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sacrifice commencer, le diacre adressait à ceux qui étaient soumis à la pénitence publique, ces paroles si touchantes et si terribles: Sancta, sanctis; retirez-vous, les choses saintes sont pour les saints.

Plus indulgente aujourd'hui, sans être plus heureuse, l'Église permet, ordonne même aux pécheurs qu'elle n'a pas retranchés de son sein par l'anathème, de participer dans les saints jours au sacrifice 'redoutable. Cette mère tendre et complaisante veut bien leur accorder cette grâce, dans l'espérance que la vue des sacrés mystères réveillera leur foi assoupie; qu'ils auront horreur d'offenser un Dieu plein de bonté, dont ils verront le sang couler à leurs yeux pour leur salut, et que la douceur de l'agneau immolé amollira la dureté de leur cœur.

Mais en ordonnant des actions

saintes, l'Église, mes frères, veut qu'on les fasse saintement. Ses lois ne se bornent pas à une simple cérémonie, ni à une stérile écorce de justice. Elle ne se contente pas d'un vide extérieur de religion; elle veut que l'esprit amène et vivifie les œuvres qu'elle commande; elle veut qu'au saint sacrifice les pécheurs commencent du moins à concevoir quelque horreur de leurs désordres, et qu'ils y apportent l'innocence, du moins dans la préparation du cœur.

Je dis, mes frères, dans la préparation du cœur; car il ne

faut pas confondre l'état de péché avec l'affection au péché, et la volonté positive d'y persévérer. Il faut bien distinguer entre une âme qui languit encore dans ses liens, et une âme qui se complaît dans ses liens. Le pécheur qui n'est pas encore sorti de son péché, mais qui en gémit, qui fait quelque effort pour s'en retirer, qui en implore le pardon, et qui, touché du sentiment de son malheur, dit à Dieu, comme l'humble publicain : Seigneur, ayez pitié de moi, pécheur, Domine, propitius esto mihi peccatori; le pécheur, dans ces dispositions, porte un cœur préparé à la justice, et peut prendre part au sacrifice des justes, sans devenir coupable d'un nouveau péché. Il y trouve même des forces pour se soutenir; et loin d'offenser Dieu, il commence dès lors à l'honorer.

Mais un pécheur qui se complaît dans son péché, qui ne pense pas même à s'en détacher, qui conserve dans son cœur une volonté positive d'y persévérer, et qui ne vient à la sainte messe que par usage, par cérémonie, parce qu'on le veut ainsi, prêt au sortir du temple à renouer le fil de ses intrigues, et à répandre le cours de ses passions; en un mot, un pécheur qui pendant le saint sacrifice, n'applique à Dieu ni son esprit ni son cœur, je ne crains pas de le dire d'après le grand modèle des prédicateurs, le Chrysostôme du dernier siècle, dont les dis

cours font encore l'admiration de l'Église autant par leur exactitude que par leur beauté; un pécheur dans ces affreuses dispositions outrage Dieu, abuse de l'indulgence de l'Église, trompe son espérance, profane ce que la religion a de plus auguste, change en odeur de mort ce qui est en odeur de vie, combat la vertu du sacrifice de Jésus-Christ, le déshonore dans le culte même qu'il paraît lui rendre; enfin, si cette hostie mourante sur le saint autel ne fait pas naître dans le pécheur une componction vive et religieuse, il se rend digne des plus rigoureuses vengeances, et mérite qu'on le traite d'anathème.

Quel désordre, en effet, continue cet excellent dispensateur de la divine parole, lorsque des hommes portant sur le front le caractère de la foi, viennent au sacrifice non seulement sans humilité, mais avec tout l'orgueil du libertinage? N'est-ce pas dire à Jésus-Christ dans son cœur : Victime sainte, je viens vous offrir pour l'expiation de mes péchés, mais je n'en suis pas moins déterminé à les commettre; je veux bien vous rendre un hommage de cérémonie, mais l'hommage du cœur, je le réserve à des idoles que je vous préfère; je vous adore, ô Dieu saint mais je n'en suis pas moins prêt à vous offenser et à vous trahir?

Oh! mes frères, pouvez-vous soutenir l'horreur d'un langage aussi impie? Cependant voilà ce

que dit en effet à Jésus-Christ, jusqu'au pied de ses autels, un homme dont le cœur demeure toujours attaché au vice. Et voilà ce qui fait dire au sage, que les sacrifices des pécheurs sont en abomination devant Dieu.

