou vertes de tous les autres, ont été, comme on a vu, ceux qui se sont le plus confondus eux-mêmes. M. Jurieu fait enfin un dernier effort dans ses Lettres pour se tirer de cet embarras mais vous avez vu que tous ses efforts ne servent qu'à l'embarrasser davantage, et à serrer de plus près le nœud où il est pris. Que reste-t-il donc, mes Frères, sinon que vous donniez gloire à la vérité, qui seule peut vous délivrer de ces lacets?

:

Voilà de très-bonne foi toutes les plaintes de votre ministre sur le livre xv des Variations. On a démontré dans ce livre trente autres absurdités de la doctrine des protestants sur l'unité de l'Eglise je le dis sans exagérer; et vous pouvez vous en convaincre par une lecture de demi-heure. De toutes ces absurdités qu'on démontre à M. Jurieu, il n'a relevé que celle que vous venez d'entendre, où il succombe manifestement comme vous voyez. Un de ces messieurs de Hollande, qui entretiennent le public des ouvrages des gens de lettres, remarque ici, en parlant de ce xv livre des Variations, que sans doute, en l'écrivant, je n'avois pas lu le livre de l'Unité, où M. Jurieu répond à M. Nicole. Je n'avois garde de l'avoir vu, puisqu'à peine étoit-il imprimé lorsque mon histoire a paru. Je l'ai vu depuis; et je m'assure que M. Jurieu ne dira pas qu'il y ait seulement touché, ou prévu la moindre des observations qui me sont particulières. Chacun a les siennes ; et outre la diversité qui se trouve dans les esprits, on prend diverses vues selon la matière qu'on se propose. Concluons donc que toutes mes remarques sont en leur entier; mais concluons encore plus certainement, après toutes les raisons qu'on vient de voir, que j'ai très-bien démontré, que de l'aveu du ministre on peut se sauver dans l'Eglise romaine; qu'elle n'est donc ni idolâtre ni antichrétienne; qu'il y faudroit revenir pour assurer son salut, comme à celle à qui ses ennemis mêmes rendent témoignage; puisque les ministres, qui l'attaquent avec tant de haine, qui osent même donner la préférence sur elle à une église arienne, sont forcés par la vérité à la reconnoître; qu'ils sont encore obligés à reconnoître dans certains points l'autorité infaillible de FEglise universelle, et les promesses sur lesquelles elle est fondée;

1 Lell. xv. n. 4 et suiv.

qu'ils n'ont aucune raison de les limiter, et qu'ils n'y apportent que des restrictions arbitraires; que soumettre son jugement à l'Eglise universelle, ce n'est pas se soumettre à l'homme, mais à Dieu; que cette soumission est le plus sûr fondement du repos et des savants et des simples; que, faute de se soumettre à une autorité si inviolable, on se contredit sans cesse, on renverse tous les principes qu'on a établis, on renverse la réforme même et tout ce que jusqu'ici on y avoit trouvé de plus certain, et qu'enfin on se jette dans le fanatisme et dans les erreurs des quakers: au reste, qu'après avoir posé des principes par lesquels on est forcé de recevoir les sociniens dans l'Eglise, jusqu'à mettre des prédestinés parmi eux; lorsqu'on songe à les exclure du nombre des communions chrétiennes, on ne peut le faire que par des moyens par où on s'exclut soi-même; en sorte que, d'un côté, on rend témoignage à l'Eglise; de l'autre, en tend la main aux sociniens; et de l'autre, on ne se laisse à soi-même

aucune ressource.

AVERTISSEMENT

AUX PROTESTANTS

SUR LE REPROCHE DE L'IDOLATRIE,

ET SUR L'ERREUR DES PAIENS;

Où la calomnie des ministres est réfutée par eux-mêmes.

MES CHERS FRÈRES,

Le reproche d'idolâtrie est celui qu'on a toujours le plus employé pour allumer votre haine et donner quelque prétexte aux schismes de vos églises prétendues. « Si l'Eglise romaine est idolâtre, notre séparation ne peut être un schisme. » C'est ce que dit M. Jurieu, dans le livre de l'Unité1; mais il ne le dit pas plus dans ce livre que dans tous les autres; surtout dans toutes les Lettres de la dernière année2; et sans cette accusation d'idolâtrie, ce ministre seroit muet. II la pousse à un tel excès, que dans des esprits moins prévenus elle se détruiroit par elle-même; puisqu'il veut, et qu'il le répète cent fois, que nous sommes des idolâtres aussi grossiers et aussi charnels que les païens, qui ne soupçonnoient seulement pas qu'il y ▲ Traité de l'Unité de l'Eglise contre M. Nicole, en 1681.-2 1688.

