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lois et le mépris de l'autorité; qu'il est donc temps que, pour résister à d'aussi redoutables attaques, la défense sociale ressaisisse l'arme dont elle a été si imprudemment dépossédée. »

A ces allégations, je réponds que si, depuis trois ans de mauvais livres, des brochures coupables ont été, comme on l'a dit, semés à profusion dans les villes et dans les campagnes, il y a des lois, tout un arsenal de lois très-sévères et très-élastiques, qui permettaient d'en arrêter la propagation et d'en punir les auteurs. Mais la statistique judiciaire démontre que, dans ces dernières années, les poursuites contre les livres et les brochures ont été comparativement peu nombreuses. Il est donc permis de croire que la plupart des écrits qu'on nous signale en termes si effrayants n'avaient rien de délictueux qui tombât sous le coup de la loi.

« Quoi qu'il en soit, M. le garde des sceaux, pour remédier au mal qu'il s'est plu à grossir, propose d'abord de rétablir l'obligation du brevet pour une première classe de libraires.

« Remède illusoire! car le privilége ne serait point un frein contre les écarts de la presse. Est-il possible que l'auteur du projet de loi ait eu un doute à cet égard? Son but avoué est d'atteindre surtout ce qu'il appelle les pamphlets politiques eh bien! y en eut-il jamais de plus nombreux et de plus célèbres que ceux qui furent répanpandus, en dépit de tout, et par la librairie brevetée elle-même, sous la Restauration, sous le gouvernement de Juillet et sous le dernier Empire? M. le ministre doit connaître les écrits de Paul-Louis Courier et de Cormenin, pour ne citer que ceux-là; dans tous les cas, il eût pu se renseigner auprès de l'un de nos éminents collègues, auteur d'une Lettre sur 'Histoire de France, qui fit quelque bruit vers 1861. L'inefficacité du brevet me semble donc surabondamment constatée. L'épreuve est faite. J'ajoute que le régime de la liberté est le seul rationnel, comme il est le seul fécond en matière de commerce et d'industrie. Et je ne m'appuie pas sur la théorie seulement; ici encore, l'expérience va me donner raison en effet, Messieurs, depuis la fin de la guerre, et malgré le malheur des temps, le commerce de la librairie, grâce au décret libéral de 1870, a pris un accroissement tout à fait exceptionnel. Je parle de la grande librairie, qui n'a rien à faire avec ces petits écrits politiques que vise uniquement M. le garde des sceaux; je parle de cette admirable librairie française, si vivante, si diverse, si universelle, qui est une de nos puissances et une de nos gloires, Ainsi, il résulte des déclarations et des dépôts faits, comme le veut la loi, au minis

tère de l'intérieur, que pendant les quinze dernières années de l'Empire, la librairie a publié en moyenne, par au, 13,000 ouvrages de toute nature, et qu'aujourd'hui elle est arrivée à en produire près de 18,000, chiffre de l'année qui vient de finir.

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«Eh bien! Messieurs, ce remarquable développement d'affaires, qui malheureusement a manqué à tant d'autres de nos industries, il se trouverait subitement enrayé si les dispositions de l'article 3 du projet de loi étaient admises par l'Assemblée. Cet article crée une seconde classe de libraires qui ne pourraient exercer, soit comme détaillants en magasins, soit comme simples étalagistes, qu'en vertu d'une autorisation toujours révocable. En outre, et c'est là le point capital du projet de loi, le nœud où aboutissent tous les fils dans lesquels on voudrait enlacer la librairie, en outre, dis-je, ces librairies détaillantes, qui sont aux grandes maisons de fabrication et de commission ce qu'une armée est à son état-major, seraient tenues, sous peine de prison et d'amende, de ne vendre que « les livres et écrits autorisés pour le colportage, les livres et écrits destinés à l'enseignement classique et les écrits périodiques dont la vente est autorisée sur la voie publique. »

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« C'est-à-dire, Messieurs, que l'administration aurait ce pouvoir exorbitant d'exclure de la plus grande partie du marché français tous les livres et les écrits non estampillés, tous, entendez-vous bien! c'est-à-dire que, par l'effet d'un simple véto ministériel, la librairie productive se verrait tout à coup privée de ces milliers d'intermédiaires qui, en mettant ses publications à la portée des acheteurs, aident d'une manière si naturelle et si fructueuse pour tous à leur écoulement par éditions multipliées! Et, en même temps que décroîtrait dans une proportion considérable non-seulement la vente des livres, mais encore celle des journaux, décroîtrait parallèlement le produit de l'impôt sur le papier, si nécessaire pourtant à l'alignement de notre budget.

