Immagini della pagina
PDF
ePub

battre en retraite vers Châteaubriant. Alors le receveur Mangin qui se tenait prêt à tout événement, courut à son bureau dans l'obscurité, saisit à la hâte une partie de sa caisse, quelques assignats et quelques fonds de son propre avoir, puis il rejoignit les fuyards en gilet, perdant une partie de ce qu'il avait emporté. Il demeura à Châteaubriant jusqu'au 5 avril et, quand il revint dans sa résidence, il trouva la porte défoncée à coups de hache, le mobilier saccagé et les tiroirs de son secrétaire pillés. La nouvelle du passage de la Loire par l'armée vendéenne et de l'évacuation d'Ancenis jetèrent de nouveau la panique autour de lui; c'est pourquoi il prit son encaisse et se retira à Nantes avec la Municipalité.

Les tribulations recommencèrent à la fin de juin, au moment où les révoltés formèrent le projet de prendre la ville de Nantes. Le 27 juin, vers les six heures du soir, ils attaquèrent le bourg de Nort et ne s'en rendirent maîtres qu'après une lutte de onze heures. Irrités de cette résistance opiniâtre « ils se sont portés à des excès qui leur ont mérité à bien juste titre le nom infâme de brigands dont on les a qualifiés. En effet, ils ont pillé, dévasté ce bourg de telle sorte qu'il est impossible qu'il puisse jamais se relever des pertes qu'il a essuyées. » Ils entrèrent dans le bureau du receveur par bandes de quarante et cinquante, se mirent à déchirer les papiers timbrés surtout et à les jeter par les fenêtres. A leur retour de Nantes, ils renouvelèrent leur visite en pillant le bureau, en déchirant ou prenant le linge et les vêtements qui restaient au malheureux receveur (1).

D'après la déposition du receveur Pierre Dupin, la ville de Blain n'aurait été investie que le 12 et le 13 mars. Les rues furent remplies, dit-il, de paysans armés de fusils, de pistolets, de sabres, de faulx, de haches, qui se portèrent à la Municipalité et au District et brûlèrent les papiers de ces deux administrations; puis ils désarmèrent tous les citoyens dont le civisme

(1) Déclaration du citoyen Mangin receveur à Nort.

leur inspirait la plus juste défiance, sans oublier le receveur de l'Enregistrement. Ces révoltés voulaient mettre le feu à son bureau, ils réitérèrent leurs menaces pendant plusieurs jours en le poussant de la pointe de leurs bayonnettes tantôt sur la poitrine, tantôt par derrière. Dupin fut obligé de les accompagner dans leurs expéditions, car ils étaient les maîtres. Il alla un jour conduire une voiture de pain à leurs amis de Sautron, et une autre fois, il participa involontairement à l'interception de la chaussée de Saint-Nicolas-de-Redon pour favoriser l'investissement et l'attaque de cette ville. On le plaçait toujours en avant avec quelques autres patriotes.

Fatigué de cette vie d'alarmes continuelles autant que des insultes et des mauvais traitements dont on l'accablait, il prépara sa fuite en cachant ce qu'il avait de plus précieux, puis il s'échappa dans la forêt de la Groulaie. De là, il marcha pendant longtemps à travers les landes désertes, surtout à la faveur de la nuit et parvint à rejoindre la route de Nantes au pont du Cens. C'était le 30 mars. Ainsi son martyre dura 18 jours (1).

Le 12 mars, la ville de Savenay n'était pas encore troublée dans la matinée, mais dans l'après-midi le receveur de l'Enregistrement Sérieux était sur la place publique quand il entendit les rumeurs qui annonçaient l'approche des brigands. On parlait de sept à huit mille paysans armés de fusils, de fourches et de faulx qui devaient se livrer au pillage. Du district où il était, il se précipita vers son bureau pour emporter ses papiers et son encaisse, mais à peine avait-il franchi la porte pour se sauver qu'il fut entouré d'une « troupe d'assassins qui le couchèrent en joue et brûlèrent sur lui deux amorces de fusils qui heureusement ratèrent. Pendant ce temps, un brigand armé d'un bâton le prenait au collet et lui meurtrissait les membres de coups. Pendant une demi-heure, il fut traîné de son domicile au pied de l'arbre de la liberté érigé sur le milieu de la place principale,

(1) Déclaration du citoyen Dupin, receveur à Blain,

et de la place à son domicile par des révoltés qui l'assommaient de coups de bâtons et de coups de crosses de fusil en l'accusant d'être administrateur du District. Sérieux crut se délivrer en se déclarant receveur de l'Enregistrement et des Domaines, au contraire, il excita leur rage. Les brigands l'assaillirent de nouveau en disant qu'il avait l'argent de la Nation, le fouillèrent, lui prirent ses clés, son portefeuille et l'abandonnèrent sur la place. Pendant le reste de l'après-midi, il resta dans la maison de son hôtesse la citoyenne Guillemont où les groupes de brigands se renouvelaient sans cesse et buvaient dans la cuisine. Par leur conversation, il apprenait qu'on visitait ses armoires et les tiroirs de son bureau, qu'on prenait les assignats, mais qu'on respectait ses registres et les actes; de là il inférait que les révoltés appartenaient à la classe des acquéreurs de Domaines Nationaux, car autrement ils auraient tout saccagé.

