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rien, le Verbe ne se seroit pas fait chair, et n'auroit pas attribué à sa chair, dans tout ce chapitre, une efficace divine), ni que cette chair, que le Verbe a prise, ne serve de rien dans l'eucharistie; mais qu'elle n'y sert de rien prise toute seule; ni qu'il faille entendre figurément ces paroles, Ceci est mon corps; mais qu'en les prenant à la lettre, il faut encore y joindre l'esprit, en croyant que NotreSeigneur n'accomplit rien dans nos corps, qui ne regarde l'homme intérieur, et la vie spirituelle de l'âme ; c'est pourquoi toutes ses paroles sont esprit et vie 1.

Mais il s'élève ici une objection, qui est celle qui touche le plus les prétendus réformés. Si la chair de Jésus-Christ, prise toute seule, par la bouche du corps, ne sert de rien, et que le salut consiste à nous unir avec Jésus-Christ par la foi; ce que l'Eglise romaine met de plus, dans l'eucharistie, devient inutile. « Cette union spirituelle, dit l'auteur de la Réponse, est la seule et véritable cause de notre salut; et les catholiques ne nient pas que ceux qui reçoivent le baptême et la parole sans l'eucharistie, ne soient sauvés et unis spirituellement à Jésus-Christ, de même que ceux qui reçoivent aussi l'eucharistie. » Il leur semble qu'on doit conclure de là que le fidèle doit se contenter de ce qu'il reçoit au baptême, puisque ce qu'il y reçoit suffit pour son salut éternel. Ce qu'ajoutent les catholiques à l'union spirituelle, est, à leur avis, superflu; et c'est en vain, disent-ils, qu'on se jette dans de si grandes difficultés pour une chose qui ne sert de rien.

Cet argument, qui paroît plausible, ne combat pas en particulier la doctrine des catholiques sur la présence réelle; mais il attaque d'un seul coup tous les mystères du christianisme, et tous les moyens dont le Fils de Dieu s'est servi pour exciter notre foi. Il ne sert de rien d'écouter la prédication de l'Evangile, si on n'écoute la vérité même qui parle au dedans; et le salut consiste à ouvrir le cœur : donc on n'a pas besoin de prêter l'oreille aux prédicateurs; donc c'est assez d'ouvrir l'oreille du cœur. Il ne sert de rien d'être lavé de l'eau du baptême, si on n'est nettoyé par la foi; donc il se faut laver intérieurement, sans se mettre en peine de l'eau matérielle. A cela, les prétendus réformés répondroient eux-mêmes, que la parole et les sacrements sont des moyens établis de Dieu pour exciter notre foi; et qu'il n'y a rien de plus insensé, que de rejeter les moyens par attachement à la fin puisqu'au contraire, cet attachement nous les doit faire chérir. Qui ne voit donc qu'il ne suffit pas, pour combattre la présence réelle, de montrer qu'elle ne nous sert de rien sans la foi; mais qu'il faut encore montrer que cette

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présence n'est pas établie pour confirmer la foi même, qu'elle ne sert de rien pour cette fin, ni pour exciter notre amour envers Jésus-Christ présent : il faut détruire ce qui a été si solidement établi touchant la manducation de notre victime, qui nous est un gage certain de la part que nous avons à son sacrifice enfin il faut prouver qu'il ne sert de rien à Jésus-Christ même, pour nous témoigner de l'amour, ni pour échauffer le nôtre, de venir à nous en personne; et que la jouissance de sa personne, si réellement présente, n'est pas un moyen utile pour nous assurer la possession de ses dons. Si la chair ne sert de rien sans l'esprit, si la présence du corps ne profite pas sans l'union de l'esprit; il ne faut pas s'en étonner, ni rabaisser par là le sacré mystère de la présence réelle : car il a cela de commun avec tous les autres mystères de la religion; et Jésus-Christ crucifié ne sert de rien non plus à qui ne croit pas.

Tout ce qu'a fait Jésus-Christ, pour nous témoigner son amour, nous devient inutile, si nous n'y répondons de notre part: mais il ne s'ensuit pas pour cela que ce que Jésus-Christ fait pour nous doive être nié, sous prétexte que quelques-uns y répondent mal; ni que ses conseils soient détruits par notre malice, ni que notre ingratitude anéantisse la vérité de ses dons, et les témoignages de sa bonté.

IV.

L'auteur ne veut pas comprendre que la présence réelle du corps et du sang de Jésus-Christ dans l'eucharistie, soit un gage de son amour envers nous. Il s'étonne que nous puissions dire que ce soit un amour infini qui ait porté Jésus-Christ à nous donner réellement la propre substance de sa chair et de son sang'. Nous nous étonnons à notre tour, avec beaucoup plus de raison, qu'on ait peine à faire croire à des chrétiens, que ce leur soit un témoignage de l'amour divin, que Jésus-Christ veuille bien s'approcher d'eux en personne. N'est-il donc pas assez clair que c'est un bonheur extrême aux fidèles de savoir Jésus-Christ présent en eux-mêmes? Et ne seront-ils pas d'autant plus touchés de cette présence, qu'ils la croiront plus réelle et plus effective?

