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HISTORIQUE ET CRITIQUE

DE PIERRE BAYLE.

NOUVELLE ÉDITION,

AUGMENTÉE DE NOTES EXTRAITES DE CHAUFEPIÉ, JOLY, LA MONNOIE,
L.-J. LECLERC, LEDUCHAT, PROSPER MARCHAND, ETC., ETC.

TOME DOUZIÈME.

D

PARIS,

DESOER, LIBRAIRE, RUE CHRISTINE.

1820.

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HISTORIQUE ET CRITIQUE

DE PIERRE BAYLE.

PH.

PHAON, de Mitylène dans l'île beau de tous les hommes (c). 11 de Lesbos, était un bel homme mit en feu les femmes de Mityqui se fit extraordinairement ai- lène. La jeunesse lui revint, et mer du sexe. La pauvre Sapho ce qui s'ensuit (d). Il en abusa, y fut prise comme bien d'autres, et il lui en coûta enfin la vie; et le trouva si peu traitable qu'elle car on le tua sur le fait, je veux s'en désespéra, comme nous le dire surpris en adultère (e). dirons dans son article. Les poë- Quelques-uns ont dit que la vertu tes, avec leur coutume de re- d'une certaine herbe fut cause courir au miracle à tout bout de de l'amour que Sapho conçut champ, ont feint que cette beauté pour lui (B). toute-puissante sur le cœur des dames lui avait été donnée par la déesse Vénus comme une récompense des services qu'elle en avait reçus lorsqu'il était maître de navire. Il la prit un jour dans son bâtiment sans s'infor

mer qui elle était, et la passa avec toute sorte de promptitude ou elle voulut (α) (Α). Il ne demanda rien pour sa peine (b); mais il ne laissa d'être bien payé. Vénus lui fit présent d'un vase d'albâtre rempli d'un onguent dont il ne se fut pas plutôt frotté, qu'il devint le plus

pas

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(c) Élien, Hist. div., liv. XII, chap. xvII.

(d) Palæphatus, de Fabul. Lucianus, Dialog. Mortuor., tom. I, pag. 234. (e) Élien, Hist. div., liv. XII, chap.

XVII.

"

(A) IL passa..... Vénus où elle qui nous apprend, non pas où elle se voulut.] Il y a un passage de Lucien fit porter, mais où elle s'embarqua. Μῶν καὶ σύ τινα, ὥσπερ ὁ Φάων, τὴν ̓Αφροδίτην ἐκ Χίου διεπόρθμευσας, εἶτά σοι εὐξαμένῳ ἔδωκε νέον εἶναι καὶ καλὸν ἐξ ὑπαρχῆς καὶ ἀξιέραςον. Num tu quoque, demande Simylus à Polystrate, ut et Phaon ille Venerem è Chio transvexisti, ut optanti tibi illa dederit que amabilem fieri (1)? On pourrait juvenescere, ac denuò formosum atdemanda pour récompense le retour recueillir de ces paroles, que Phaon (1) Lucian., Dialog. Mortuor., tom. I, p.234.

de sa jeunesse et de sa beauté, mais dans la Lycie, sur les confins de Palæphatus ne dit rien qui nous don

ne cette idée : il dit que Phaon avait Pamphilie (a). Ce fut l'une des été marinier toute sa vie, et qu'il villes qui s'enrichirent le plus n'avait jamais fait aucune malhon- des pirateries des Ciliciens : c'est nêteté à personne, ni rien fait payer pour cela qu'elle fut ruinée par pour le passage aux pauvres gens; qu'à cause de cela on l'admirait dans Publius Servilius (b), après les l'ile de Lesbos; que Vénus, s'étant victoires qu'il remporta sur ces déguisée en vieille femme,se mit dans corsaires. Elle était dans un pison bâtiment; qu'il lui fit faire le

trajet en diligence, et qu'il ne lui toyable état lorsque Pompée y demanda point de paiement; mais aborda après la bataille de Pharsaque, de vieux qu'il était, elle le ren- le (A). On assure qu'elle fut bâtie dit un beau jeune homme. Servius par Mopsus (c). On a fort parlé touche cette histoire (2), et ajoute de cette ville à l'occasion d'une cette particularité empruntée de deux poëtes comiques (3), que Phaon grâce miraculeuse que l'on préfit batir un temple à Vénus sur la tendait qu'Alexandre y avait remontagne de Leucade, d'où une des dieux (B). Je ferai sur ce femme dont il était fort aimé s'était sujet une remarque comme je jetée dans la mer. Au reste, Lucien a cru que Phaon était de l'île de m'y suis engagé (d). Chio (4), et s'est trompé apparem

ment.

