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qu'il employa à observer les groupes et à prêter l'oreille aux bruits. « J'ai vu aux Sorinières, dit-il, les brigands portant de grands crucifix à leurs ceintures. Ces ceintures étaient d'étoffes et de rideaux pillés dans les maisons des patriotes, entre autres dans une située près la cy-devant abbaye de Villeneuve. » Au nombre des chefs, il cite le « nommé Goulaine, habitant de Roche-Servière, qui commandait un détachement. Lorsque la garde nationale s'empara du camp, il fut sur le point d'être massacré par les brigands qui le soupçonnaient de trahison. Un moment il fut remplacé par Lebeuf de Rocheservière. »>

Un nommé Raveno, membre du comité contre-révolutionnaire, était chargé de tenir les registres des bestiaux, vins et denrées que l'on amenait au camp. Le nommé Salerac, dit-il, vint aux Sorinières et, après avoir examiné la situation, il se permit de la juger très désavantageuse. Ses réflexions furent si peu goûtées des combattants qu'ils menacèrent de le tuer; ce qui l'obligea de se retirer au camp de l'Alloué à Vertou.

Le même receveur fut aussi emmené par les rebelles dans deux autres expéditions meurtrières, il était à Machecoul pendant les massacres de cette ville. «<< J'y ai vu, dit-il, le nommé Charette dit Bois-Foucault. D'après les informations que j'ai prises, il paraît qu'il a beaucoup contribué au massacre de nos frères detenus dans les prisons de cette ville. » Il a entendu parler aussi d'un commandant nommé Joly qui passait pour être du rassemblement de Chalans; il a vu un nommé Perrier, intendant du château de la Clartière, qui parcourait tous les rangs des révoltés et leur disait pour les exciter au combat: « La garde nationale qui vous attaque est au plus composée de 1,200 hommes et nous sommes six mille. Nous les tenons les bougres, ils vont danser la carmagnole s'ils entrent dans le château de la Clartière, nous les brûlerons tout vifs dans la cour. »>

Un autre jour, le même receveur fut entraîné du côté de Legé et entendit raconter le combat de cette ville de la bouche

d'un témoin, le sieur la Sorinière. D'après son récit, le nombre des morts, des blessés et des prisonniers aurait été de 150 environ.

Sur les événements de Saint-Colombin, il est non moins bien renseigné. Le nommé Gobin s'est déclaré commandant de cette paroisse, il a marché en cette qualité en diverses circonstances; c'est lui qui a donné des ordres pour l'approvisionnement des troupes aux dépens des plus aisés. François Hervouet et François Hervouet des Forges servaient sous ses ordres en qualité de capitaines, mais avec peu de zèle, car l'un d'eux reçut un coup de fusil pour avoir montré peu d'empressement.

Sur Saint-Philbert, il nous apprend que le commandant élu était le chevalier de Couëtus auquel on avait, en comité, délégué la conduite de six paroisses. Dans cette réunion, les enrôlés firent serment de ne jamais reconnaître le gouvernement républicain et de n'obéir qu'au Roi. La messe était alors célébrée à la Limousinière par l'abbé Joly et, à Saint-Colombin, par l'abbé Peltier, tous deux réfractaires (1).

Les alarmes du malheureux receveur durèrent près de deux mois et ne prirent fin que le jour où il put se jeter dans les bras de l'escorte du général Canclaux qui le ramena à Nantes.

A Machecoul, la ville était si calme à l'intérieur, le dimanche soir 10 mars, qu'on dansait chez M. Garreau, receveur du District, (2) mais, dans les alentours, 20 paroisses s'apprêtaient à prendre les armes. L'un des chefs de la garde nationale fut averti dans la soirée et n'eut pas le temps d'organiser la résistance. Le lendemain plusieurs milliers de paysans grossièrement armés arrivèrent par toutes les issues et remplirent les rues en criant: la paix! la paix! ce qui n'empêcha pas les massacres odieux que l'on connaît. Le receveur d'Enregistrement Lorin succomba dans cette affreuse bagarre. Ce fait

(1) Rapport du 6 mai 1793 signé Pascal. M. Dugast-Matifeux en a eu connaissance et l'a publié dans le Phare de la Loire.

(2) A. Lallié, Le district de Machecoul, p. 288, Nantes 1869, 1 vol. in-12.

est attesté par son confrère et voisin Pascal, receveur à Pont-James.

A Bouguenais, le receveur fut assailli par une troupe de paysans armés qui l'ont menacé, maltraité et emmené avec eux pendant plusieurs heures. Il réussit à s'échapper vers deux heures de l'après-midi et profita de ce répit pour renfermer ses papiers dans une armoire.

Cette précaution n'était pas superflue, car, à 5 heures, une nouvelle horde de révoltés paraissant venir de la direction de Bouaye fit irruption à Bouguenais, sonna le tocsin et y demeura jusqu'à 9 heures du soir. Le lendemain, 12, une autre troupe plus nombreuse que les précédentes se montra, c'est alors qu'il s'enfuit à Nantes par des chemins détournés après avoir jeté ses valeurs sur l'impériale de son lit(1).