eût une création ; et qu'il prétend que nous égalons avec Dieu connu comme Créateur, sa créature, qu'il a tirée et qu'il tire continuellement du néant, à laquelle il ne cesse de donner tout ce qu'elle a, et dans l'ordre de la nature, et dans l'ordre de la grâce, et dans celui de la gloire. Il n'en faudroit pas davantage pour vous convaincre qu'il n'y eut jamais de calomnie plus grossière. Car qui jamais s'avisa d'égaler, par son culte, des choses où il reconnoît une différence infinie par leur nature; ou de rendre les honneurs divins à ce qu'il ne croit pas Dieu? Nous serions les seuls dans l'univers et dans toute l'étendue des siècles, capables d'une semblable extravagance, de ne croire qu'un seul Dieu, et d'en adorer plusieurs, comme Dieu même, et du même honneur que lui. Et néanmoins, sans cela, il n'y auroit rien, ou presque rien à nous dire. Sans cela premièrement, il n'y auroit plus pour M. Jurieu d'Eglise antichrétienne, comme on a vu dans les précédents discours : on auroit ôté le plus grand, ou pour mieux dire, le seul obstacle que ce ministre tâche de mettre à notre salut. C'est l'endroit où il triomphe le plus. Car ayant bientôt laissé là les Variations, trop ennuyantes pour lui, après les avoir tâtées par cinq ou six Lettres, de peur qu'on ne croie qu'il n'a plus rien à me reprocher, il s'avise, après trois ans d'interruption, de retomber tout de nouveau sur ma Lettre pastorale1, et s'attache presque uniquement à cette accusation d'idolatrie. Je veux donc bien aussi interrompre un peu la matière des Variations, pour entrer dans celle-ci; et quoique j'aie fait voir dans le dernier Avertissement, qu'assurément il n'y eut jamais d'idolâtrie plus innocente et plus pieuse que la nôtre, puisque, de l'aveu de M. Jurieu, loin de damner ceux qui la pratiquent, elle leur est commune avec les saints; de peur qu'on ne s'imagine que nous ne pouvons nous sauver que par des exemples, je démontrerai, par des principes avoués des ministres mêmes, que l'accusation d'idolâtrie formée contre nous ne peut subsister.

Je pose pour fondement la définition de l'idolâtrie. Idolâtrer, c'est rendre les honneurs divins à la créature: c'est, dis-je, transporter à la créature le culte qu'on doit à Dieu. Or est-il qu'il est manifeste que nous ne le faisons pas, et ne le pouvons pas faire selon nos principes; ce que je prouve premièrement dans l'invocation des saints, pour de là successivement passer aux autres matières. La chose est aisée à faire, puisqu'il n'y a qu'à définir cette invocation pour la justifier.

Qu'on ne chicane point sur le mot. L'invocation dont il s'agit, aux termes du concile de Trente, est inviter les saints à prier pour 1 Aux nouveaux catholiques, impr. dès 1686.—3 3o Avert.

nous, afin d'obtenir la grâce de Dieu, par Notre-Seigneur JésusChrist'. Or est-il que c'est là si peu un honneur divin, qu'au contraire il n'est pas possible de l'attribuer à autre qu'à la créature, n'y ayant visiblement que la créature qui puisse prier, demander, obtenir les grâces, et encore par un autre; c'est-à-dire par Jésus-Christ, comme on vient de voir que font les saints. C'est donc si peu un honneur divin, que c'est chose, dans les propres termes, absolument répugnante à la nature divine, d'où se forme ce raisonnement: Tout honneur qui renferme dans sa notion la condition essentielle à la créature, ne peut par sa nature être un honneur divin; or la prière, par laquelle on demande aux saints qu'ils nous aident auprès de Dieu, par leurs prières, pour nous obtenir ses grâces, enferme dans sa notion la condition de la créature, c'est-à-dire sa dépendance : ce ne peut donc pas être un honneur divin.

Cette preuve est si convaincante, que pour la détruire il faut nier que nous nous bornions à demander aux saints le secours de leurs prières. Car, dit-on, l'Eglise les prie non-seulement de prier, mais de donner, mais de faire, mais de protéger, mais de défendre: done on les regarde non-seulement comme intercesseurs, mais comme auteurs de la grâce. Mais cela visiblement est moins que rien.

Car celui qui prie et qui obtient, protége, défend, assiste, donne et fait à sa manière. Lorsqu'on attribue aux saints des effets qu'on sait très-bien dans le fond qu'il faut attribuer à Dieu, on ne fait qu'exprimer par là l'efficace de la prière : qu'elle peut tout, qu'elle pénètre le ciel, qu'elle va forcer Dieu jusque dans son trône; il ne lui peut résister; elle emporte tout sur sa bonté; il fait la volonté de ceux qui le craignent'; il obéit à la voix de l'homme. Pressé et comme forcé par Moïse, il lui dit : Laissez-moi, que je punisse ce peuple; mais Moïse l'emporte contre lui, et lui arrache, pour ainsi dire, des mains la grâce qu'il lui demande : en un mot, la foi peut tout, jusqu'à transporter les montagnes ; et si cela est vrai de la prière qui se fait parmi les ténèbres de la foi, combien plus le sera-t-il de celle qui est formée au milieu des lumières des saints, et qui, partant de la sainte ardeur de la charité consommée, porte en elle-mme le caractère de Dieu dont elle jouit. Ainsi les saints peuvent tout: assis sur le trône de Jésus-Christ, selon sa promesse, revêtus de sa puissance par l'union où ils sont avec lui : comme lui, ils gouvernent les Gentils, et les brisent avec un sceptre de fer". En un mot, il n'y a rien qu'ils ne puissent, et l'Ecriture n'hésite point à leur attribuer en ce sens, ce qu'ailleurs elle attribue à Jésus-Christ même.

1 Decr. de invoc. Sanctorum, etc., Sess. xxv. -2 Ps. CXLIV. 19. — 3 Jos., X. 14. — 4 Exod., XXXII. 9 et seq.-5 1 Cor., XIII. 2.—6 Apoc., II. 26 ; 111. 21.— 7 Ibid., XIX. 15.

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