Dans le 13 bureau, le commissaire élu, M. G. Humbert, s'est exprimé ainsi :

« Le projet du gouvernement n'a pas seulement pour objet d'abroger, pour l'avenir, le système de la librairie, établi par le décret du gouvernement de la défense nationale, en date du 10 septembre 1870; il constitue en outre tout un régime restrictif de la vente des livres et des brochures méme non périodiques, alors qu'ils n'ont pas été poursuivis et qu'ils ne seraient pas susceptibles de l'être.

« L'exposé des motifs se borne à indiquer deux raisons, dont l'une est erronée en fait et l'autre inadmissible pour les libéraux. D'abord,

l'honorable ministre de la justice invoque l'autorité de la commission de révision des décrets de la défense nationale, dont ce rapport aurait signalé l'urgence de suspendre l'exécution du décret du 10 septembre, moins par intérêt pour la situation faite aux anciens libraires brevetés que par des motifs d'ordre public et de sécurité sociale.

« Il suffit de se reporter au rapport de M. Taillefert (tome VIII des Annales parlementaires, annexe, p. 335 et suivantes) pour reconnaître que cette double assertion est inexacte. Le rapport n'a signalé l'urgence d'une suspension du décret qu'à l'égard des imprimeurs seulement, et par des motifs tirés du respect de leur monopole, du danger de la dépréciation croissante et de la nécessité de trancher la question d'indemnité.

« On a réservé la question du fond pour plus tard, sans prendre parti sur le principe et le régime définitif! Quant aux libraires, les motifs pécuniaires ne présentent que des difficultés de moindre intérêt, et la situation des libraires ne paraît devoir être assimilée à celle des imprimeurs qu'en ce qui a trait à la surveillance de l'autorité et aux mesures de police. Donc on ne réclamait pas même à leur égard la suspension d'urgence du régime de la liberté de la librairie.

« Si l'on examine maintenant en lui-même, et indépendamment des motifs allégués, le système du projet de loi, on reconnaît aisément qu'il n'est point conforme aux vrais principes du droit public et du droit privé.

«L'article 1er porte : « Le décret du 10 septembre 1870 est abrogé. » Cependant le deuxième alinéa semble restreindre cette abrogation en ne l'appliquant qu'au commerce de la librairie. Si le projet veut abolir la liberté de l'imprimerie, il faut le dire plus clairement et trancher aussi la question de l'indemnité à l'égard des anciens imprimeurs brevetés; si on ne le veut pas, on doit rédiger d'une manière moins large le premier alinéa, éminemment équivoque et captieux.

« Quoi qu'il en soit, le projet ne permet l'exercice de la librairie qu'aux libraires brévetés ou autorisés. Pour les premiers, l'article 2 remet en vigueur les lois et règlements antérieurs à 1870, c'est-à-dire le régime de l'Empire et de la Restauration, celui du décret du 5 février 1810 et de la loi du 21 octobre 1814.

« Cet article fait revivre une exception grave au principe de liberté du commerce et de l'industrie inauguré par la première Constituante; on revient au système préventif au lieu de se borner à la garantie de la déclara

contre les livres contraires aux lois. Le régime du monopole des libraires est d'ailleurs, au point de vue industriel, contraire au bon marché des livres, à la diffusion des idées, au progrès de l'instruction, en un mot, aux nécessités morales du relèvement de la France. Il a été condamné, sous ce rapport, par le Cercle de la librairie

«En outre, par une innovation déplorable, on assimile à de simples étalagistes tous les libraires autorisés, alors même qu'ils auront dans une boutique un magasin peut-être considérable. Au moyen de cette étrange fiction, le projet limite leur commerce aur livres classiques et aux livres portant l'estampille du colportage. Le gouvernement se réserve ainsi le droit d'interdire la vente des livres désagréables que le libraire breveté voisin a parfaitement le droit, s'il en a l'au dace, de débiter.

« N'est-ce pas la censure imposée à la grande majorité des livres des libraires?