:

(B) Quelques-uns ont dit que la vertu d'une certaine herbe fut cause de l'amour de Sapho pour lui.] C'est une chose étrange qu'on ne veuille pas que Sapho ait pu devenir passionnée d'un homme, par la seule force du tempérament. Vous voyez que Pline en donne pour cause un principe aussi fabuleux que l'onguent de Vénus il a bien raison de dire que la vertu de cette herbe tient du monstre (5). Portentosum est quod de eá traditur, radicem ejus alterutrius sexús similitudinem referre, raram inventu sed si viris contigerit mas, amabiles fieri. Ob hoc et Phaonem Lesbium dilectum à Sapho. Multæ circa hoc non magorum solum vanitates, sed etiam pythagoricorum (6). Il s'agit de l'éryngium blanc, appelé par les Latins centum capita. Dú Pinet traduit chardon à cent

tétes.

(2) Servius, in En. III, vs. 279. Corrigez dans l'édition de Leyde, 1680:

Venerem mutatam in navis formam, comme ceci, in anus formam.

(3) Menander et Turpilius.

(4) Lucianus, in Navigio, tom. II, pag. 696. (5) Plinius, lib. XXII, cap. VIII.

(6) Le père Hardouin nous renvoir sur cela à un livre faussement intitulé : Kiranidum Kirani, pag. 37.

PHASELIS, ville maritime

çue

(a) Strabo, lib. XIV, pag. 458. Voyez aussi Tite Live, lib. XXXVII, cap. XXIII.

(b) Nec mari submovisse contentus validissimas urbes eorum et diutiná præda abundantes, Phaselin et Olympon evertit, Isaurumque ipsam arcem Cilicia. Florus, lib. III, cap. VI.

(c) Pomponius Mela, lib. 1, cap. XIV, (d) Article MACÉDOINE, au texte lett. (d), tom. X, pag. 7.

(A) Elle était dans un pitoyable état lorsque Pompée y aborda après la bataille de Pharsale.] Si nous en croyons Lucain, il y avait plus de gens dans le vaisseau de Pompée, que

dans cette ville.

Te primium parva Phaseli Magnus adit. Nam te metui vetat încola rarus, Exhaustaque domus populis, majorque carinæ Quam tua turba fuit (1). Et néanmoins Strabon, qui vivait après Pompée, parle de Phaselis comme d'une ville considérable, et à trois ports. Il avait égard apparemment à ce qu'elle avait été (2), mais il aurait du ne pas s'exprimer au temps présent. Eira Caounis, opeas ἔχουσα λιμένας, πόλις αξιόλογος, λο deinde Phaselis, tres habens portus, urbs memorabilis (3).

