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adversaires, quoique d'ailleurs ils ne puissent les désavouer, il faut conclure nécessairement que l'erreur les a jetés dans une contradiction manifeste.

Je me suis souvent étonné de ce qu'ils n'ont pas expliqué leur doctrine d'une manière plus simple. Que n'ont-ils toujours persisté à dire, sans tant de façons, que Jésus-Christ ayant répandu son sang pour nous, nous avoit représenté cette effusion en nous donnant deux signes distincts du corps et du sang; qu'il avoit bien voulu donner à ces signes le nom de la chose même; que ces signes sacrés nous étoient des gages que nous participions au fruit de sa mort, et que nous étions nourris spirituellement, par la vertu de son corps et de son sang. Après avoir fait tant d'efforts pour prouver que les signes reçoivent le nom de la chose, et que pour cette raison le signe du corps a pu être appelé le corps; toute cette suite de doctrine les obligeoit naturellement à s'en tenir là. Pour rendre ces signes efficaces, il suffisoit que la grâce de la rédemption y fût attachée, ou plutôt, selon leurs principes, qu'elle nous y fût confirmée. Il ne falloit point se tourmenter, comme ils ont fait, à nous faire entendre que nous recevons le propre corps du Sauveur, pour nous certifier que nous participons à la grâce de sa mort. Ces messieurs s'étoient bien contentés d'avoir dans l'eau du baptême un signe du sang qui nous lave; et ils ne s'étoient point avisés de dire que nous y reçussions la propre substance du sang du Sauveur, pour nous certifier que sa vertu s'y déploie sur nous. S'ils avoient raisonné de même dans la matière de l'eucharistie, leur doctrine en auroit été moins embarrassée. Mais ceux qui inventent et qui innovent ne peuvent pas dire tout ce qu'ils veulent. Ils trouvent des vérités constantes, et des maximes établies qui les incommodent, et qui les obligent à forcer leurs pensées. Les ariens eussent bien voulu ne donner pas au Sauveur le nom de Dieu et de Fils unique. Les nestoriens n'admettoient qu'à regret en JésusChrist cette je ne sais quelle unité de personne que nous voyons dans leurs écrits. Les pélagiens, qui nioient le péché originel, eussent nié aussi volontiers que le baptême dût être donné aux petits enfants en rémission des péchés par ce moyen ils se seroient débarrassés de l'argument que les catholiques tiroient de cette pratique pour prouver le péché originel. Mais, comme je viens de dire, ceux qui trouvent quelque chose d'établi n'ont pas la hardiesse de tout renverser. Que les Calvinistes nous avouent de bonne foi la vérité : ils eussent été fort disposés à reconnoître seulement dans l'eucharistie le corps de Jésus-Christ en figure, et la seule participation de son esprit en effet, laissant à part ces grands mots de participation de propre substance, et tant d'autres qui marquent une présence réelle,

et qui ne font que les embarrasser. Il auroit été assez de leur goût de ne confesser dans la cène aucune communion avec Jésus-Christ, que celle qui se trouve dans la prédication et dans le baptême, sans nous aller dire, comme ils ont fait, que dans la cène on le reçoit pleinement, et ailleurs seulement en partie. Mais quoique ce fût là leur inclination, la force des paroles y résistoit. Le Sauveur ayant dit si précisément de l'eucharistie: Ceci est mon corps, ceci est mon sang; ce qu'il n'a jamais dit de nulle autre chose, ni en nulle autre rencontre quelle apparence de rendre commun à toutes les actions du chrétien, ce que sa parole expresse attache à un sacrement particulier? Et puis, tout l'ordre des conseils divins, la suite des mystères et de la doctrine, l'intention de Jésus-Christ dans la Cène, les paroles mêmes dont il s'est servi, et l'impression qu'elles font naturellement dans l'esprit des fidèles, ne donnent que des idées de réalité. C'est pourquoi il a fallu que nos adversaires trouvassent des mots dont le son du moins donnât quelque idée confuse de cette réalité. Quand on s'attache, ou tout à fait à la foi, comme font les catholiques, ou tout à fait à la raison humaine, comme font les infidèles, on peut établir une suite, et faire comme un plan uni de doctrine: mais quand on veut faire un composé de l'un et de l'autre, on dit toujours plus qu'on ne voudroit dire; et ensuite on tombe dans des opinions, dont les seules contrariétés font voir la fausseté toute manifeste.

