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Emile GABORY: les Visions et les Voix. Un vol. in-18, 1901.

Ce volume de poésies personnelles est une première tentative littéraire; il mérite donc indulgence et sympathie.

Dans les trois parties qui composent le livre, se déroule l'histoire, assez banale, en somme, d'un jeune homme qui mène d'abord la vie peu vertueuse d'étudiant à Paris, puis, honteux de lui-même, s'efforce de sortir du « Gouffre », retourne aux pratiques religieuses, invoque la Sainte Vierge (Prière suprême), et finalement, après les tempêtes des passions, est heureux d'arriver au « Port », c'est-à-dire au mariage. Et il ne peut qu'être, ajouterai-je, un excellent mari, si j'en juge d'après l'horreur que lui inspirent ses écarts d'antan.

Tout cela est fort bien; voilà des sentiments très louables. Mais y a-t-il bien de quoi retenir l'intérêt du lecteur pendant 240 pages? Pour d'aussi médiocres aventures, le volume est peut-être bien gros; il me semble que telle ou telle pièce relative à quelque menu incident ou à quelque méditation peu significative aurait pu être supprimée; je crois qu'en pratiquant des éliminations analogues dans les trois parties du livre, on l'aurait heureusement allégé, et qu'ainsi réduit à 80 pages environ, il pourrait se lire sans fatigue.

Autre chose; à tout instant, le fil des idées est rompu, et l'on passe tout à coup des aventures du jeune homme à des choses d'un ordre tout autre (La Grève, par exemple, page 91). N'eût-il pas été préférable de présenter en bloc tout ce qui concerne cette vie mouvementée d'étudiant en rupture de traditions vertueuses, puis de rassembler les autres sujets sous le titre commun de « Poésies diverses? L'unité d'impression y eût, je présume, beaucoup gagné.

Ces défauts signalés, il y a, dans la première partie surtout, quelques bonnes pièces, écrites avec une réelle vigueur. M. Emile Gabory cultive de préférence le style sombre; son imagination se plaît aux inspirations tragiques; les incidents de la vie... plus que libre du quartier latin prennent à ses yeux des proportions énormes, et cela nous vaut des périodes poétiques éloquentes et remplies d'images fortes. J'indiquerai particulièrement Filles perdues, Malédictions, Amours stériles; de même, dans la deuxième partie, les Eglises; dans la troisième, le Célibat, Voix de femmes, le Devoir.

Cette dernière pièce est d'une ironie mordante et qui a de la portée; j'en voudrais davantage écrites sur ce ton-là.

En somme, quelques pièces d'une bonne venue, qui émergent d'un ensemble assez terne, voilà ce qui me paraît ressortir de ce livre de vers. L'auteur dit dans sa préface qu'il l'a écrit surtout pour luimême, qu'il y verra« un recueil de souvenirs, » qu'il y retrouvera « toute sa jeunesse.» Je comprends et suis tout disposé à donner à l'auteur ma sympathie d'homme; mais le critique est obligé de faire bien des réserves.

Gustave ALLAIS.

Lucien DECOMBE. Les anciennes faïenceries rennaises. Rennes, Caillière, 1900, 1 vol. in-8°, de 234 pages, 12 planches.

Cette consciencieuse étude, d'une érudition très précise et très sûre, s'adresse non seulement aux amateurs de céramique, aux collectionneurs, mais encore aux historiens. M. Decombe, en effet, ne s'est pas contenté de nous donner une description très complète de toutes les pièces céramiques, dont il a pu avoir connaissance, et dont la plupart se trouvent au Musée archéologique de Rennes. Il retrace aussi l'histoire des anciennes faïenceries rennaises. De nombreux indices lui permettent d'affirmer que déjà au XVIIe siècle. on a fabriqué à Rennes des faïences d'art, et un certain nombre de pièces du Musée tendraient à prouver qu'à cette époque l'influence de l'art italien a été prédominante. Mais c'est seulement dans la seconde moitié du XVIIIe siècle que furent installées des manufactures un peu considérables. La plus importante fut celle du « Pavé Saint-Laurent, » qui, créée, en 1748, par Jean Forasassi, dit Barbarino, changea souvent de propriétaire. En 1763, elle obtint le titre de manufacture privilégiée, mais elle ne fit jamais de brillantes affaires, et elle eût sans doute succombé, si les Etats de Bretagne, en 1769, ne lui avaient accordé un prêt gratuit de 12.000 livres. La fabrique de la rue Hue, créée par Tutrel, en 1749, fut encore moins prospère et ses propriétaires successifs furent, à plusieurs reprises, bien près de la faillite.

Les faïenceries rennaises furent surtout atteintes par le traité de

commerce avec l'Angleterre, de 1786: les faïences anglaises, qui se vendaient beaucoup moins cher, envahirent le marché français et firent la concurrence la plus redoutable même aux manufactures de Quimper et de Rouen. La fabrique de la rue Hue disparut pour toujours, en 1790, et celle du Pavé Saint-Laurent ne subsista qu'à la condition de renoncer à peu près à la faïence artistique. Au XIXe siècle, la céramique rennaise n'est plus représentée que par la manufacture Vaumort, fondée en 1820, et qui a subsisté pendant près de soixante ans.