Prophète, dit le Seigneur, as-tu vu les enfans d'Israël m'offrir des dons et des victimes? Ah! leurs offrandes me font horreur; je les ai souillés ( qu'elle est forte cette expression de l'Écriture! ) je les ai souillés dans leurs propres dons, parce qu'ils commettent l'iniquité : Pollui eos in muneribus suis, propter delicta sua. Grand Dieu! quel est donc l'état de ces voluptueux, qui croupissent des années entières dans des habitudes infâmes, sans avoir jamais à la sainte messe la moindre pensée de se convertir? Quelle chaîne de profanation! Que d'outrages faits à Jésus-Christ durant le cours d'une passion déréglée ! La confession humble et sincère de son péché doit entrer dans le culte que l'on rend à Dieu au saint sacrifice cependant où sont les pécheurs qui réfléchissent sur tant de profanations pour s'en humilier sincèrement devant le Seigneur?

Et que l'on ne dise pas qu'il serait donc plus avantageux aux pécheurs de ne pas assister à la sainte messe. N'y pas assister quand l'Église l'ordonne, c'est désobéissance; y assister avec affection au péché, et dans la volonté d'y persévérer, c'est profanation. Quel est donc le

milieu qu'il faut prendre? Celui que le concile de Trente nous prescrit; apporter tous ses soins pour entendre la sainte messe avec une entière pureté de cœur; lorsqu'on voit le sacré ministre humilié au pied de l'autel sous le poids de ses propres faiblesses, s'humilier avec lui devant le Seigneur, lui confesser ses fautes avec un désir sérieux de les éviter; implorer sa miséricorde, et renoncer dès ce moment à tout engagement criminel; c'est déjà commencer à devenir juste, que de se rendre justice en se condamnant soi-même. Première disposition que la religion demande pour participer au saint sacrifice, la pureté de

cœur.

Une seconde disposition, c'est le zèle de la gloire de Dieu; vous le comprenez, mes frères; nous offrons à Dieu le saint sacrifice pour l'adorer dans ses grandeurs, le bénir dans ses dons, satisfaire à sa justice, implorer ses grâces, et rendre à sa majesté le souverain hommage. Or, dans une action qui est toute pour Dieu, que doit-on envisager que sa gloire ?

Il faut donc, mes frères, après que nous avons purifié nos cœurs, monter avec Moïse la montagne sainte, entrer avec lui dans cette nnée lumineuse qui l'environne, et perdre de vue la terre et ses vanités. Il faut que l'Esprit - Saint nous élève au-dessus de nous-mêmes, comme le prophète : Elevavit me Spiritus, et qu'il nous trans

porte jusque dans l'intérieur de ce redoutable sanctuaire où la gloire du Très-Haut répand son éclat : Et introduxit me in atrium interius, et ecce domus repleta erat gloriá Domini. Là vous voyez l'Éternel assis sur un trône de flammes ardentes, ayant à ses pieds des millions d'anges, et mille millions qui assistent devant sa face, prêts à recevoir ses ordres et à les exécuter. Vous le voyez, ce grand Dieu; et frappés de l'éclat de sa gloire, vous tombez aux pieds de son trône, vous y restez quelque temps pénétrés de respect, tremblans, éblouis; vous l'adorez dans le silence, vous sentez toutes les puissances de votre âme saisies d'une sainte horreur : Contremui amore et horrore. Sortant enfin de ce doux saisissement pour mêler votre voix à celle des anges, vous vous écriez transportés d'admiration, de reconnaissance et de joie : O qu'il est saint, qu'il est saint, le Seigneur, le Dieu des armées! Qu'il est juste et salutaire de le bénir dans tous les temps et dans tous les lieux! à lui seul la majesté, la puissance, et la gloire, et la victoire, et la louange ; que son saint nom soit glorifié au plus haut des cieux : Hosanna in excelsis. Au moment surtout que Jésus-Christ va paraître sur le saint autel, ah! quel respect, mais quelle joie de le voir, de l'adorer, ce puissant Médiateur! Quel empressement à le présenter à son Père, afin d'apaiser son juste cour

roux! Quelles actions de grâces, quel épanchement de cœur, quelle effusion d'amour, quelle consolation de le posséder, de s'unir à lui!

Voilà, mes frères, ce grand objet qui doit occuper au saint sacrifice notre attention et notre ardeur; et certes, quel autre objet pourrait nous occuper, lorsqu'un Dieu se rend présent à nos yeux? Quoi! le Seigneur m'élève jusqu'à son trône, et je laisserai mon esprit ramper honteusement sur la terre! Je viens lui rendre mon hommage, et lorsqu'il se présente pour le recevoir avec bonté, je m'arrêterai à d'insipides amusemens? Quoi! dans le temps du sacrifice redoutable, je m'occuperai de peintures, d'édifices, d'affaires, de nouvelles, et peutêtre de mille choses plus indécentes; car, hélas! que ne se permet-on point jusque sous les yeux du Tout-Puissant! Postures immodestes, manières aisées, airs de familiarité si opposés au respect qui lui est dû, les ris, les galanteries, les entretiens libres, les regards curieux et dissipés. Un mauvais penchant les adressera plus tôt à des objets qui troublent l'esprit, qu'à ceux qui pourraient édifier. Prophète, tu n'en dis point assez, voilà ce qui se passe dans ma maison; l'on donne des rendez vous sacriléges, on en fait un lieu d'intrigues, les filles de Sion y viennent chercher et attendre leurs impudiques adorateurs. A n'envisager que leur air de mo

