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sont les mêmes : « Le roi vient au secours de son peuple depuis longtemps opprimé. » La convocation des Etats Généraux « est un acte éclatant de la justice du roi (1). » Aussi lui parle-t-on «< avec confiance, avec vérité (2). » Et Necker reçoit une part de ces marques de gratitude. On lui promet la reconnaissance des peuples à l'affranchissement desquels il aura tant contribué (3).

Quelques cahiers même expriment d'une façon plus touchante l'amour des paysans pour le roi, leurs sentiments de fidélité. Dans plusieurs paroisses, on fait des prières pour la conservation du roi et de la famille royale (4).

C'est ce loyalisme qu'exploiteront plus tard, après l'exécution de Louis XVI, les ennemis de la Révolution.

L'amour pour le roi est sans réserve, et il est curieux de noter à quel point on pousse cette abstraction qui sépare le roi du gouvernement. Ce sont les ministres seuls et leurs agents qui sont responsables aux yeux du peuple, non seulement des abus de l'administration, mais des maux qui tiennent au régime même. Les habitants de Plélan-le-Grand trouvent l'impôt sur les cuirs trop onéreux. Ils « se plaignent des commis des cuirs qui sont cause qu'on ne peut plus porter de souliers... » Cette façon de voir s'expliquait d'ailleurs par l'usage de faire lever les impôts par des fermiers généraux et des agents qui ne dépendaient pas directement de l'administration royale. Aussi ne doit-on pas trop s'étonner de lire dans les mêmes cahiers des remerciements au roi et des plaintes très vives contre l'ad

ministration.

(1) Cah. de Le Pertre.

(2) Cah. de Plestan, souvent reproduit.

(3) Le Pertre : « Le ministre éclairé, l'ami du peuple, qui a lutte contre les privilégiés, les préjugés, doit avoir part à la reconnaissance publique. »

(4) Cah. de Hénon, Penguilly. - Maroué (in fine) a Ledit général, convaincu des vues bienfaisantes de sa majesté, bénit son nom, ne cesse d'avoir les mains levées vers le ciel pour la prospérité de son règne, et a arrêté que chacun des soussignés dirait tous les jours avec sa famille pour la conservation de ceux de sa majesté la prière : « Domine salvum fac regem!»

Les agents du roi ou des traitants qui, sous la surveillance de l'intendant, percevaient les impôts, étaient naturellement détestés des paysans (1). Qu'on les appelle « contrôleurs, »> «< commis, »>«< receveurs des domaines » ou « maltôtiers, »> on s'en prend tout d'abord à eux, avant de se plaindre des impôts mêmes. On les accuse de percevoir arbitrairement les taxes (2), d'étendre abusivement les règlements (3). Les paysans voudraient les voir soumis à une surveillance plus étroite, et ils demandent que l'administration de certains impôts, comme les contrôles, soit rendue à la province (4). On réclame de nouveaux tarifs «si clairement rédigés que l'homme le plus simple puisse comprendre ce qu'il doit payer (5); » et le droit pour les contribuables « de traduire les contrôleurs en justice >> en cas d'abus (6). Des cahiers entiers sont rédigés contre l'administration royale (7).

Les impôts royaux.

Nous ne pouvons nous étendre ici sur le système fiscal de l'ancien régime (8). Nous ne devons nous occuper que des do

(1) Cah. de Guichen, Iffendic et passim. — Epiniac: « Si nous sommes vexés par les seigneurs nous ne le sommes pas moins par les gens qui au nom de votre majesté ont quelque taxe à percevoir. >> Cf. aussi cah. de Saint-Jacques

de-la-Lande.

(2) Cah. passim. Par exemple cah. de Louvigné, près Vitré : « Nous nous plaignons des droits perçus par les employés, différemment et presque à leur guise... ils en font une inquisition en cherchant à découvrir les secrets que les familles ont à garder. »

-

(3) On se plaint surtout des abus des employés des contrôles. Cf. Cah, de Cornillé, Erquy, Saint-Servan, Chancé.

