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Après cela, toutes ces fausses idées que messieurs de la religion prétendue réformée se font du sacrifice que nous offrons, devroient s'effacer. Ils devroient reconnoître franchement que les catholiques ne prétendent pas se faire une nouvelle propitiation, pour apaiser Dieu de nouveau, comme s'il ne l'étoit pas suffisamment par le sacrifice de la croix; ou pour ajouter quelque supplément au prix de notre salut, comme s'il étoit imparfait. Toutes ces choses n'ont point de lieu dans notre doctrine, puisque tout se fait ici par forme d'intercession et d'application, en la manière qui vient d'être expliquée.

Après cette explication, ces grandes objections qu'on tire de l'Epitre aux Hébreux, et qu'on fait tant valoir contre nous, paroîtront peu raisonnables; et c'est en vain qu'on s'efforce de prouver, par le sentiment de l'apôtre, que nous anéantissons le sacrifice de la croix. Mais comme la preuve la plus certaine qu'on puisse avoir que deux doctrines ne sont point opposées, est de reconnoître, en les expliquant, qu'aucune des propositions de l'une n'est contraire aux propositions de l'autre ; je crois devoir en cet endroit exposer sommairement la doctrine de l'Epître aux Hébreux.

L'apôtre a dessein en cette épître de nous enseigner que le pécheur ne pouvoit éviter la mort, qu'en subrogeant en sa place quelqu'un qui mourût pour lui; que tant que les hommes n'ont mis en leur place que des animaux égorgés, leurs sacrifices n'opéroient autre chose qu'une reconnoissance publique qu'ils méritoient la mort; et que la justice divine ne pouvant pas être satisfaite d'un échange si inégal, on recommençoit tous les jours à égorger des victimes; ce qui étoit une marque certaine de l'insuffisance de cette subrogation: mais que, depuis que Jésus-Christ avoit voulu mourir pour les pécheurs, Dieu, satisfait de la subrogation volontaire d'une si digne personne, n'avoit plus rien à exiger pour le prix de notre rachat. D'où l'apôtre. conclut, que non-seulement on ne doit plus immoler d'autre victime après Jésus-Christ, mais que Jésus-Christ même ne doit être offert qu'une seule fois à la mort.

Que le lecteur soigneux de son salut, et ami de la vérité, repasse maintenant dans son esprit ce que nous avons dit de la manière dont Jésus-Christ s'offre pour nous à Dieu dans l'eucharistie ; je m'assure qu'il n'y trouvera aucunes propositions qui soient contraires à celles que je viens de rapporter de l'apôtre, ou qui affoiblissent sa preuve : de sorte qu'on ne pourroit tout au plus nous objecter que son silence. Mais ceux qui voudront considérer la sage dispensation que Dieu fait de ses secrets dans les divers livres de son Ecriture, ne voudront pas nous astreindre à recevoir de la seule Epître aux Hébreux,

toute notre instruction sur une matière qui n'étoit point nécessaire au sujet de cette épître; puisque l'apôtre se propose d'y expliquer la perfection du sacrifice de la croix, et non les moyens différents que Dieu nous a donnés pour nous l'appliquer.

Et pour ôter toute équivoque, si l'on prend le mot offrir, comme il est pris, dans cette épitre, au sens qui emporte la mort actuelle de la victime, nous confesserons hautement que Jésus-Christ n'est plus offert, ni dans l'eucharistie ni ailleurs. Mais comme ce même mot a une signification plus étendue dans les autres endroits de l'Ecriture, où il est souvent dit qu'on offre à Dieu ce qu'on présente devant lui; l'Eglise, qui forme son langage et sa doctrine, non sur la seule Epitre aux Hébreux, mais sur tout le corps des Ecritures, ne craint point de dire que Jésus-Christ s'offre à Dieu partout où il paroît pour nous à sa face, et qu'il s'y offre, par conséquent, dans l'eucharistie, suivant les expressions des saints Pères.

De penser maintenant que cette manière dont Jésus-Christ se présente à Dieu, fasse tort au sacrifice de la croix, c'est ce qui ne se peut en façon quelconque, si l'on ne veut renverser toute l'Ecriture, et particulièrement cette même épître que l'on veut tant nous opposer. Car il faudroit conclure, par même raison, que, lorsque Jésus-Christ se dévoue à Dieu en entrant au monde, pour se mettre à la place des victimes qui ne lui ont pas plu1, il fait tort à l'action par laquelle il se dévoue sur la croix ; que lorsqu'il continue de paroitre pour nous devant Dieu2, il affoiblit l'oblation, par laquelle il a paru une fois par l'immolation de lui-même3 ; et que ne cessant d'intercéder pour nous, il accuse d'insuffisance l'intercession qu'il a faite en mourant avec tant de larmes et de si grands cris 3.

