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porcs, les agneaux, toutes les dîmes de charnage (1). Toutes ces dimes soulèvent de nombreuses critiques. On a d'abord levé celle « des laines et agneaux » sous prétexte « d'aider à vêtir les pauvres,» mais «< cette dime odieuse depuis plusieurs années n'est point employée à son ancien usage (2). »

Les dimes perçues dans les jardins, surtout, irritent les paysans s(3). On veut avoir autour de sa maison «< un journal de terre exempt de dîmes(4), »

La perception de la dîme est une source de procès fréquents entre les paroissiens et les recteurs (5). On sait bien que souvent «< il ne faut pas s'en prendre au recteur qui n'a qu'une portion congrue()», mais on voudrait pourtant tarir la source de ces procès. On désire que les recteurs soient « suffisamment rémunérés pour n'être distraits de leurs fonctions par aucun intérêt temporel (7). » Il ne faudrait pas qu'il puisse s'élever jamais de conflit d'intérêts entre un recteur et ses paroissiens. A Châteaugiron on demande la suppression du casuel « pour que nul intérêt temporel ne divise le troupeau et le pasteur. »

Aussi quelques cahiers proposent que la dime soit «< attachée au clocher, » perçue par le général qui rétribuerait honorablement le recteur (8). D'autres voudraient voir la dîme remplacée par une redevance «< comme dans le royaume de Naples et ailleurs, »>«< afin de tarir entre les recteurs et leurs paroissiens la source de procès scandaleux (9). »

Il n'est pas inutile de remarquer, en terminant ce chapitre,

(1) Cah. de Drouger.

(2) Cah. de Saint-Potan.

(3) Cah. de Saint-Alban, Guipel, Javerné.

(4) Cah. de Coulon-de-Montfort, Tinténiac (15) et passim.

(5) Cah. de Châteauneuf, Moulins, Saint-Jacques-de-la-Lande.

(6) Cah. de Saint-Jacques-de-la-Lande. Les recteurs portionnaires étaient sans

doute chargés de percevoir la dîme pour les gros décimateurs.

(7) Cah. de Bourgbarré.

(8) Cah. d'Ossé.

(9) Cah. de Chevaigné, Melesse.

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que les membres du bas clergé qui, dans leurs cahiers (1) confondent souvent leurs vœux avec ceux des paysans en matière civile et politique (2), sont souvent aussi du même avis sur les réformes qu'il conviendrait d'introduire dans l'état ecclésiastique. Le bas clergé de Rennes demande notamment le rétablissement de l'ancienne discipline (3), la restitution des dîmes enlevées aux pasteurs et aux pauvres (4), il remarque même que « le droit sacré de propriété ne peut trouver ici d'application raisonnable. >> Il fait le sacrifice de ses privilèges pécuniaires(5), demandant par contre qu'on assure le sort des recteurs portionnaires (6), surtout dans des paroisses qui, «< comme Saint-Germain et Saint-Sauveur n'offrent à leurs recteurs aucun revenu fixe. » Le bas clergé enfin demande, avec les paysans, l'érection en paroisses des trèves qui comptent plus de 400 communiants (7).

(1) Cf. Cahier des demandes à faire aux États Généraux par les députés du clergé séculier et régulier du diocèse de Rennes. Ce cahier qui est signalé dans un article de la Revue historique (1884) et dans le Recueil de A. Brette, comme n'existant qu'au British Museum, se trouve à la Bibliothèque municipale de Rennes

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(2) Cf. surtout les art. 18, 23, 25, 29, 31, 32 et 34.

(3) Art. 5.

(4) Art. 8.

(5) Art. 7.

(6) Art. 9.

(7) Art. 10.

(A suivre).

LES TRADITIONS POPULAIRES

DU PAYS DE DOL

(Suite)

III

SOUVENIRS HISTORIQUES

La mort d'Anne Lepezant.

Autrefois, raconte-t-on, la justice était beaucoup plus sévère qu'aujourd'hui. Ainsi quelqu'un de notre pays ayant incendié une maison fut attaché, nu, à un poteau ses victimes purent passer devant lui durant toute une journée, l'insulter et lui cracher au visage. Puis le coupable fut pendu haut et court.

On cite mille autres traits du même genre.

La dernière exécution capitale qui ait eu lieu à Dol est celle d'Anne Pezant.