Si messieurs de la religion prétendue réformée n'avouent pas cette vérité, et s'ils ne peuvent pas concevoir que la présence de JésusChrist, connue par la foi, soit un moyen très-puissant pour toucher les cœurs, ils me permettront de le dire, ils doivent craindre que leur foi ne soit peu vive, et qu'ils ne soient trop insensibles pour Jésus-Christ même. Tâchons donc de faire comprendre à l'auteur de

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la Réponse, une doctrine si pleine de consolation. S'il n'a pas voulu l'entendre par les choses que j'en ai dites dans l'Exposition, peutêtre la laissera-t-il imprimer plus doucement dans son cœur par un exemple dont il s'est lui-même servi. « Nous avons, dit-il 1, des images, quoique très-imparfaites, tant de cette opération du SaintEsprit, dans nos cœurs, que de l'union des fidèles avec Jésus-Christ dans l'amour conjugal qui unit le mari et la femme, et qui est cause que l'Ecriture dit qu'ils ne sont qu'un corps et qu'une âme. »

Il a raison de croire (car c'est une vérité que l'Ecriture nous a enseignée) que Dieu, qui est le créateur des deux sexes, et qui en a béni la chaste union, laissant à part la corruption que le péché y a mêlée, en a choisi, pour ainsi dire, le fond et l'essence, pour exprimer l'union des fidèles avec leur Sauveur.

Il faut donc que notre auteur nous permette de lui représenter, en peu de paroles, que l'amour conjugal, qui unit les cœurs, fait aussi, pour parler avec saint Paul, que la femme n'a pas le pouvoir de son corps, mais le mari; comme aussi le mari n'a pas le pouvoir de son corps, mais la femme. Que si cet auteur ne veut pas entendre que cette puissance mutuelle, qu'ils se donnent l'un à l'autre, est le gage, l'effet et le dernier sceau de l'amour conjugal, qui unit leurs cœurs, et que c'est en vue de cette union que le Saint-Esprit n'a pas dédaigné de dire qu'ils devenoient deux personnes dans une même chair; je n'entreprendrai pas de lui expliquer ce que le langage de l'Ecriture lui doit assez faire entendre. Mais je lui dirai seulement que Jésus-Christ, en instituant le mystère de l'eucharistie, a donné à ses fidèles un droit réel sur son corps, et qu'il l'a mis en leur puissance d'une manière qui n'en est pas moins réelle, pour n'être connue que par la foi. Ce droit sacré qu'a l'Eglise sur le corps de son époux, et que nous pouvons appeler le droit de l'épouse, est donné à chaque fidèle lorsqu'il reçoit le baptême; et il exerce ce droit lorsqu'il approche de la sainte table. Mais quoique la jouissance actuelle du corps du Sauveur ne soit pas perpétuelle, et ne s'accomplisse qu'à certains moments, c'est-à-dire, lorsqu'ils participent aux saints mystères; toutefois le droit de recevoir ce divin corps du Sauveur est permanent ; et il suffit qu'ils en jouissent quelquefois, pour les assurer dans toute leur vie que Jésus-Christ est à eux. Je ne sais, après cela, comment un chrétien peut être insensible à ce témoignage d'amour, et dire qu'il n'entend pas que l'union dont nous parlons nous soit un gage certain que le Fils de Dieu nous aime. «Depuis quand, et en quel lieu a-t-on établi, dit notre auteur 2, que c'est une marque d'amour de donner sa propre chair