C'est ce qui est arrivé à messieurs de la religion prétendue réformée; et Dieu l'a permis de la sorte, pour faciliter leur retour à l'unité catholique. Car puisque leur propre expérience leur fait voir qu'il faut nécessairement parler comme nous, pour parler le langage de la vérité; ne devroient-ils pas juger qu'il faut penser comme nous pour la bien entendre? S'ils remarquent dans leur propre croyance des choses qui n'ont aucun sens que dans la nôtre, n'en est-ce pas assez pour les convaincre que la vérité n'est en son entier que parmi nous? Et ces parcelles détachées de la doctrine catholique, qui paroissent deçà et delà dans leur Catéchisme, mais qui demandent, pour ainsi dire, d'être réunies à leur tout, ne doivent-elles pas leur faire chercher dans la communion de l'Eglise la pleine et entière explication du mystère de l'eucharistie? Ils y viendroient sans doute si les raisonnements humains n'embarrassoient leur foi, trop dépendante des sens. Mais après leur avoir montré quel fruit ils doivent tirer de l'exposition de leur doctrine, achevons d'expliquer la nôtre. Puisqu'il étoit convenable, ainsi qu'il a été dit, que les sens n'aperçussent rien dans ce mystère de foi, il ne falloit pas qu'il y eût rien de changé à leur égard dans le pain et dans le vin de l'eu

charistie. C'est pourquoi, comme on aperçoit les mêmes espèces, et qu'on ressent les mêmes effets qu'auparavant dans ce sacrement, il ne faut pas s'étonner si on lui donne quelquefois et en certain sens le même nom. Cependant la foi, attentive à la parole de celui qui fait tout ce qu'il lui plaît dans le ciel et dans la terre, ne reconnoit plus ici d'autre substance que celle qui est désignée par cette même parole, c'est-à-dire, le propre corps et le propre sang de JésusChrist, auxquels le pain et le vin sont changés : c'est ce qu'on appelle transsubstantiation.

Au reste, la vérité que contient l'eucharistie dans ce qu'elle a d'intérieur, n'empêche pas qu'elle ne soit un signe dans ce qu'elle a d'extérieur et de sensible; mais un signe de telle nature, que bien loin d'exclure la réalité, il l'emporte nécessairemsnt avec soi, puisqu'en effet cette parole, Ceci est mon corps, prononcée sur la matière que Jésus-Christ a choisie, nous est un signe certain qu'il est présent et quoique les choses paroissent toujours les mêmes à nos sens, notre âme en juge autrement qu'elle ne feroit, si une autorité supérieure n'étoit pas intervenue. Au lieu donc que de certaines espèces et une certaine suite d'impressions naturelles qui se font en nos corps, ont accoutumé de nous désigner la substance du pain et du vin; l'autorité de celui à qui nous croyons, fait que ces mêmes espèces commencent à nous désigner une autre substance. Car nous écoutons celui qui dit que ce que nous prenons et ce que nous mangeons est son corps; et telle est la force de cette parole, qu'elle empêche que nous ne rapportions à la substance du pain ces apparences extérieures, et nous les fait rapporter au corps de Jésus-Christ présent; de sorte que la présence d'un objet si adorable nous étant certifiée par ce signe, nous n'hésitons pas à y porter nos adorations.

Je ne m'arrête pas sur le point de l'adoration, parce que les plus doctes et les plus sensés de nos adversaires nous ont accordé, il y a longtemps, que la présence de Jésus-Christ dans l'eucharistie, doit porter à l'adoration ceux qui en sont persuadés.

Au reste, étant une fois convaincus que les paroles toutes-puissantes du Fils de Dieu opèrent tout ce qu'elles énoncent, nous croyons avec raison qu'elles eurent leur effet dans la cène aussitôt qu'elles furent proférées; et, par une suite nécessaire, nous reconnoissons la présence réelle du corps avant la manducation.

Au tome xvI. p. 251, de l'édition de D. Déforis, où Lequeux, qui avoit revu ce volume, a reproduit l'édition de l'Exposition publiée par lui, en 1761, avec la traduction latine de l'abbé Fleury, on lit ici suprême, au lieu de supérieure. L'éditeur met en note, que PRESQUE touÍes les éditions portent SUPÉRIEURE: et il dit vrai; car il n'y a que les siennes où on lise autrement. Pour nous, nous n'avons pas voulu nous permettre de changer un seul mot d'un livre dont Bossuet dit lui-même qu'il a pesé toutes les syllabes. ( Edit, de Versailles.)

Ces choses étant supposées, le sacrifice que nous reconnoissons dans l'eucharistie n'a plus aucune difficulté particulière.

Nous avons remarqué deux actions dans ce mystère, qui ne laissent pas d'être distinctes, quoique l'une se rapporte à l'autre. La première est la consécration, par laquelle le pain et le vin sont changés au corps et au sang; et la seconde est la manducation, par laquelle on y participe.

Dans la consécration, le corps et le sang sont mystiquement séparés, parce que Jésus-Christ a dit séparément : Ceci est mon corps, ceci est mon sang; ce qui enferme une vive et efficace représentation de la mort violente qu'il a soufferte.