Son enfant tomba dans un four : par la faute très calculée de la mère, dirent ses accusateurs; de la manière la plus involontaire, répondit « son avoué. »

Toujours est-il que la malheureuse fut mise en prison.

Or, il était de coutume, que, si les religieuses pouvaient faire évader un condamné et lui ouvrir la porte de leur chapelle, la justice humaine perdait ses droits.

Les sœurs de Saint-Thomas de Villeneuve, qui étaient alors en notre ville épiscopale, s'intéressaient vivement à la jeune femme;

elles ne la croyaient point coupable; elles tentèrent de la

sauver.

Vain projet! Au moment où Anne tremblante sortait de sa cellule, le geôlier lui mit sa rude main sur le collet, en criant: << La Pezante, rentrez. »

L'exécution eut lieu sur le Champ-de-Mars, en face de la vieille église Notre-Dame de Dol.

Et d'abord fut lue la sentence qui portait : « Anne Pezante sera pendue, brûlée et sa cendre jetée aux vents, pour avoir tué son enfant. »

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Le feu commença son œuvre par la chevelure d'une beauté sans égale... cependant que les officiers de justice maintenaient la foule pour que celle-ci assistât au supplice entier.

L'impression fut assez grande pour que plusieurs personnes s'imaginassent voir une colombe s'élever de l'échafaud et prendre son vol vers le ciel.

Des ballades populaires consacrèrent ces détails je n'ai pu trouver aucun texte de cette sorte, mais un manuscrit qui m'est tombé sous la main contient une copie de la sentence de mort d'Anne Pezant (1).

Souvenirs sur la Révolution.

Les souvenirs les plus abondants de l'époque révolutionnaire portent sur le clergé.

Le dernier évêque de Dol, Mgr de Hercé, a laissé dans le peuple la réputation d'un prélat simple et charitable. L'on raconte encore à son sujet certaines historiettes, mais invraisemblables. Voici la meilleure: Deux hommes du quartier de l'abbaye étant entrés en dispute, l'un d'eux s'écria : « Ce que je dis est aussi vrai que je vois notre évêque au-dessus de cette chapelle et qu'il nous fait signe. » Or, le soir même, ils apprirent la mort du pontife dolois.

(1) Elle fut exécutée à Dol en 1773, pour avoir tué son enfant naturel.

L'abbé Morel n'a pas été oublié non plus. En 1794, il tomba par mégarde au milieu de soldats qui bivouaquaient dans les environs de Baguer-Pican. On le tua. Plus tard ses restes furent exhumés et portés au cimetière du village.

L'on croit dans le pays que le lieu où gisait la victime était inconnu, lorsque une jeune fille, qui faisait paître ses troupeaux dans le champ du massacre, fut troublée par des apparitions et des voix mystérieuses. C'est grâce à cette sorte de révélation surnaturelle que l'on découvrit la fosse du saint prêtre.

La cérémonie de la translation des restes de l'abbé Morel attira une multitude extraordinaire et l'on composa à cette occasion plusieurs complaintes.

Il est un nom qui vit encore, c'est celui de l'abbé Saint-Pez. Pendant un certain temps, il se cacha à Saint-Marcan, dans la maison de M. Le Sénéchal (1). Un jour, une jeune fille qui venait de se confesser à ce prêtre rencontra une bande de Bleus. D'où viens-tu, lui demandèrent-ils? Terrifiée, elle répondit : Je viens de me confesser. Qui t'a confessée? M. SaintPez. Montre-nous où il est caché. La malheureuse les conduit à la ferme. On nie la présence du prêtre, on plaisante avec les soldats; sous prétexte de les bien traiter, la maîtresse du logis court au cellier, donne un signal convenu : les prêtres s'échappent et toutes les perquisitions deviennent inutiles.

M. Saint-Pez fut arrêté en avril 1794. Aussitôt la légende auréola son front. L'on dit que lui-même écrivit sa complainte et la chanta en montant à l'échafaud. Tous pleuraient.

Le clergé insermenté a, parmi le peuple, un renom d'héroïsme et de bonhomie. Les prêtres se cachaient surtout à la campagne, les uns déguisés en pâtres, les autres en colporteurs. De madrés paysans dépistaient les Bleus, ce qui amenait souvent des histoires fort comiques.

Les offices religieux se célébraient tantôt dans une grange,

(1) Je tiens ces détails de sa petite-fille, Mlle Jeanne Le Sénéchal, ma grand'tante maternelle.

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