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Qui des deux te paraît plus digne de ta foi,
L'esclave des Romains, ou le fils de ton Roi.
Fier de leur amitié, Pharnace croit peut-être
Commander dans Nymphée, et me parler en maître ;
Mais ici mon pouvoir ne connaît point le sien :
Le Pont est son partage, et Colchos est le mien,
Et l'on sait que toujours la Colchide et ses princes
Ont compté ce Bosphore au rang de leurs provinces.

ARBATE.

Commandez-moi, Seigneur. Si j'ai quelque pouvoir,
Mon choix est déjà fait, je ferai mon devoir.
Avec le même zèle, avec la même audace
Que je servais le père, et gardais cette place,
Et contre votre frère et même contre vous,
Après la mort du Roi, je vous sers contre tous.
Sans vous, ne sais-je pas que ma mort assurée,
De Pharnace en ces lieux allait suivre l'entrée ?
Sais-je pas que mon sang, par ses mains répandu,
Eût souillé ce rempart contre lui défendu ?
Assurez-vous du cœur et du choix de la Reine.

Du reste, ou mon crédit n'est plus qu'une ombre vaine,
Ou Pharnace, laissant le Bosphore en vos mains,
Ira jouir ailleurs des bontés des Romains.

XIPHARES.

Que ne devrai-je point à cette ardeur extrême ?

Mais on vient. Cours, ami. C'est la Reine elle-même.

SCÈNE II.

MONIME, XIPHARÈS.

MONIM E.

Seigneur, je viens à vous, car enfin aujourd'hui,
Si vous m'abandonnez, quel sera mon appui ?
Sans parens, sans amis, désolée et craintive,
Reine long-temps de nom, mais en effet captive,
Et veuve maintenant sans avoir eu d'époux,
Seigneur, de mes malheurs ce sont-là les plus doux.
Je tremble à vous nommer l'ennemi qui m'opprime.
J'espère toutefois qu'un cœur si magnanime
Ne sacrifîra point les pleurs des malheureux
Aux intérêts du sang qui vous unit tous deux.
Vous devez à ces mots reconnaître Pharnace.
C'est lui, Seigneur, c'est lui, dont la coupable audace
Veut, la force à la main, m'attacher à son sort
Par un hymen pour moi plus cruel que la mort.
Sous quel astre ennemi faut-il que je sois née !
Au joug d'un autre hymen sans amour destinée,
A peine je suis libre et goûte quelque paix,
Qu'il faut
que je me livre à tout ce que je hais.
Peut-être je devrais, plus humble en ma misère,
Me souvenir du moins que je parle à son frère.
Mais, soit raison, destin, soit que ma haine en lui

Confonde les Romains dont il cherche l'appui
Jamais hymen formé sous le plus noir auspice,
De l'hymen que je crains n'égala le supplice.
Et si Monime en pleurs ne vous peut émouvoir,
Si je n'ai plus pour moi que mon seul désespoir,
Au pied du même autel où je suis attendue,
Seigneur, vous me verrez, à moi-même rendue,
Percer ce triste cœur qu'on veut tyranniser,
Et dont jamais encor je n'ai pu disposer.
XIPHARES.

Madame, assurez-vous de mon obéissance.
Vous avez dans ces lieux une entière puissance.
Pharnace ira, s'il veut, se faire craindre ailleurs :
Mais vous ne savez pas encor tous vos malheurs.

MONIM E.

Hé! quel nouveau malheur pent affliger Monime,
Seigneur ?

XIPHARES.

Si vous aimer c'est faire un si grand crime, Pharnace n'en est pas seul coupable aujourd'hui, Et je suis mille fois plus criminel que lui.

M. ON IM E..

Vous !

XIPHARES.

Mettez ce malheur au rang des plus funestes;

Attestez, s'il le faut, les puissances célestes
Contre un sang malheureux, né pour vous tourmenter,

Père, enfans animés à vous persécuter :

Mais avec quelque ennui que vous puissiez apprendre
Cet amour criminel qui vient de vous surprendre,
Jamais tous vos malheurs ne sauraient approcher
Des maux que j'ai soufferts en le voulant cacher.

Ne

croyez point pourtant que, semblable à Pharnace, Je vous serve aujourd'hui pour me mettre en sa place. Vous voulez être à vous, j'en ai donné ma foi ; Et vous ne dépendrez ni de lui ni de moi. Mais quand je vous aurai pleinement satisfaite, En quels lieux avez-vous choisi votre retraite ? Sera-ce loin, Madame, ou près de mes

États? Me sera-t-il permis d'y conduire vos pas ?

Verrez-vous d'un même œil le crime et l'innocence? En fuyant mon rival, fuirez-vous ma

présence?

Pour prix d'avoir si bien secondé vos souhaits,

Faudra-t-il me résoudre à ne vous voir jamais ?

MONIME.

Ah! que m'apprenez-vous !

XIPHARE S.

Hé quoi! belle Monime,

Si le temps peut donner quelque droit légitime,
Faut-il vous dire ici que, le premier de tous

Je vous vis, je formai le dessein d'être à vous,
Quand vos charmies naissans, inconnus à mon père,
N'avaient encor paru qu'aux yeux de votre mère ?
Ah! si, par mon devoir forcé de vous quitter

Tout mon amour alors ne put pas éclater,

Ne vous souvient-il plus, sans compter tout le reste,
Combien je me plaignis de ce devoir funeste?
Ne vous souvient-il plus, en quittant vos beaux yeux,
Quelle vive douleur attendrit mes adieux ?

Je m'en souviens tout seul. Avouez-le, Madame,
Je vous rappelle un songe effacé de votre âme.
Tandis que,
loin de vous, sans espoir de retour,
Je nourrissais encore un malheureux amour,
Contente et résolue à l'hymen de mon père,

Tous les malheurs du fils ne vous affligeaient guère.

MONIM E.

Hélas!

XIPHARÈS.

Avez-vous plaint un moment mes ennuis?

MONIM E.

Prince... n'abusez point de l'état où je suis.

XIPHARÈS.

En abuser, ô ciel! quand je cours vous défendre
Sans vous demander rien, sans oser rien prétendre ;
Que vous dirai-je enfin lorsque je vous promets
De vous mettre en état de ne me voir jamais ?

MONIM E.

C'est me promettre plus que vous ne sauriez faire.

XIPHARES.

Quo malgré mes sermens, vous croyez le contraire? Vous croyez qu'abusant de mon autorité,

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