Tout cela seroit ridicule. C'est pourquoi il faut entendre que JésusChrist, qui s'est une fois offert pour être l'humble victime de la justice divine, ne cesse de s'offrir pour nous; que la perfection infinie du sacrifice de la croix consiste en ce que tout ce qui le précède, aussi bien que ce qui le suit, s'y rapporte entièrement; que, comme ce qui le précède en est la préparation, ce qui le suit en est la consommation et l'application qu'à la vérité le paiement du prix de notre rachat ne se réitère plus, parce qu'il a été bien fait la première fois; mais que ce qui nous applique cette rédemption se continuè sans cesse; qu'enfin il faut savoir distinguer les choses qui se réitérent comme imparfaites, de celles qui se continuent comme parfaites et nécessaires.

Nous conjurons messieurs de la religion prétendue réformée de faire un peu de réflexion sur les choses que nous avons dites de l'eucharistie. 1 Hebr., X. 5.- — 2 Ibid., 1x. 24.—3 Ibid., 26.- 4 Ibid., VII. 25.- 5 Ibid., v. 7.

La doctrine de la présence réelle en a été le fondement nécessaire. Ce fondement nous est contesté par les calvinistes. Il n'y a rien qui paroisse plus important dans nos controverses, puisqu'il s'agit de la présence de Jésus-Christ même; il n'y a rien que nos adversaires trouvent plus difficile à croire ; il n'y a rien en quoi nous soyons si effectivement opposés.

Dans la plupart des autres disputes, quand ces messieurs nous écoutent paisiblement, ils trouvent que les difficultés s'aplanissent, et que souvent ils sont plus choqués des mots que des choses. Au contraire, sur ce sujet, nous convenons davantage de la façon de parler, puisqu'on entend de part et d'autre ces mots de participation réelle, et autres semblables. Mais plus nous nous expliquons à fond, plus nous nous trouvons contraires, parce que nos adversaires ne reçoivent pas toutes les suites des vérités qu'ils ont reconnues, rebutés, comme j'ai dit, des difficultés que les sens et la raison humaine trouvent dans ces conséquences.

C'est donc ici, à vrai dire, la plus importante et la plus difficile de nos controverses, et celle où nous sommes en effet le plus éloignés. Cependant Dieu a permis que les luthériens soient demeurés aussi attachés à la croyance de la réalité que nous : et il a permis encore que les calvinistes aient déclaré que cette doctrine n'a aucun venin; qu'elle ne renverse pas le fondement du salut et de la foi; et qu'elle ne doit pas rompre la communion entre les frères.

Que ceux de messieurs de la religion prétendue réformée, qui pensent sérieusement à leur salut, se rendent ici attentifs à l'ordre que tient la divine Providence, pour les rapprocher insensiblement de nous et de la vérité. On peut, ou dissiper tout à fait, ou réduire à très-peu de chose les autres sujets de leurs plaintes, pourvu qu'on s'explique. En celle-ci, qu'on ne peut espérer de vaincre par ce moyen, ils ont eux-mêmes levé la principale difficulté, en déclarant que cette doctrine n'est pas contraire au salut, et aux fondements de la religion.

Il est vrai que les luthériens, quoique d'accord avec nous du fondement de la réalité, n'en reçoivent pas toutes les suites. Ils mettent le pain avec le corps de Jésus-Christ; quelques-uns d'eux rejettent l'adoration : ils semblent ne reconnoître la présence que dans l'usage. Mais aucune subtilité des ministres ne pourra jamais persuader aux gens de bon sens que, supportant la réalité, qui est le point le plus important et le plus difficile, on ne doive supporter le reste.

De plus, cette même Providence, qui travaille secrètement à nous rapprocher, et pose des fondements de réconciliation et de paix au milieu des aigreurs et des disputes, a permis encore que les calvinistes

soient demeurés d'accord, que, supposé qu'il faille prendre à la lettre ces paroles, Ceci est mon corps, les catholiques raisonnent mieux et plus conséquemment que les luthériens.

Si je ne rapporte point les passages qui ont été tant de fois cités en cette matière, on me le pardonnera facilement; puisque tous ceux qui ne sont point opiniâtres, nous accorderont sans peine que, la réalité étant supposée, notre doctrine est celle qui se suit le mieux. C'est donc une vérité établie, que notre doctrine en ce point ne contient que la réalité bien entendue. Mais il n'en faut pas demeurer là; et nous prions les prétendus réformés de considérer que nous n'employons pas d'autres choses pour expliquer le sacrifice de l'Eucharistie, que celles qui sont enfermées nécessairement dans cette réalité.

