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choisir entre le présent et le passé, l'innocent Janotisme de Dorvigny, si naturel, si naïf, si populaire, si bien fait d'après le modèle, qu'on le croirolt sténographie sous la dictée d'un badaud ingénu, malheureux en inversions: « Il en avoit de beaux, mon grand père, des couteaux (Dieu veuille avoir son âme !) pendus à sa ceinture dans une gaîne. » Combien je le préférerois à ces ergolismes menteurs avec lesquels tous les partis mystiflent les nations à tour de rôle, et dont on n'aura le bon sens de rire qu'après en avoir long-temps pleuré! Quant au Janotisme, il est presque inutile de dire que ce genre de ghiribizzi ne pouvoit s'introduire dans les langues transpositives, où la construction est toujours marquée par la désinence, et qu'il n'y en a par conséquent aucun exemple chez les anciens. Des langues de nonsens philosophique, je n'oserois pas en répondre; et Lycophron est là pour leur assurer l'initiative des langues de non-sens littéraire; Lycophron, le Burchiello solennel, le grave et pompeux Bruscambille de l'école alexandrine.

La langue arbitraire et protée des nomenclaturiers mérite peut-être une place d'honneur à côté de celles-ci, mais il faut bien se garder de lui en donner une dans les diclionnaires où elle noieroit avant peu la langue usuelle sous un déluge d'anomalies inutiles. Il sembleroit, à voir ses invasions polyglottes, que tous les idiômes de l'homme sont condamnés à mourir de mort, comme l'homme lui-même, pour avoir goûté du fruit de la science. La naturalisation de tout mot scientifique, qui n'est pas de relation, disons mieux, qui, sous l'autorité respectable d'une relation fidèle, n'a pas été consacré dans la langue choisie par la plume d'un grand écrivain, ou dans la langue vulgaire par l'adhésion intelligente de l'usage, est un progrès vers le chaos.

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Je voudrois bien m'arrêter ici, au hasard de me laissér réprocher une omission de plus, et je n'ai pas aspirė au complet en ramassant avec peu de soin ces éléments imparfaits d'un livre qui pourroit être utile et curieux; mais j'entends répéter de toutes parts à mon oreille: «Dans quelle catégorie des langues placez-vous le Culs » torisme du sublime poète Gongora, et le Séicentisme » du divin poète Marini? Ces innovations présomptueu> ses n'ont-elles pas quelque rapport avec celles d'une » école de notre temps qui compte aussi des maîtres il> lustres, mais où tout le monde n'a pas comme eux > l'excuse de l'inspiration et du talent? Ces archaïsmes > mal compris, ces néologismes mal faits, ces figures » fausses et outrées, ressource facile des esprits médio> cres qui dissimulent la honteuse misère du fond sous > l'étrange nouveauté de la forme, appartiennent-elles à

la langue naturelle du pays, ou ne sont-elles que l'ar»tifice passager d'une langue factice qui n'aura point » d'avenir? La destinée des littératures, en un mot, a» voit-elle réservé à notre époque une langue poétique inconnue de tous les âges, ou bien s'est-elle jouée seuTement à montrer aux yeux de la postérité, dans une » grande aberration, ce qu'étoit devenue en ce siècle » de perfectionnement et d'intelligence la France intel>ligente et perfectionnée ? »

Cette question importune et scabreuse m'embarrassera peu cependant, car je prierai Horace d'y répondre pour moi:

Scribendi rectè, sapere est et principium et fons. ·
De Art. poet.

La loi universelle et infaillible des langues, c'est LE

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DICTIONNAIRE DE L'ACADÉMIE,

ET

DES SATIRES

PUBLIÉES

A L'OCCASION DE LA PREMIÈRE ÉDITION

DE CE DICTIONNAIRE.

PAR M. CH. NODIER.

PARIS,

TECHENER, LIBRAIRE, PLACE DU LOUVRE, No 12.

Octobre 1835.

DE L'ACADÉMIE FRANÇOISE.

SIXIÈME EDITION.

PAR M. CH. NODIER.

Quiconque se rappellera mes nombreux, et trop nombreux articles sur les dictionnaires en général, et sur le Dictionnaire de l'Académie en particulier, pourra me croire fort embarrassé dans la discussion nouvelle où je m'engage aujourd'hui. Je n'ai pas passé jusqu'ici pour homme à lutter d'agilité avec ces légers acrobates de la presse qu'un soubresaut ingénieux fait toujours retomber sur leurs pieds, et comme je signe tout ce que j'écris depuis que j'ai le malheur d'écrire, il ne me reste pas méme la ressource, commode et vulgaire, de répudier mes opinions anonymes au profit de l'opinion qu'un intérêt nouveau m'impose. Or, pendant que je me permettois de censurer le Dictionnaire de l'Académie-Françoise avec une liberté quelquefois un peu caustique, l'Académie-Françoise a daigné m'élever jusqu'à elle, et me rendre par là solidaire, pour un quarantième, du travail qu'elle a si patiemment et si utilement mené à fin.

C'est avec cette position ambiguë du grammairien consciencieux et de l'académicien reconnoissant que" viennent se compliquer les obligations sévères du journa

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