Enfin, l'article 7, sous prétexte de ménager transitoirement les droits des nombreux libraires établis depuis 1870, leur donne un mois seulement pour solliciter un brevet ou une autorisation. Ils peuvent être exclus sans recours possible par simple raison politique, et leur magasin sera fermé en cas de refus.

«< Ainsi, un établissement qui était entré depuis trois ans, sous l'égide de la loi, dans le patrimoine de ce libraire, se trouvera détruit sans indemnité. Je proteste énergiquement contre une violation au premier chef des principes de non-rétroactivité et de propriété consacrés par notre Code civil et toutes nos constitutions. »

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CHRONIQUE

DU JOURNAL GÉNÉRAL

DE L'IMPRIMERIE ET DE LA LIBRAIRIE.

Paris, au Cercle de la Librairie, de l'Imprimerie et de la Papeterie, rue Bonaparte, 1.

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SOMMAIRE: Reconstitution de la Bibliothèque de Strasbourg: Extrait du Rapport de M. A. Chaix. Faits divers Projets de loi sur la librairie. Comité judiciaire du Cercle, Nécrologie: Eugène MarrePhilipon. Ventes publiques.- Bibliographie étrangère; Amérique.

Reconstitution de la Bibliothèque municipale de Strasbourg.

Extrait du Rapport de M. A. CHAIX, vice-président du Conseil d'administration, sur les démarches et envois du Comité de Paris.

Dans le courant des années 1872 et 1873, le Cercle a prêté un concours dévoué à la reconstitution de la Bibliothèque municipale de Strasbourg.

Dès le mois de janvier 1872, la Bibliographie de la France reproduisait une lettre conienant des renseignements d'un douloureux intérêt sur les bibliothèques publiques de cette ville, incendiées, dans la nuit du 24 août 1870, par les obus allemands1. Cette lettre était de nature à faire naître bien des sympathies en faveur de l'œuvre nouvelle que la ville de Strasbourg, dans une pensée éclairée et avec un courage remarquable, commençait alors à édifier sur les ruines de ses célè bres et regrettées collections. Le Cercle de la librairie et de l'imprimerie, appréciant le mérite qui s'attachait à cette reconstitution et l'influence intellectuelle qu'elle était appelée à exercer, dans un centre qui nous est cher à tant de titres, s'y intéressa tout particulièrement et voulut en seconder la réalisation dans la mesure de ses moyens.

Un comité s'étant formé à Paris, dans les premiers mois de 1872, en vue de cette reconstitution, le Cercle lui donna son concours. Voici les noms des membres de ce Comité, qui

1. Veir Bibliographie de la France, nos 1 et 2, 1872.

se réunit plusieurs fois dans les salons du Cercle (mois de juin et de juillet): MM. Patin, secrétaire perpétuel de l'Académie française, président; Guigniaut, secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres; Dumas, secrétaire perpétuel de l'Académie des Sciences; Benlé, secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts; Mignet, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences morales et politiques; Legouvé, membre de l'Académie française; Littré, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres; Wurtz, membre de l'Académie des Sciences; Himly, professeur à la Faculté des Lettres de Paris; G. Masson, F. Didot, G. Hachette, A. Chaix, libraires-éditeurs.

Des appels furent adressés aussitôt, par l'organe de la Bibliographie, à tous les libraires. de France, les priant, en outre, de provoquer des dons particuliers dans l'étendue de leurs relations.

C'est surtout vers la fin de 1872, après les vacances, que le Comité put faire des démarches efficaces. Deux circulaires, signées par tous les membres, furent adressées aux journaux de Paris et aux personnes en situation de s'intéresser plus particulièrement à la nouvelle bibliothèque. D'un autre côté, des avis continuaient à être insérés dans la Bibliographie de la France.

Le 3 janvier 1873, le Comité demanda à la compagnie des chemins de fer de l'Est la gratuité, ou tout au moins la remise de moitié des frais de transport jusqu'à Avricourt, des volumes reçus; mais cette faveur ne put pas être accordée.

Le premier envoi eut lieu le 25 janvier 1873, et, à partir de ce moment, de fréquentes

expéditions furent faites elles sont toutes arrivées en très-bon état à Strasbourg et à leur vraie destination, ainsi que le témoignent les lettres de M. le Bibliothécaire.

