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Où nos cœurs à nos yeux parlent en liberté.
Par un chemin obscur une esclave me guide,
Et... Mais on vient. C'est elle et sa chère Atalide.
Demeure ; et, s'il le faut, sois prêt à confirmer
Le récit important dont je vais l'informer.

SCÈNE II.

ROXANE, ATALIDE, ZATIME, ZAIRE, ACOMAT, OSMIN.

ACOMAT.

La vérité s'accorde avec la renommée,
Madame; Osmin a vu le sultan et l'armée.
Le superbe Amurat est toujours inquiet,
Et toujours tous les cœurs penchent vers Bajazet :
D'une commune voix ils l'appellent au trône.
Cependant les Persans marchaient vers Babylone;
Et bientôt les deux camps, au pied de son rempart,
Devaient de la bataille éprouver le hasard.
Ce combat doit, dit-on, fixer nos destinées;
Et même, si d'Osmin je compte les journées,
Le ciel en a déjà réglé l'événement,

Et le sultan triomphe ou fuit en ce moment.
Déclarons-nous, Madame, et rompons le silence.
Fermons-lui, dès ce jour, les portes de Bysance;

Et, sans nous informer s'il triomphe ou s'il fuit,
Croyez-moi, hâtons-nous d'en prévenir le bruit.
S'il fuit, que craignez-vous ? s'il triomphe, au contraire,
Le conseil le plus prompt est le plus salutaire.
Vous voudrez, mais trop tard, soustraire à son pouvoir
Un peuple dans ses murs prêt à le recevoir.
Pour moi, j'ai su déjà, par mes brigues secrètes,
Gagner de notre loi les sacrés interprètes.
Je sais combien, crédule en sa dévotion,
Le peuple suit le frein de la religion.
Souffrez que Bajazet voie enfin la lumière ;
Des murs de ce palais ouvrez-lui la barrière ;
Déployez en son nom cet étendard fatal,
Des extrêmes périls l'ordinaire signal.
Les peuples, prévenus de ce nom favorable,
Savent que sa vertu le rend seule coupable.
D'ailleurs, un bruit confus, par mes soins confirmé,
Fait croire heureusement à ce peuple alarmé,
Qu'Amurat le dédaigne, et veut, loin de Bysance,
Transporter désormais son trône et sa présence.
Déclarons le péril dont son frère est pressé ;
Montrons l'ordre cruel qui vous fut adressé.
Sur-tout, qu'il se déclare et se montre lui-même,
Et fasse voir ce front digne du diadême.

ROXAN E.

Il suffit. Je tiendrai tout ce que j'ai promis.
Allez, brave Acomat, assembler vos amis.

De tous leurs sentimens venez me rendre compte,
Je vous rendrai moi-même une réponse prompte.
Je verrai Bajazet. Je ne puis dire rien,

Sans savoir si son cœur s'accorde avec le mien.
Allez, et revenez.

SCÈNE III.

ROXANE, ATALIDE, ZATIME, ZAIRE.

ROXANE.

Enfin, belle Atalide,

Il faut de nos destins que Bajazet décide.
Pour la dernière fois je le vais consulter ;
Je vais savoir s'il m'aime.

ATALIDE.

Est-il temps d'en douter,

Madame? Hâtez-vous d'achever votre ouvrage.
Vous avez du visir entendu le langage.
Bajazet vous est cher. Savez-vous si demain
Sa liberté, ses jours, seront en votre main ?
Peut-être, en ce moment, Amurat en furie
S'approche pour trancher une si belle vie.

Et pourquoi de son cœur doutez-vous aujourd'hui ?

ROXAN E.

Mais m'en répondez-vous, vous qui parlez pour lui?

ATALIDE.

Quoi, Madame ! Jes soins qu'il a pris pour vous plaire,
Ce que vous avez fait, ce que vous pouvez faire,
Ses périls, ses respects, et sur-tout vos appas,
Tout cela de son cœur ne vous répond-il pas ?
Croyez que vos bontés vivent dans sa mémoire.

ROXAN E.

Hélas! pour mon repos, que ne le puis-je croire !
Pourquoi faut-il au moins que, pour me consoler,
L'ingrat ne parle pas comme on le fait parler ?
Ving fois sur vos discours, pleine de confiance,
Du trouble de son cœur jouissant par avance,
Moi-même j'ai voulu m'assurer de sa foi,
Et l'ai fait, en secret, amener devant moi.
Peut-être trop d'amour me rend trop difficile.
Mais, sans vous fatiguer d'un récit inutile,
Je ne retrouvais point ce trouble, cette ardcur
Que m'avait tant promis un discours trop flatteur.
Enfin, si je lui donne et la vie et l'Empire,
Ces gages incertains ne me peuvent suffire.

ATALIDE.

Quoi donc ! à son amour qu'allez-vous proposer ?

ROXANE.

S'il m'aime, dès ce jour il me doit épouser.

ATALID E.

Vous épouser! O ciel ! que prétendez-vous faire ?

ROXANE.

Je sais que des sultans l'usage m'est contraire;

Je sais qu'ils se sont fait une superbe loi
De ne point à l'hymen assujettir leur foi.

Parmi tant de beautés qui briguent leur tendresse,
Ils daignent quelquefois choisir une maîtresse ;
Mais, toujours inquiète avec tous ses appas,
Esclave, elle reçoit son maître dans ses bras;
Et, sans sortir du joug où leur loi la condamne,
Il faut qu'un fils naissant la déclare sultane.
Amurat plus ardent, et seul jusqu'à ce jour,
A voulu que l'on dût ce titre à son amour.
J'en reçus la puissance aussi bien que le titre,
Et des jours de son frère il me laissa l'arbitre.
Mais ce même Amurat ne me promit jamais
Que l'hymen dût un jour couronner ses bienfaits;
Et moi, qui n'aspirais qu'à cette seule gloire,
De ses autres bienfaits j'ai perdu la mémoire.

Toutefois, que sert-il de me justifier?

Bajazet, il est vrai, m'a tout fait oublier.
Malgré tous ses malheurs, plus heureux que son frère,
Il m'a plu, sans peut-être aspirer à me plaire.
Femmes, gardes, visir, pour lui j'ai tout séduit ;
En un mot, vous voyez jusqu'où je l'ai conduit.
Grâces à mon amour, je me suis bien serviė
Du pouvoir qu'Amurat me donna sur sa vie.
Bajazet touche presqu'au trône des sultans ;
Il ne faut plus qu'un pas, mais c'est où je l'attends.
Malgré tout mon amour, si, dans cette journée,
Il ne m'attache à lui par un juste hyménée,

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