(B) Une grace miraculeuse que l'on prétendait qu'Alexandre y avait re

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que des dieux.] Commençons par citer Josephe, qui, ayant décrit le passage de la Mer Rouge, se sert de cette remarque: Nul ne se doit esmerveiller de cecy comme de choses incroyables, si la mer a fait voye aux hommes premiers, qui pour lors n'estoient pas encores fort rusez à controuver quel que malice, et qui estoient en danger de leurs vies, soit que cela ait esté fait par le bon vouloir de Dieu, ou par le gré de la nature : veu qu'il n'y a pas fort long-temps que la mer de Pamphylie a fait ouverture aux Macedoniens sous la conduite d' Alexandre le Grand, qui n'avoient point d'autre chemin pour passer: puisque Dieu avoit deliberé de se servir d'Alexandre et de ses gens pour destruire le royaume de Perse: dequoy tous ceux qui ont redigé par escrit les faits de ce roy, rendent tesmoignage. Mais je laisse à un chacun sa liberté d'en penser ce que bon luy semblera (4). Il n'est pas vrai que tous les historiens d'Alexandre aient traité de miracle la manière dont il passa le détroit de Pamphilie auprès de PhaseJis. Nous allons citer un grand auteur qui fait clairement connaître qu'il n'arriva rien de miraculeux en cette rencontre La facilité avec laquelle Alexandre courut au long de la coste de Pamphile, a donné occasion et matiere a plusieurs historiens d'amplifier les choses à merveilles, jusques à dire que ce fut un exprés miracle de faveur divine, que ceste plage de mer se sousmit ainsi gracieusement à luy, veu qu'elle a autrement tousiours accoustumé de tourmenter et travailler fort asprement ceste coste-là, tellement que bien peu souvent elle cache et couvre des pointes de roc, qui sont toutes de rangs assez drues le long du rivage, au dessoubs des hauts rochers droicts et coupez de la montagne. Et semble que Menander mesme en une sienne comedie, tesmoigne ceste miraculeuse felicité, quand il dit en se jouant:

:

Cecy me sent son grand heur d'Alexandre,
Car si quelqu'un je cherche, il se vient rendre
Incontinent devant moy de luy-mesme :
Si par la mer, qui maint homme faict blesme,
Il ne convient aucun lieu traverser,
Je puis ainsi que sur terre y passer.

(4) Joseph., Antiq. Judaïc., liv. II, sur la fin. Je me sers de la trad. de Genebrard, parce qu'il faudra que je le cite bientôt pour une autre chose.

et

Toutesfois Alexandre mesme en ses epistres, sans autrement en faire si grand miracle, escrit simplement qu'il avait passé par mer le pas qu'on appelloit vulgairement l'Eschelle, et que pour le passer, il s'estoit embarqué en la ville de Phaselide (5). On doit savoir gré à Plutarque d'avoir fait mention des lettres de ce conquérant; car elles décident tout: elles convainquent d'imposture, ou de mensonge, tous ceux qui ont décrit ce passage comme quelque chose de surnaturel, et comme un miracle insigne. S'il y eût eu là quelque prodige et quelque faveur extraordinaire d'en haut, Alexandre n'eût pas manqué d'en faire mention dans les lettres qu'il écrivit touchant cette marche de son armée. Aucune raison de politique ne l'engageait à se taire sur un événement si admirable, plusieurs motifs importans le poussaient à en parler. Rien ne pouvait être pour lui d'une conséquence plus décisive, que de convaincre toute la terre que les dieux s'étaient déclarés visiblement en sa faveur, qu'ils lui soumettaient les élémens les plus indociles, et que la nature renonçait à ses coutumes, afin de hâter la ruine du roi des Perses. Il devait donc écrire lui-même sur ce grand miracle à sa mère, à Antipater, à tous les peuples de la Grèce, et partout où il souhaitait d'être connu. Il devait prendre bien garde que ses lettres fussent revêtues de tout ce qui les pouvait rendre authentiques, et cependant ce qu'il écrivit là-dessus fut le plus simple du monde. Qu'on ne dise pas qu'il ne voulait rien devoir qu'à sa valeur; cela n'est pas vrai nous avons fait voir dans son article (6), que la politique cut beaucoup de part à la furieuse ambition qu'il témoigna de passer pour dieu. Toute sa conduite déclare qu'il ne souhaitait rien avec tant d'ardeur que de voir les peuples persuadés de l'ascendant de sa fortune et du bonheur invariable de sa destinée. On

(5) Plutarque, en la Vie d'Alexandre, chap.

pag. m. 154, 155. Je me sers de la version d'Amyot. Vous trouverez ce passage dans les pages 673 et 674 de l'édition de Plutarque grecque et latine.

(6) Voyez l'article MACÉDOINE, tom. X, pag. 11, remarque (H); et celui d'OLYMPIAS, tom, XI, pag. 231, remarque (F).

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