(4) Cah. de Saint-Aubin-d'Aubigné, Saint-Jacut-du-Menez.

(5) Cah. de Guichen (art. 21).

(6) Cah. de Sainte-Broladre.

(7) Par exemple celui de Vignoc, probablement inspiré par un membre de la noblesse.

(8) Le système fiscal appliqué en Bretagne est brièvement et assez clairement exposé dans une lettre écrite (9 mai 1753) par Picquet, au nom du Parlement, en réponse à une lettre de « MM. les gens tenant le conseil provincial d'Artois, à Arras.» Archives du Parlement de Bretagne Dans le registre littéraire à

sa date.

et sqq.

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Cf. aussi Dupuy, L'administration municipale en Bretagne, pp. 143
Chap. II. Répartition et perception d'impôts directs. Répartition

des charges publiques.

léances et des vœux des paysans à ce sujet. Disons cependant que les Etats de Bretagne étaient abonnés aux impositions royales, et qu'ils les répartissaient entre les ordres et entre les paroisses, sous le contrôle de l'intendant. Grâce à cet abonnement on était soumis en Bretagne à des impôts bien moins lourds que dans les pays d'élection(1).

Aussi les paysans qui parfois se rendent compte des besoins de l'État ne se plaignent pas des impôts royaux avec la même unanimité que des rentes seigneuriales(2). Pourtant beaucoup de cahiers, à côté de doléances sur la pauvreté de la paroisse, donnent le détail des impôts qu'ils paient au roi.

Ce détail des impôts est intéressant, surtout quand on connaît l'importance de la paroisse. Guignen, qui compte environ 600 ménages et plus de 3.000 communiants paie, «< en charges royales», environ 14,000 1. (3). C'est à peu près la proportion. d'impôts payés par les autres paroisses. Iffiniac, qui comprend 200 ménages, paie 5,000 1. de charges royales(4). Livré, qui compte 1,200 habitants « dont un tiers réduit à la misère, » paie 1,800 1. de capitation, 2,000 1. de vingtièmes, 1,172 1. de fouages (5).

Dans ces sommes on ne comprend que les impôts directs: capitation, fouages ordinaires et extraordinaires, vingtièmes. Mais les paysans sont encore soumis à des impôts indirects qu'on appelle devoirs, en Bretagne, à des droits de lods et ventes, de

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(1) Cf. Dupuy. L'administration municipale en Bretagne, p. 144. Il cite une lettre de Bertrand de Molleville au Contrôleur général (C. 1798). On payait en Bretagne 12 1. 10 sols d'impôts par tête, ailleurs on payait 17, 22, 28, 30 1.; à Paris 64 1. 5 sols. - Cf. « Mot d'un cosmopolite sur les démêlés entre la noblesse de Bretagne et le Tiers-Etat. » et Necker. Tableau comparé des contributions des provinces (cité par Maury à l'assemblée nationale). (2) Cah. de Ruffigné : «Les charges publiques sont le moindre de nos fardeaux. D Cah. de Plélan-le-Grand : « Sire, nous payons pour vos rôles 10,000 1, nous ne nous plaignons point de cette somme, au contraire, nous sommes très contents; mais nous payons aux seigneurs plus de 20,000 1. par an. D (3) Cah. de Guignen.

(4) Cah. d'Iffiniac (art. 17).

(5) Cah. de Livré.

Cf. aussi cah. de Ruffigné, Trégonneau, Plougouven, Plougras, Plainguen, Messac, Mélesse, Notre-Dame-de-Landouart.

franc fief; à des corvées, au logement des troupes, à des charrois de bagages.

Les cahiers contiennent une critique intéressante de ce système fiscal dont tout le poids « retombe sur le Tiers (2). >> Les doléances et les vœux des paysans à ce sujet portent à la fois sur la nature, sur la répartition, et sur la perception des impôts.

Assiette des impôts.