destie, vous les croiriez tout occupées à me prier, et leur esprit ne roule que d'odieux fantômes; elles ne pensent qu'aux objets de leur passion qu'elles invitent de s'y rendre, afin de se repaître du plaisir de les voir et d'en être vues; d'infâmes créatures qui font publiquement profession d'un état qui les déshonore dans le monde même, ne viennent du théâtre dans le temple au temps du sacrifice, que pour y étaler leur effronterie et leur impudence; l'abomination est dans le lieu saint. O mon Dieu! n'est-ce point assez des outrages que le monde fait à votre sainteté dans ces assemblées profanes? faut-il qu'il vienne encore insulter à votre majesté jusque dans son temple? Je sais, mes frères, que plusieurs de vous ont horreur de ces profanations scandaleuses; mais que votre zèle ne vous porte-t-il donc à les bannir, s'il est possible, ou du moins à les réparer par votre attention, votre modestie, votre piété, votre ferveur. Seconde disposition que l'esprit de religion demande au saint sacrifice, le zèle de la gloire de Dieu.

Enfin, la troisième disposition essentielle, c'est un désir sincère de vous immoler avec Jésus-Christ. On vous l'a dit souvent, mes frères, que vous devez offrir le saint sacrifice comme prêtres et comme victimes. Comme prêtres, en offrant Jésus-Christ à son Père; comme victimes, en vous offrant avec

lui, et ne faisant avec lui qu'une même victime. Ah! lorsque vous le voyez s'immoler pour vous, pourriez-vous ne vous pas immoler avec lui? Son sang, son amour, son exemple, ne suffiraient-ils pas pour vous y porter? Le sentiment de vos fautes n'est-il pas un pressant motif de vous unir à la victime des tinée à les expier?

Entrez donc, mes frères, dans cet esprit de sacrifice; mettezvous pendant la sainte messe comme dans un état de mort; représentez-vous comme Isaac lié sur un bûcher, prêt à expirer sous le glaive déjà levé sur votre tête; prévenez en esprit le moment où vous serez immolés en effet, et dites à Dieu dans votre cœur : 0 Dieu! souverain maître de toutes choses, mes biens, ma vie, mes enfans, ma famille, tout est à vous; c'est un dépôt que vous m'avez confié, il est juste de vous le remettre; agréez le sacrifice que je vous en fais dès ce moment. Oui, Seigneur, je vous le fais sans réserve, le sacrifice de tout moi-même, et de tout ce qui peut m'appartenir en ce monde; je l'unis à celui de mon Sauveur. Ah! puisse tout mon sang couler dans la coupe sacrée de cette victime si pure, afin qu'étant confondu avec ce sang adorable, il puisse concourir à votre gloire.

Voilà, mes frères, l'état où vous devez entrer pendant la sainte messe : étant de mort et de sacrifice. Or, souffririez-vous

à la mort que l'on vous tînt un langage de flatterie? Aimeriezvous dans les douleurs de votre agonie à vous revêtir de parures et de vanités ? Demanderiezvous que l'art avec les couleurs vint réparer les disgrâces d'un visage pâle et défiguré? Oh! que tous ces faux brillans vous paraîtraient alors, non-seulement déplacés, mais criminels! Soyez donc, mes frères, soyez au saint sacrifice ce que vous voudriez être à la mort, tout occupés de Dieu, de ses justices, de ses miséricordes, des mérites de Jésus-Christ, et des grâces qu'il accorde aux plus grands pécheurs qui reviennent à lui dans un cœur sincère. Sacrifiez aux pieds de ses autels toute vanité, toute parure, vos penchans, vos ressentimens, vos attachemens peu réglés.

Et si Dieu permet que vous surviviez comme Isaac à ce sacrifice que vous lui faites de vous-mêmes, que ce soit pour vous immoler chaque jour par la pénitence, et par une soumission fidèle à ses volontés. Ne rentrez dans vos familles que pour y porter l'esprit de JésusChrist, la paix, la douceur, la charité indulgente, la candeur, la piété. Lorsque David eut conduit l'arche du Seigneur dans la cité sainte, au milieu de mille victimes, il rentra dans sa maison, dit l'Écriture, afin d'y faire part à sa famille des bénédictions qu'il avait reçues du Seigneur : Reversus est in domum suam, ut benediceret do

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