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Oui, mon fils, c'est vous seul sur qui je me repose,

Vous seul qu'aux grands desseins que mon cœur se propose
J'ai choisi dès long-temps pour digne compagnon,
L'héritier de mon sceptre, et sur-tout de mon nom.
Pharnace, en ce moment, et ma flamme offensée
Ne peuvent pas tous seuls occuper ma pensée.
D'un voyage important les soins et les apprêts,
Mes vaisseaux qu'à partir il faut tenir tout prêts,
Mes soldats, dont je veux tenter la complaisance,
Dans ce même moment demandent ma présence.
Vous, cependant, ici veillez pour mon repos.
D'un rival insolent arrêtez les complots.

Ne quittez point la Reine, et, s'il se peut, vous-même
Rendez-la moins contraire aux vœux d'un roi qui l'aime.
Détournez-la, mon fils, d'un choix injurieux;
Juge sans intérêt, vous la convaincrez mieux.
En un mot, c'est assez éprouver ma faiblesse.
Qu'elle ne pousse point cette même tendresse,
Que sais-je ? à des fureurs dont mon cœur outragé
Ne se repentirait qu'après s'être vengé.

SCÈNE VI.

XIPHARÈS, MONIME.

XIPHARES.

Que dirai-je, Madame? et comment dois-je entendre

Cet ordre, ce discours que je ne puis comprendre?
Serait-il vrai, grands dieux ! que, trop aimé de vous,
Pharnace eût en effet mérité ce courroux?

Pharnace aurait-il part à ce désordre extrême ?

MONIME.

Pharnace! O ciel, Pharnace! Ah! qu'entends-je moi-même a Ce n'est donc pas assez que ce funeste jour

A tout ce que j'aimais m'arrache sans retour,

Et

que

de mon devoir esclave infortunée,

A d'éternels ennuis je me voie enchaînée ?

Il faut qu'on joigne encor l'outrage à mes douleurs !
A l'amour de Pharnace on impute mes pleurs !
Malgré toute ma haine, on veut qu'il m'ait su plaire !
Je le pardonne au Roi qu'aveugle sa colère,

Et qui de mes secrets ne peut être éclairci.

Mais vous, Seigneur, mais vous, me traitez-vous ainsi?
XIPHARE S.

Ah! Madame, excusez un amant qui s'égare,
Qui, lui-même lié par un devoir barbare,
Se voit prêt de tout perdre, et n'ose se venger.
Mais des fureurs du Roi que puis-je enfin juger?
Il se plaint qu'à ses vœux un autre amour s'oppose.
Quel heureux criminel en peut être la cause?
Qui? Parlez.

MONIM E.

Vous cherchez, Prince, à vous tourmenter.

Plaignez votre malheur sans vouloir l'augmenter.

XIPHARE S.

Je sais trop quel tourment je m'apprête moi-même.
C'est peu de voir un père épouser ce que j'aime :
Voir encore un rival honoré de vos pleurs,

Sans doute c'est pour moi le comble des malheurs.
Mais, dans mon désespoir, je cherche à les accroître.
Madame, par pitié, faites-le moi connaître :
Quel est il, cet amant ? Qui dois-je soupçonner?

MONIM E.

Avez-vous tant de peine à vous l'imaginer?
Tantôt, quand je fuyais une injuste contrainte,
A qui, contre Pharnace, ai-je adressé ma plainte ?
Sous quel appui tantôt mon cœur s'est-il jeté ?
Quel amour ai-je enfin sans colère écouté ?
XIPHARÈS.

O ciel! Quoi! je serais ce bienheureux coupable
Que vous avez pu voir d'un regard favorable ?
Vos pleurs pour Xipharès auraient daigné couler ?

MONIM E.

Oui, Prince, il n'est plus temps de le dissimuler ; de violence.

Ma douleur, pour se taire, a trop

Un rigoureux devoir me condamne au silence,
Mais il faut bien enfin, malgré ses dures lois,
Parler pour la première et la dernière fois.

Vous m'aimez dès long-temps. Une égale tendresse
Pour vous, depuis long-temps, m'afflige et m'intéresse.
Songez depuis quel jour ces funestes appas

Firent naître un amour qu'ils ne méritaient pas.
Rappelez un espoir qui ne vous dura guère,

Le trouble où vous jeta l'amour de votre père,
Le tourment de me perdre et de le voir heureux,
Les rigueurs d'un devoir contraire à tous vos vœux;
Vous n'en sauriez, Seigneur, retracer la mémoire,
Ni conter vos malheurs sans conter mon histoire ;
Et, lorsque ce matin j'en écoutais le cours,
Mon cœur vous répondait tous vos mêmes discours.
Inutile, ou plutôt funeste sympathie !

Trop parfaite union par le sort démentie !

Ah! par quel soin cruel le ciel avait-il joint

Deux cœurs que l'un pour l'autre il ne destinait point?
Car, quel que soit vers vous le penchant qui m'attire,
Je vous le dis, Seigneur, pour ne plus vous le dire,
Ma gloire me rappelle et m'entraîne à l'autel,
Où je vais vous jurer un silence éternel.

J'entends, vous gémissez. Mais telle est ma misère :
Je ne suis point à vous ; je suis à votre père.
Dans ce dessein, vous-même il faut me soutenir,
Et de mon faible cœur m'aider à vous bannir.
J'attends du moins, j'attends de votre complaisance,
Que désormais partout vous fuirez ma présence.
J'en viens de dire assez pour vous persuader
Que j'ai trop de raisons de vous le commander.
Mais, après ce moment, si ce cœur magnanime
D'un véritable amour a brûlé pour Monime,
Je ne reconnais plus la foi de vos discours,
Qu'au soin que vous prendrez de m'éviter toujours.

XIPHARÈS.

Quelle marque, grands dieux! d'un amour déplorable!
Combien, en un moment, heureux et misérable!

De quel comble de gloire et de félicités,
Dans quel abîme affreux vous me précipitez !
Quoi! j'aurai pu toucher un cœur comme le vôtre,
Vous aurez pu m'aimer, et cependant un autre
Possédera ce cœur dont j'attirais les vœux ?
Père injuste, cruel, mais d'ailleurs malheureux !...
Vous voulez que je fuie et que je vous évite ?
Et cependant le Roi m'attache à votre suite.
Que dira-t-il ?

MONIME.

N'importe, il me faut obéir.

Inventez des raisons qui puissent l'éblouir.

D'un héros tel que vous c'est-là l'effort suprême :
Cherchez, Prince, cherchez, pour vous trahir vous-même,
Tout ce que, pour jouir de leurs contentemens,

L'amour fait inventer aux vulgaires amans.
Enfin, je me connais, il y va de ma vie.
De mes faibles efforts ma vertu se défie.

Je sais qu'en vous voyant, un tendre souvenir
Peut m'arracher du cœur quelqu'indigne soupir;
Que je verrai mon âme, en secret déchirée,
Revoler vers le bien dont elle est séparée.
Mais je sais bien aussi que, s'il dépend de vous
De me faire chérir un souvenir si doux,

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