Au Loroux-Bottereau tout était calme le dimanche 10 mars. Le receveur profita du repos de ce jour pour aller conférer avec son Directeur, à Nantes, sur diverses difficultés et ne porta qu'une partie de son encaisse au receveur général de la Régie, tant il était loin de redouter un péril. Le lendemain lundi, à son réveil, il apprit que la loi sur le Recrutement avait tellement monté les esprits qu'on annonçait un soulèvement. Alors, il ramasse à la hâte ses assignats dans un mouchoir, courut à toute bride à Nantes les porter à la Recette et sans prendre le temps de retirer un récépissé, il retourna de suite vers le Loroux, armé d'un sabre et de deux pistolets.

Arrivé à Caherau (en St-Julien de C.), il se trouva dans une sorte de camp rempli d'habitants de la campagne qui lui demandèrent ses armes. Comme il refusait, quelques furieux le poursuivirent jusque dans une maison où il s'était caché, visitèrent ses papiers et voulurent le massacrer, quand ils s'aperçurent qu'il était fonctionnaire, officier de la garde nationale et pourvu d'un certificat de civisme. Ceux qui prirent sa défense furent

(1) Déclaration du citoyen Dufresne, receveur à Bouguenais.

violemment maltraités, cependant ils parvinrent à le conduire au Loroux où ils l'enfermèrent dans la chapelle de la Vierge.

Le citoyen Tiger qui exerçait un grand ascendant sur les habitants, voulut bien répondre de lui à la multitude. Plusieurs révoltés le conduisirent à son bureau pour en fermer les portes et les armoires, et, après lui avoir montré sa caisse ouverte et ses registres bouleversés, ils tentèrent de le traîner en prison et n'accordèrent qu'avec peine sa réintégration au domicile du sieur Tiger. Il y demeura consigné jusqu'au 15 juillet, époque où il lui fut enjoint par le Conseil supérieur des Révoltés séant à Châtillon-sur-Sèvre, de reprendre ses fonctions.

Il y mit tant de mauvaise volonté qu'on l'incarcéra à la cure et qu'il fut question plusieurs fois de le fusiller parce qu'on le soupçonnait d'intelligences avec Nantes. Les chefs le traitaient de républicain incorrigible en ajoutant que le supplice seul pouvait le convertir. Ils inventèrent la formalité du serment au Roi et à la Religion catholique sous peine de mort. « Je me laissai conduire par la garde au Comité devant lequel je proférai labialement la formule (1). >>

Le receveur de l'Enregistrement de Vertou, Bessonneau, a été emmené par les Rebelles jusqu'à Clisson où il a été détenu jusqu'au 30 Septembre. Sa femme, qui gardait sa maison, nous apprend dans sa déposition que Vertou ne reçut la visite des insurgés que le 12 mars, jour où ils arrivèrent en grand nombre. Le receveur, âgé de 74 ans, étant pris d'un accès de goutte, ne put se sauver à Nantes, il assista donc à l'envahissement et sut que chaque jour de la semaine qui suivit le 10 mars le nombre des révoltés grossissait sans cesse. Le dimanche 24 «< les brigands de la Vendée, appelés les Gris, vinrent chercher Bessonneau, le placèrent sur une charrette et l'emmenèrent au camp de l'Alloué (2), le gardèrent là jusqu'au mardi et le condui

(1) Rapport du citoyen Monlien, receveur au Loroux.

(2) Le camp de l'Alloué est une hauteur située sur la grande route de Clisson à la limite de Haute-Goulaine, d'où la vue s'étend fort loin.

sirent après à Clisson. L'affluence des révoltés a toujours été très grande à Vertou du 24 mars jusqu'au 25 août, dit-elle. Ce jour-là, elle vit un grand rassemblement, des postes multipliés, et fut obligée de loger l'Etat-Major dans le cabinet de son mari. C'est là qu'on tenait conseil.

Les officiers avaient deux pièces de canon près d'eux dans la cour, ils s'en servirent plusieurs fois jusqu'au mardi 27 septembre au matin, époque où les troupes de la République les délogèrent et vinrent mettre le feu à la maison pour se venger des coups de canon qui étaient partis de là.

Son mari ne fut pas plus épargné à Clisson par la compagnie des francs tirailleurs qui vinrent le délivrer à 10 heures du matin. Ils lui prirent son portefeuille contenant 3,000 livres en assignats et quelques reconnaissances, de quoi il porta plainte à l'aide de camp du général Kléber, nommé Buquet. Je ne parle pas de sa montre et de toute l'argenterie dont lui et sa femme furent dépouillés; je me borne à dire avec lui qu'il était sans pain et sans asile à la fin de 93(1),

L'envahissement du bourg de Vue, nous dit le receveur Hochet, eut lieu le 12 mars vers les huit heures du matin. Les révoltés arrivèrent de tous les côtés à la fois; ils désarmèrent tout le monde sans distinction et forcèrent les hommes à les suivre. Ils vinrent frapper à sa porte à coups redoublés en menaçant de l'enfoncer et de mettre le feu à son bureau, lui arrachèrent par violence une paire de pistolets anglais, mais ne purent découvrir ses munitions. On l'emmena vers la maison commune où le Maire les harangua pour les calmer et les inviter à la retraite. Le tumulte qui s'ensuivit lui procura l'occasion de fuir vers Nantes. Près du pont de la chaussée Le Retz, des hommes armés de bâtons et de fusils lui barrèrent la route, en lui disant qu'ils le reconnaissaient parfaitement et qu'assurément il allait chercher « quelques bougres pour les faire égorger. » A

(1) Déclaration du citoyen Bessonneau receveur à Vertou,

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