M. D. décrit aussi avec précision l'œuvre de quelques céramistes, qui ont travaillé à Rennes, comme Hirel de Choisy, qui fut pendant quarante ans l'un des meilleurs artistes de la manufacture de Sèvres, comme Michel Derennes, comme Alexis Bourgouin, qui a importé à Rennes le style de l'école rouennaise. L'on voit encore que, si la céramique rennaise a produit des pièces vraiment artistiques, il est cependant difficile de lui attribuer un style bien original: la plupart des ouvriers sont venus d'Italie, de Normandie ou de Provence; il n'y a pas eu, à proprement parler, d'art rennais.

Henri SEE.

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Ad. ORAIN. Contes de l'Ille-et-Vilaine. Paris, Maisonneuve, 1901.

Notre collaborateur M. Ad. Orain vient de publier le nouveau volume de traditions populaires de la Haute Bretagne dont il avait bien voulu nous donner pour les Annales quelques bonnes feuilles (t. XIV, p. 155-172). En plus de leur intérêt propre, ces contes prêtent à des comparaisons précises avec les contes irlandais que M. Douglas Hyde a recueillis dans le Connaught et publiés dans les Annales de Bretagne. La fée du puits, p. 6, est à rapprocher du conte X111 de de M. Douglas Hyde, Annales, t. Xl, p. 612; les Métamorphoses (p. 32-38) du conte IV (Ann. t. X, p. 438); Jeanne l'hébétée (p. 153) du conte XXXV qui sera prochainement publié dans les Annales de Bretagne; Le meunier du Boël (p. 161) du même conte; La faux du diable du conte XXXI (Ann. t. XVI, p. 336). On y trouve aussi des traditions relatives à la bête de Brielles dont il a été question dans notre revue t. XI, p. 639. Il serait peut-être temps que tous les

folkloristes au lieu de se livrer à des comparaisons venues des quatre points cardinaux et de rapprocher des traditions appartenant à des peuples dont les relations ne sont pas historiquement constatées se contentassent de rassembler les traits de folklore communs à tous les peuples de la même famille. Au XVIIIe siècle les grammairiens comparaient toutes les langues qui offraient des mots analogues sans s'inquiéter si ces analogies superficielles n'étaient pas dues au hasard. Les folkloristes ne tombent-ils pas souvent dans la même erreur? Le folklore sera-t-il une science tant qu'il n'emploiera pas la méthode historique et se contentera de rapprocher des fails en apparence identiques mais dont une étude interne pourrait montrer la différence originelle? Il serait fort à désirer que l'on eût assez de documents pour écrire le folklore commun aux peuples celtiques. Des livres comme celui de M. Orain prépareront la voie à ces études.

G. D.

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Ernest LAVISSE. Histoire de France depuis les Origines jusqu'à la Révolution, tome Ier, 2e partie : Ces origines, la Gaule indépendante et la Gaule Romaine, par M. Bloch.

Si on en juge par ce volume (qui constitue en réalité la deuxième partie du tome ler, la première étant encore à paraître), la nouvelle Histoire de France entreprise par la maison Hachette sous la direction de M. Lavisse réalisera complètement son programme et les espérances qu'elle a fait naître. Il serait difficile de rêver un exposé plus solide, plus fidèlement emprunté aux sources et aux meilleurs travaux de première main, et en même temps plus clair et plus accessible à tous. C'est de la vulgarisation élevée dans le meilleur sens du mot, avec les qualités principales du genre l'information, la proportion entre les parties, l'absence d'esprit de système. Cet ouvrage est à sa place dans la bibliothèque de tout homme cultivé; il ne devrait manquer dans celle d'aucun établissement d'instruction. Comme il convient, M. Bloch ne dit que l'essentiel sur l'histoire pré-romaine de la Gaule, se bornant à mettre en lumière certaines idées fondamentales le mélange très grand de races et des populations sur notre sol, le peu de place réellement prise par l'élément purement celtique; la

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décadence spontanée du monde gaulois; l'appui que les Gaulois euxmêmes ont prêté à la conquête et sa facilité relative. La deuxième partie, qui forme le gros de l'ouvrage, est consacrée à la Gaule romaine et subdivisée en trois livres, d'abord : Le Gouvernement de la Gaule au 1er et au 11° siècles après J.-C.; puis l'Histoire et le gouvernement de la Gaule du 11e au IVe siècles après J.-C. Cette division est tout indiquée par les faits eux-mêmes; l'assimilation des provinces à l'Italie, l'empire Gaulois, les profondes réformes effectuées dans l'Administration par le Bas-Empire, établissant une différence marquée entre la Gaule des Césars, des Flaviens et des Antonins et celle du IV siècle. Le troisième livre traite de la Société galloromaine. M. Bloch y trace en utilisant toutes les données archéologiques, pour éclairer les textes historiques, un tableau d'ensemble des cités gauloises; deux chapitres sur la vie intellectuelle et morale et sur l'organisation sociale traitent, notamment, de la romanisation de la Gaule, et des origines du régime foncier du Moyen-Age.

J.

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