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à manger à ceux qu'on aime? » Mais quand est-ce qu'il n'a point été établi, que c'est une marque d'amour de s'unir à ceux qu'on aime? et a-t-on un cœur, quand on ne sent pas que cette marque d'amour est d'autant plus grande et plus sensible, que l'union est plus réelle et plus effective? Aurons-nous donc un cœur chrétien, si nous ne concevons pas que le Fils de Dieu, nous ayant aimés jusqu'à prendre pour nous un corps semblable au nôtre, achève de consommer le mystère de son amour, lorsqu'il s'approche de nous en ce même corps qu'il a pris et immolé pour notre salut, et ne dédaigne pas de nous le donner aussi réellement qu'il l'a pris? Est-ce une chose si étrange et si incroyable qu'un Dieu qui s'est fait en tout semblable à nous, à la réserve du péché, tant il a aimé les hommes, s'approche de nous en la propre substance de son corps? et ce témoignage de son amour sera-t-il moins grand ou moins réel, parce que nos sens n'y ont point de part? Qu'y aura-t-il de plus merveilleux ni de plus touchant, que cette manducation qu'on nous reproche; puisque nous voyons que le Fils de Dieu, ôtant à cette action ce qu'elle a de bas et d'indécent, la fait servir seulement à nous unir à lui corps à corps, d'une manière aussi réelle qu'elle est surnaturelle et divine? Si les hommes peuvent seulement gagner sur leur foible imagination qu'elle ne se mêle point dans les mystères de Dieu; si la foi peut prendre sur eux assez d'empire, pour leur faire croire que le Fils de Dieu, sans changer autre chose que la manière, peut nous donner la substance entière du corps qu'il a pris pour nous; sans doute ils ne trouveront rien de plus touchant, que cette union merveilleuse que l'Eglise catholique leur propose. Car rien n'est plus efficace pour imprimer dans nos cœurs l'amour que le Fils de Dieu a pour ses fidèles, ni pour enflammer le nôtre envers lui, ni pour nous faire sentir par une foi vive que vraiment il s'est fait homme, et est mort pour l'amour de nous.

Mais écoutons ce que notre auteur répond à toutes ces choses. << Les chrétiens, dit-il, sont bien ingrats ou bien difficiles à contenter, s'il ne leur suffit pas que Jésus-Christ soit mort pour eux. » Et un peu après : « Ils ont les oreilles du cœur bien bouchées, s'il est vrai que les signes sacrés de la cène, ajoutés à la parole, ne leur disent pas encore assez hautement et assez intelligiblement, que Jésus-Christ s'est fait homme pour eux, et que son corps a été rompu pour eux. » C'est de même que s'il disoit avec les sociniens : Les chrétiens sont bien ingrats ou bien difficiles à contenter s'il ne leur suffit pas que Dieu les ait créés, qu'il leur ait pardonné leurs péchés, et qu'il leur ait envoyé un homme admirable pour leur apprendre les voies du salut. Ces marques de sa bonté ne sont-elles

pas suffisantes? et falloit-il qu'un Dieu se fit homme pour nous témoigner son amour? Que notre auteur réponde aux sociniens qui détruisent le mystère de l'incarnation par des arguments semblables: il leur dira, sans doute, que le chrétien se contente de ce que Dieu veut; mais que Dieu, pour contenter sa propre bonté, et l'amour infini qu'il a pour nous, a voulu faire pour notre salut, et pour nous marquer cet amour, des choses que nous n'eussions pu seulement penser, bien loin d'oser y prétendre. Nous ferons la même réponse sur le sujet de l'eucharistie, avec d'autant plus de raison, que nous sommes déjà préparés par le mystère de l'incarnation à attendre des marques d'amour tout à fait incompréhensibles. Ainsi, quand il s'agira d'expliquer par les saintes Lettres la merveilleuse union que Jésus-Christ veut avoir avec les fidèles dans l'eucharistie, nous ne nous étonnerons pas que le sens le plus littéral et le plus simple soit celui qui nous promet des choses plus hautes, et qui passent de plus loin notre intelligence. Car le mystère de l'incarnation nous a fait voir que le Fils de Dieu a entrepris de nous découvrir son amour, et de consommer son union avec ses fidèles par des moyens incompréhensibles. Et certainement nous ne comprenons pas comment notre auteur a pu écrire, que « ce qu'il y a d'incompréhensible dans les effets de l'amour que Dieu a pour nous, n'est, par manière de dire, que le degré, ou plutôt l'infinité de cet amour même 1. » Faut-il le faire souvenir qu'un Dieu s'est fait homme pour nous témoigner son amour? N'y a-t-il rien d'incompréhensible dans cet effet d'amour, que le degré et l'infinité? La chose prise en elle-même ne l'est-elle pas? ne passe-t-elle pas notre intelligence? Et qui ne voit que, bien loin de dire qu'il n'y a rien d'incompréhensible dans les effets de l'amour de Dieu, que le degré et l'infinité, il faut plutôt concevoir que parce que cet amour est incompréhensible dans son degré, il a produit des effets qui le sont aussi, considérés en eux-mêmes?

Notre auteur, toutefois, continue toujours à expliquer les merveilles de l'amour du Fils de Dieu envers nous, sans songer que c'est cet amour qui l'a porté à se faire homme; il dit, « que nous concevons, en quelque sorte, ce que cet amour infini a fait faire à Dieu, par une comparaison, quoique très-imparfaite, de ce qu'un véritable amour nous fait faire les uns pour les autres. Payer pour quelqu'un, poursuit-il, est un vrai office d'ami; et mourir pour quelqu'un, a toujours passé pour une véritable marque d'amour. >> Mais après avoir ajouté que « mourir pour un ennemi est une géné rosité qui n'avoit point eu d'exemple parmi les hommes avant la

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