Si l'on nous demande après cela d'où vient donc que les luthériens, qui croient la réalité, rejettent néanmoins ce sacrifice, qui, selon nous, n'en est qu'une suite; nous répondrons en un mot, qu'il faut mettre cette doctrine parmi les autres conséquences de la présence réelle, que ces mêmes luthériens n'ont pas entendues, et que nous avons mieux pénétrées qu'eux, de l'aveu même des calvinistes.

Si nos explications persuadent à ces derniers, que notre doctrine sur le sacrifice est enfermée dans celle de la réalité, ils doivent voir clairement que cette grande dispute du sacrifice de la messe, qui a rempli tant de volumes, et qui a donné lieu à tant d'invectives, doit être dorénavant retranchée du corps de leurs controverses, puisque ce point n'a plus aucune difficulté particulière; et (ce qui est bien plus important) que ce sacrifice, pour lequel ils ont tant de répugnance, n'est qu'une suite nécessaire, et une explication naturelle d'une doctrine qui, selon eux, n'a aucun venin. Qu'ils s'examinent maintenant eux-mêmes, et qu'ils voient après cela, devant Dieu, s'ils ont autant de raison qu'ils pensent en avoir, de s'être retirés des autels, où leurs pères ont reçu le pain de vie.

Il reste encore une conséquence de cette doctrine à examiner, qui est que Jésus-Christ étant réellement présent dans ce sacrement, la grâce et la bénédiction n'est pas attachée aux espèces sensibles, mais à la propre substance de sa chair, qui est vivante et vivifiante, à cause de la divinité qui lui est unie. C'est pourquoi tous ceux qui croient la réalité ne doivent point avoir de peine à ne communier que sous une espèce; puisqu'ils y reçoivent tout ce qui est essentiel à ce sacrement, avec une plénitude d'autant plus certaine, que la séparation du corps et du sang n'étant pas réelle, ainsi qu'il a été

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dit, on reçoit entièrement, et sans division, celui qui est seul capable de nous rassasier.

Voilà le fondement solide, sur lequel l'Eglise, interprétant le précepte de la communion, a déclaré que l'on pouvoit recevoir la sanctification que ce sacrement apporte, sous une seule espèce et si elle a réduit les fidèles à cette seule espèce, ce n'a pas été par mépris de l'autre, puisqu'elle l'a fait au contraire pour empêcher les irrévérences, què la confusion et la négligence des peuples avoit causées dans les derniers temps, se réservant le rétablissement de la communion sous les deux espèces, suivant que cela sera plus utile pour la paix et pour l'unité.

Les théologiens catholiques ont fait voir à messieurs de la religion prétendue réformée, qu'ils ont eux-mêmes usé de plusieurs interprétations semblables à celle-ci, en ce qui regarde l'usage des sacrements; mais surtout on a eu raison de remarquer celle qui est tirée du chapitre XII de leur discipline, tit. de la Cène, art. 7, où ces paroles sont écrites: «On doit administrer le pain de la cène à ceux qui ne peuvent boire de vin, en faisant protestation que ce n'est pas par mépris, et faisant tel effort qu'ils pourront, même approchant la coupe de la bouche tant qu'ils pourront, pour obvier à tout scandale. » Ils ont jugé, par ce règlement, que les deux espèces n'étoient pas essentielles à la communion par l'institution de Jésus-Christ : autrement il eût fallu refuser tout à fait le sacrement à ceux qui n'eussent pas pu le recevoir tout entier, et non pas le leur donner d'une manière contraire à celle que Jésus-Christ auroit commandée; en ce cas, leur impuissance leur auroit servi d'excuse. Mais nos adversaires ont cru que la rigueur seroit excessive, si l'on n'accordoit du moins une des espèces à ceux qui ne pourroient recevoir l'autre : et comme cette condescendance n'a aucun fondement dans les Ecritures, il faut qu'ils reconnoissent avec nous, que les paroles par lesquelles Jésus-Christ nous propose les deux espèces, sont sujettes à quelque interprétation, et que cette interprétation se doit faire par l'autorité de l'Eglise.

Au reste, il pourroit sembler que cet article de leur discipline, qui est du synode de Poitiers, tenu en 1560, auroit été réformé par le synode de Vertueil tenu en 1567, où il est porté que la compagnie n'est pas d'avis qu'on administre le pain à ceux qui ne voudront recevoir la coupe. Ces deux synodes néanmoins ne sont nullement opposés. Celui de Vertueil parle de ceux qui ne veulent pas recevoir la coupe; et celui de Poitiers parle de ceux qui ne le peuvent pas. effet, nonobstant le synode de Vertueil, l'article est demeuré dans la discipline, et même a été approuvé par un synode postérieur à celui

XI.

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