Le 5 mars, le Comité adressa à MM. les conservateurs et administrateurs des grandes bibliothèques de Paris une demande tendant à obtenir, pour l'œuvre de la ville de Strasbourg, un exemplaire de quelques-uns des ouvrages se trouvant en double dans les collections de ces bibliothèques. En même temps, des démarches furent faites au ministère de l'Instruction publique pour solliciter du gouvernement des ouvrages parmi ceux dont il lui était possible de disposer. Ces demandes et démarches n'ont pas été couronnées de succès.

Cependant les dons particuliers arrivaient en assez grand nombre, et permettaient de continuer les envois à Strasbourg. Voici les dates de ces envois: 25 janvier, 8 mars, 10 avril, commencement de mai, 21 juillet. Chacune de ces expéditions comprenait, en moyenne, 350 volumes, soit, pour l'ensemble, 1800 volumes environ, indépendamment des envois faits directement par un certain nombre d'éditeurs.

Certes, la générosité privée aurait pu, à cette occasion, se manifester plus largement; mais, si les efforts du Comité et du Cercle n'ont pas obtenu tout le succès que méritait leur but, on ne doit pas en attribuer la raison à un refroidissement de l'intérêt qu'inspirait l'œuvre de reconstitution de la bibliothèque de Strasbourg, mais à certains scrupules qu'on nous a exprimés souvent et dont la Société des Gens de lettres, à laquelle nous nous étions plus spécialement adressés en dernier lieu, pour obtenir un concours, nous a fait part dans sa lettre du 18 avril 1873.

Nous devons, néanmoins, nous féliciter des résultats obtenus, qui ont été assez importants pour nous permettre de donner à nos compatriotes annexés une preuve de notre attachement, et de concourir à entretenir parmi les enfants de la vaillante cité de Strasbourg le goût des études françaises.

FAITS DIVERS.

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Quelques journaux ont annoncé que la commission des nouveaux impôts était zaisie d'un projet d'impôt sur les annonces et la publicité.

Il résulte de renseignements pris par le Conseil d'administration du Cercle que cette question, si grave pour nos industries, est momentanément ajournée.

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La librairie, la littérature, les arts viennent de faire une perte sensible.

Tous ceux qui, comme nous, connaissaient Eugène Marre depuis trente ans, tous ceu qui, depuis vingt ans, ont été à même de l'apprécier comme administrateur, puis éditeur et directeur de journaux illustrés, comprendront le deuil que laisse parmi ses confrères, parmi les littérateurs et les artistes ce homme excellent, cette nature d'élite.

Louis-Eugène Benjamin MARRE est né Paris le 18 juillet 1832, du mariage de M. Berjamin Marre et de Mme Marie-Coralie Bethmont, sœur de M. Bethmont, ancien bâtonnier de l'ordre des avocats, ministre en 1848, et vice-président du Conseil d'État jusqu'a 2 Décembre. Sa mère épousa en secondes noces M. Charles-Claude-Guillaume Philipon, chef de la maison Aubert.

Nos lecteurs n'ont pas perdu le souvenir de Charles PHILIPON, qui donna un véritable essor à la presse illustrée en France. Elève du baron Gros, dessinateur caricaturiste plei d'originalité, journaliste entreprenant, il donna l'éveil à un grand nombre d'hommes. de talent. En 1831, il avait créé la Caricature. revue hebdomadaire dont H. de Balzac était le rédacteur en chef, pendant la première année du moins. En même temps il avail groupé autour de lui Grandville, Gavarni, Daumier. En 1832, il avait fondé le Charivari, le premier et le seul journal à images quoti dien paraissant alors en Europe. Il fit succes sivement paraître la Revue des peintres, 13 Galerie de la presse, la Revue pittoresque, le

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Robert Macaire, les Enfants terribles, et une multitude d'Albums.

En mars 1843, il créa le Musée des modes parisiennes, qui plus tard devint les Modes parisiennes1.

Du passage Véro-Dodat, Charles Philipon transféra la maison Aubert place de la Bourse vers 1844. Le 5 février 1848, il fondait le Journal pour rire, qui plus tard s'appela le Journal amusant. En 1851. il prit la maison sous son nom, et la maintint place de la Bourse jusqu'au 1er janvier 1853. A la même époque, Arnauld de Vresse, qui avait été attaché à la librairie Aubert comme voyageur, se rendait acquéreur du fonds d'illustrations, des Albums, tandis que Charles Philipon, se vouant plus exclusivement à la direction et à la publication de journaux illustrés, établissait ses bureaux rue Bergère, no 20.