Ainsi le Fils de Dieu est mis sur la sainte table, en vertu de ces paroles, revêtu des signes qui représentent sa mort : c'est ce qu'opère la consécration; et cette action religieuse porte avec soi la reconnoissance de la souveraineté de Dieu en tant que Jésus-Christ présent y renouvelle et perpétue, en quelque sorte, la mémoire de son obéissance jusqu'à la mort de la croix; si bien que rien ne lui manque pour être un véritable sacrifice.

On ne peut douter que cette action, comme distincte de la manducation, ne soit d'elle-même agréable à Dieu, et ne l'oblige à nous regarder d'un œil plus propice; parce qu'elle lui remet devant les yeux la mort volontaire que son Fils bien-aimé a soufferte pour les pécheurs, ou plutôt elle lui remet devant les yeux son Fils même sous les signes de cette mort, par laquelle il a été apaisé.

Tous les chrétiens confesseront que la seule présence de JésusChrist est une manière d'intercession très-puissante devant Dieu pour tout le genre humain, selon ce que dit l'apôtre, que JésusChrist se présente et paroit pour nous devant la face de Dieu. Ainsi nous croyons que Jésus-Christ présent sur la sainte table en cette figure de mort, intercède pour nous, et représente continuellement à son père la mort qu'il a soufferte pour son Eglise.

C'est en ce sens que nous disons que Jésus-Christ s'offre à Dieu pour nous dans l'eucharistie ; c'est en cette manière que nous pensons que cette oblation fait que Dieu nous devient plus propice, et c'est pourquoi nous l'appelons propitiatoire.

Lorsque nous considérons ce qu'opère Jésus-Christ dans ce mystère, et que nous le voyons par la foi présent actuellement sur la sainte table avec ces signes de mort, nous nous unissons à lui en cet état ; nous le présentons à Dieu comme notre unique victime, et notre unique propitiateur par son sang, protestant que nous n'avons rien à offrir à Dieu que Jésus-Christ, et le mérite infini de sa mort. Nous

1 Hebr., 1x. 24.

consacrons toutes nos prières par cette divine offrande; et en présentant Jésus-Christ à Dieu, nous apprenons en même temps à nous offrir à la Majesté divine, en lui et par lui, comme des hosties vivantes.

Tel est le sacrifice des chrétiens, infiniment différent de celui qui se pratiquoit dans la loi ; sacrifice spirituel, et digne de la nouvelle alliance, où la victime présente n'est aperçue que par la foi, où le glaive est la parole qui sépare mystiquement le corps et le sang, où ce sang par conséquent n'est répandu qu'en mystère, et où la mort n'intervient que par représentation; sacrifice néanmoins très-véritable, en ce que Jésus-Christ y est véritablement contenu et présenté à Dieu sous cette figure de mort : mais sacrifice de commémoration, qui, bien loin de nous détacher, comme on nous l'objecte, du sacrifice de la croix, nous y attache par toutes ses circonstances, puisque non-seulement il s'y rapporte tout entier, mais qu'en effet il n'est et ne subsiste que par ce rapport, et qu'il en tire toute sa vertu.

C'est la doctrine expresse de l'Eglise catholique dans le concile de Trente1, qui enseigne que ce sacrifice n'est institué qu'afin «< de représenter celui qui a été une fois accompli en la croix; d'en faire durer la mémoire jusqu'à la fin des siècles; et de nous en appliquer la vertu salutaire pour la rémission des péchés que nous commettons tous les jours. » Ainsi, loin de croire qu'il manque quelque chose au sacrifice de la croix ; l'Eglise, au contraire, le croit si parfait et si pleinement suffisant, que tout ce qui se fait ensuite n'est plus établi que pour en célébrer la mémoire, et pour en appliquer la vertu.

Par là cette même Eglise reconnoit que tout le mérite de la rédemption du genre humain est attaché à la mort du Fils de Dieu; et on doit avoir compris, par toutes les choses qui ont été exposées, que lorsque nous disons à Dieu, dans la célébration des divins mystères Nous vous présentons cette hostie sainte; nous ne prétendons point, par cette oblation, faire ou présenter à Dieu un nouveau paiement du prix de notre salut; mais employer auprès de lui les mérites de Jésus-Christ présent, et le prix infini qu'il a payé une fois pour nous en la croix.

:

Messieurs de la religion prétendue réformée ne croient point offenser Jésus-Christ, en l'offrant à Dieu comme présent à leur foi; et s'ils croyoient qu'il fût présent en effet, quelle répugnance auroientils à l'offrir, comme étant effectivement présent? Ainsi toute la dispute devroit, de bonne foi, être réduite à la seule présence.

1 Sess. XXII. c. 1.

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