La multiplicité des impôts soulève tout d'abord de vives récriminations: « On ne peut en quelque sorte sortir de son foyer sans payer un droit de passage (3), » et on demande la simplification du système, le remplacement de tous les impôts roturiers par un seul impôt général (4) ou deux seulement, l'un réel, l'autre personnel (5).

On supprimera les douanes, les impôts sur les cuirs qui entravent le commerce et l'industrie (6), les devoirs et tous les droits sur les denrées de première nécessité. Bien que la Bretagne fût exempte de la gabelle, quelques cahiers critiquaient cet impôt, odieux au peuple(7).

On choisira les impôts qui pèseront le moins sur la classe

(1) Le Mémoire pour le Tiers-Etat de Bretagne, par M. Gohier, avocat, Brochure de XXIV-188 pages, a été écrit pour montrer l'iniquité de ce système fiscal.

(2) Cah. de Saint-Goulay, Saint-Maugan.

(3) Cah. de Soul vache.

(4) Cah. de Saint-Goulay.

(5) Cah. de Sainte-Croix de Guingamp, La Bouexière, Saint-Aubin de Rennes, Saint-Mervon.

(6) Cah. de Moncontour.

(7) On craignait de voir les Etats généraux unifier le système fiscal et imposer la gabelle à toutes les provinces. Cah. de Le Lou-du-Lac : « Comment donc, sire, nous persuader, comment pourrions-nous penser, o notre bon roy, ce que quelques personnes ont cru apercevoir dans le préambule du règlement du 16 mars dernier... ce serait nous exposer à voir peut-être introduire dans notre sein des impôts désastreux, notamment la gabelle ou impôt sur le sel... »

indigente (1). Ils retomberont sur les riches(2), sur la fortune acquise (3). Les objets de luxe seront soumis aux droits les plus élevés (4); « le faste, la débauche » seront imposés.

« On augmentera par exemple les droits sur les boissons, sur les cartes à jouer, sur les matières d'or et d'argent, sur les soyeries ou productions étrangères; on en créera sur les domestiques (autres que ceux des laboureurs et les compagnons des artisans), sur les voitures, sur les portes cochères, sur les fenêtres et les cheminées (au delà de 3 cheminées et 8 fenêtres(5) ».

Quand le « général » de Thorigné « a observé qu'il était nécessaire de n'avoir qu'un seul impôt, il n'a pas entendu cependant n'être pas d'avis qu'il y en eût un pour certains objets tels que les cartes et autres objets de luxe comme la poudre, les galons et rubans et même le café...(6).

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Les paroissiens d'Yvignac demandent également « que ceux qui voudraient avoir des meubles et vaisselles d'or ou d'argent autres que les cuillers et fourchettes d'argent payeraient annuellement au roi une somme de 50 1. et que ceux qui voudraient avoir des chaises à porteurs, chaises de poste ou cabriolets à deux roues payeraient annuellement au roi 200 1., et pour les carrosses à 4 roues 400 1., et redoubler les impôts sur les soieries, dentelles, mousselines, gazes, poudre à cheveux, galons et autres choses de cette nature et de pur luxe(7). »

Les impôts qui, jusqu'à présent retombaient tous sur les pauvres seront donc mis à la charge des riches. Ce nouveau principe qui doit dominer le système fiscal, souvent posé dans

Nous

(1) Cah. de Sainte-Colombe (art. 4), Marcillé-Robert (art. 5), Epiniac. Epiniac: «Toutes les impositions retombent entièrement sur le pauvre croyons que la plus grande partie des impôts serait mieux placée sur les objets de luxe... »

(2) Les impôts sur les contrats seront remplacés ou accolés à un autre impôt qui portât plus directement sur le riche » (Cah. de Noyal-sur-Vilaine). (3) Cah. d'Épiniac.

(4) Cah. de Québriac et passim.

(5) Cah. de Noyal-sous-Lamballe (art. 3).

(6) Cah. de Thorigné (art. 10).

(7) Cah. de Yvignac (art. 19 et 20).

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