Aux approches de la nuit, voyant que les têtes s'échauffaient par l'effet des boissons que les insurgés absorbaient, il alla coucher dans le jardin de l'hôpital, hors la ville, puis au matin, il s'enfonça dans la campagne vers l'Oisillère dont le fermier se fit son dénonciateur. Saisi par les brigands, il fut ramené à Savenay où il ne sauva sa vie qu'en consentant à passer sous le drapeau blanc et en prenant l'engagement de suivre les expéditions qu'ils tenteraient. Sa soumission leur paraissant peu sincère, ils le tinrent en prison tantôt chez lui, tantôt près du corps de garde sous les yeux de deux sentinelles. Quelquefois, ils le prenaient dans les rangs de leurs troupes. Ce pénible ballottement dura trois semaines. Enfin, sachant que le général Beysser s'avançait pour châtier les révoltés, il profita de la nuit pour s'enfuir à travers champs jusqu'au Temple où la maîtresse de poste lui loua une voiture avec laquelle il arriva à Nantes à 4 heures du matin, le 3 avril(1).

Le 13 mars, le bourg de Pontchâteau n'avait pas entendu par

(1) Déclaration du citoyen Sérieux receveur à Savenay.

ler d'insurrection, mais ce jour-là le courrier de Nantes étant revenu en arrière, les voyageurs rapportèrent que des horreurs avaient été commises à Savenay et que les brigands se portaient dans la direction de Pontchâteau.

La gendarmerie partit en avant. Alors, le receveur de l'Enregistrement Pichon, après une conférence avec le juge de paix Brisson, prit le parti de se retirer à Paimbœuf. Au lieu d'exposer son portefeuille aux aventures de la route, il le laissa chez la veuve Dufresne, personne recommandable, en qui il avait grande confiance et laissa la garde de ses registres à ses sœurs. Sa demeure ne fut pas oubliée quand les brigands envahirent le bourg, mais ils respectèrent le bureau disant que c'était leur propriété et qu'il arriverait malheur à quiconque y toucherait. Leur fureur se tourna uniquement contre les effets et le mobilier personnel du receveur. Ils tourmentèrent tellement ses sœurs qu'ils finirent par mettre la main sur les 1,000 livres qu'elles avaient cachées.

En avril, le calme était revenu et le bourg de Pontchâteau était gardé par un cantonnement d'une centaine d'hommes. Alors, Pichon s'empresse de retourner à son bureau pour vérifier luimême les pertes qu'il a éprouvées. Il constate aussi que sa sœur avait avancé 400 livres au détachement de l'armée des côtes de l'océan qui traversa le bourg le 4 avril. Le 24 mai, il écrit que sa résidence est de nouveau menacée par l'irruption de troupes de brigands et que les alarmes qui l'assaillent sans cesse ne conviennent pas à son tempérament.

<«< La vie, dit-il naïvement, est ce que l'on a de plus cher au monde. J'ai tout abandonné pour la sauver. » Il quitte sa place de receveur et donne sa démission pour entrer au 15° régiment de chasseurs à cheval. « J'ai pris le parti des armes, dit-il le 24 mai, le croyant le plus sûr pour prolonger mes jours; du moins, en prenant ce parti, si je suis tué, j'aurai la satisfaction de mourir en défendant ma patrie (1). »

(1) Déclaration du citoyen Pichon, receveur à Pontchâteau.

Le receveur qui lui succéda venait du bureau de Derval, commune où les troubles ne se manifestèrent que le 14. Ce jour là, des habitants de Nozay tout ensanglantés accoururent en criant qu'une multitude de brigands les suivait. Cousin qui était à dîner à l'auberge, se leva précipitamment et sans prendre le temps de retourner à son bureau, s'enfuit à travers champs en compagnie du citoyen Buron, ingénieur géographe, jusqu'aux forges de la Hunaudière. Au bout de deux jours d'attente, il tenta un voyage à Derval avec le négociant Balleroi pour essayer de ressaisir sa caisse et ses registres, mais, aux approches du bourg, il entendit sonner le tocsin et aperçut une troupe de paysans armés. Aussitôt, ils tournèrent bride du côté de Bain dans l'espoir de rencontrer la garde nationale qu'on attendait. En chemin, un marchand leur assura que cette troupe de secours se rendait à Redon, en leur faisant entendre que les révoltés pourraient bien se replier sur Bain. Alors, le receveur se mit en observation à l'écart dans une lande.

A l'entrée de la nuit, comme la situation restait toujours indécise, il se retira encore à la Hunaudière avec son compagnon. Le directeur des forges, en le recevant ne lui dissimula pas qu'il était dans une grande inquiétude depuis qu'il avait découvert que des tentatives étaient faites dans ses ateliers pour les soulever et les entraîner dans la révolte. Une fois la nuit. passée, il se mit en route vers le nord, sous la conduite d'un homme de confiance, traversa des landes et des bois, franchit plusieurs petites rivières à la nage et arriva enfin à Rennes le 17 mars.

Le 26, ayant appris que le pillage n'avait pas eu lieu dans sa résidence, que le feu n'y avait rien détruit, il se décida le 27 à tenter la fortune et, suivi d'un voyageur des environs de Nantes, il alla coucher à Bain. De très grand matin, ils arrivèrent à Derval où ils remarquèrent beaucoup d'agitation. On disait dans les groupes que les brigands n'étaient pas loin. Il courut donc à son bureau, saisit à la hâte ses assignats et ses pièces comp

« IndietroContinua »