Dès que la loi le lui permit, Charles Philipon avait adopté son beau-fils, Eugène Marre, qu'il avait élevé avec la plus grande tendresse depuis l'âge de six ans. Eugène Marre ajouta à son nom, conformément à la gloi, le nom de son père adoptif, et s'appela depuis MARRE-PHILIPON. Il fit ses études au collége Rollin, où commença notre amitié. Peu d'années après sa sortie du collége, en 1853, il fut associé de fait aux affaires de Charles Philipon.

Le désir de populariser l'alliance de la littérature et du dessin fit éclore en février 1856 le Petit journal pour rire; en 1856, la Toilette de Paris.

Depuis l'époque où furent créées les Modes parisiennes, c'est-à-dire depuis trente ans, d'une part, le développement du bien-être. et par suite le goût du luxe en France, d'autre part, la multiplicité des relations internationales, la vogue des modes et toilettes de Paris à l'étranger, ont fait naître et réussir beaucoup d'autres journaux de modes; le succès des journaux fondés par Charles Philipon s'est maintenu malgré les nombreuses et redoutables concurrences qui ont surgi. Je dirai de même que les trop fréquents bouleversements survenus en France depuis 1848, et les ridicules du jour, ont fourni matière à bien des satires, à bien des caricatures; le Journal amusant et le Petit journal pour rire ont survécu à toutes les révolutions politiques, à tous les chocs de cette arène tumultueuse qu'on appelle la presse.

Si dès 1858 la maladie força Charles Philipon à ne plus s'occuper activement de ces publications aimées, Eugène Philipon, alors

1. Notons en passant que le même jour paraissait le premier numéro de l'Illustration, fondée par Dubochet et Paulin.

âgé de vingt-six ans, continua les traditions paternelles et réussit à soutenir la réputation d'un nom qui s'était fait une popularité artistique. Directeur de fait depuis 1838, il ne devint propriétaire et maître de la maison qu'à la mort de M. Charles Philipon (26 janvier 1862). Pendant quinze ans chaque numéro de ses journaux comiques fut l'objet d'un munitieux examen. Chaque dessin était soumis à un contrôle qui excluait tout ce qui pouvait ou froisser une personnalité, ou dépasser la mesure du rire de bonne compagnie.

La rectitude du jugement et la générosité du cœur s'alliaient chez Eugène Philipon. Comme Charles Philipon, il sut encourager les artistes, et je ne puis mieux terminer cette notice qu'en rappelant le nom des artistes qui débutèrent sous leurs auspices dans la presse illustrée.

Daumier, Henri Monnier, de Beaumont, Cham, Nadar, Bertall, Doré, Grévin, Randon, Stop, Lafosse ont donné le concours de leur crayon; Philibert Audebrand, Castellan, Véron, Leroy, Adrien Huart ont signé de leur plume vaillante et légère le succès de ces jour

naux.

Malheureusement, un numéro chasse l'autre, et les gravures d'aujourd'hui font oublier celles d'hier. Eugène Philipon comprit que les dessins consacrés par Gustave Doré à la Ménagerie parisienne, par Grévin aux Filles d'Eve, que les Croquis militaires de G. Randon trouveraient sous forme d'albums un nouveau succès non moindre et plus durable que celui qui les avait accueillis à leur première apparition dans le Journal amusant. C'est ainsi qu'est venue se grouper chez E. Philipon une collection d'albums comiques dus au crayon des artistes les plus aimés.

Justement entouré de considération, Eugène Philipon laisse un nom qui ne doit pas disparaître du monde de la librairie. Mme Philipon, dont le père, M. Rouget de Lisle, était petitneveu de l'auteur de la Marseillaise, a conservé le souvenir de ce glorieux exemple, élève ses deux fils dans l'amour de notre profession et poursuit courageusement l'œuvre qui lui a été léguée. Elle est secondée dans cette tâche par M. Bourgain, qui est depuis près de dix ans attaché à la maison et ne lui ménagera pas le dévouement. E. Bo.

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