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Si vous preniez, Seigneur, plus de soin de lui plaire; Si vos soupirs daignaient lui faire pressentir

Qu'un jour...

BAJAZET.

Je vous entends; je n'y puis consentir.

Ne vous figurez point que, dans cette journée,
D'un lâche désespoir ma vertu consternée,
Craigne les soins d'un trône où je pourrais monter,
Et par un prompt trépas cherche à les éviter.
J'écoute trop peut-être une imprudente audace.
Mais, sans cesse occupé des grands noms de ma race,
J'espérais que, fuyant un indigne repos,

Je prendrais quelque place entre tant de héros.
Mais, quelqu'ambition, quelqu'amour qui me brûle,
Je ne puis plus tromper une amante crédule.
En vain, pour me sauver, je vous l'aurais promis.
Et ma bouche, et mes yeux, du mensonge ennemis,
Peut-être dans le temps que je voudrais lui plaire,
Feraient, par leur désordre, un effet tout contraire;
Et de mes froids soupirs ses regards offensés,
Verraient trop que mon cœur ne les a point poussés.
O ciel! combien de fois je l'aurais éclaircie,
Si je n'eusse à sa haine exposé que ma vie,
Si je n'avais pas craint que ses soupçons jaloux
N'eussent trop aisément remonté jusqu'à vous!
Et j'irais l'abuser d'une fausse promesse!
Je me parjurerais! Et, par cette bassesse...
Ah! loin de m'ordonner cet indigne détour

Si votre cœur était moins plein de son amour,
Je vous verrais sans doute en rougir la première.
Mais, pour vous épargner une injuste prière,
Adieu; je vais trouver Roxane de ce pas,

Et je vous quitte.

ATALIDE.

Et moi, je ne vous quitte pas.

Venez, cruel, venez, je vais vous y conduire,
Et de tous nos secrets c'est moi qui veux l'instruire.
Puisque, malgré mes pleurs, mon amant furieux
Se fait tant de plaisir d'expirer à mes yeux,
Roxane, malgré vous, nous joindra l'un et l'autre.
Elle aura plus de soif de mon sang que du vôtre,
Et je pourrai donner à vos yeux effrayés

Le spectacle sanglant que vous me prépariez.

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Que je sois, moins que vous, jalouse de ma gloire ?
Pensez-vous que cent fois, en vous faisant parler,
Ma rougeur ne fût pas prête à me déceler ?
Mais on me présentait votre perte prochaine.
Pourquoi faut-il, ingrat, quand la mienne est certaine,
Que vous n'osiez pour moi ce que j'osais pour vous ?
Peut-être il suffira d'un mot un peu plus doux.

Roxane dans son cœur peut-être vous pardonne.

Vous-même, vous voyez le temps qu'elle nous donne.
A-t-elle, en vous quittant, fait sortir le visir ?
Des gardes à mes yeux viennent-ils vous saisir ?
Enfin, dans sa fureur, implorant mon adresse,
Ses pleurs ne m'ont-ils pas découvert sa tendresse ?
Peut-être elle n'attend qu'un espoir incertain,
Qui lui fasse tomber les armes de la main.
Allez, Seigneur, sauvez votre vie et la mienne.

BAJAZET.

Hé bien! mais quels discours faut-il que je lui tienne?

ATALIDE.

Ah! daignez sur ce choix ne me point consulter.
L'occasion, le ciel, pourra vous les dicter.

Allez. Entr'elle et vous je ne dois point paraître ;
Votre trouble ou le mien nous ferait reconnaître.
Allez, encore un coup, je n'ose m'y trouver.
Dites... tout ce qu'il faut, Seigneur, pour vous sauver.

FIN DU SECOND ACTE.

ACTE TROISIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

ATALIDE, ZAIRE.

ZATRE,

ATALID E.

AIRE, il est donc vrai, sa grâce est prononcée ?

ZAIRE.

Je vous l'ai dit, Madame, une esclave empressée,
Qui courait de Roxane accomplir le désir,
Aux portes du sérail a reçu le visir.

Ils ne m'ont point parlé. Mais, mieux qu'aucun langage,
Le transport du visir marquait sur son visage
Qu'un heureux changement le rappelle au palais,
Et qu'il y vient signer une éternelle paix.
Roxane a pris sans doute une plus douce voie.

ATALID E.

Ainsi, de toutes parts, les plaisirs et la joie M'abandonnent, Zaïre, et marchent sur leurs pas. J'ai fait ce que j'ai dû; je ne m'en repens pas.

ZAIRE.

Quoi, Madame quelle est cette nouvelle alarme ?

ATALIDE.

Et ne t'a-t-on point dit, Zaïre, par quel charme
Ou, pour mieux dire enfin, par quel engagement
Bajazet a pu faire un si prompt changement ?
Roxane en sa fureur paraissait inflexible.
A-t-elle de son cœur quelque gage infaillible?
Parle. L'épouse-t-il?

ZAIRE.

Je n'en ai rien appris.

Mais enfin, s'il n'a pu se sauver qu'à ce prix,
S'il fait ce que vous-même avez su lui prescrire,
S'il l'épouse, en un mot?

ATALIDE.

S'il l'épouse, Zaïre!

ZAIRE.

Quoi ! vous repentez-vous des généreux discours
Que vous dictait le soin de conserver ses jours ?

ATALIDE.

Non, non, il ne fera que ce qu'il a dû faire.
Sentimens trop jaloux, c'est à vous de vous taire.
Si Bajazet l'épouse, il suit mes volontés ;
Respectez ma vertu qui vous a surmontés;
A ses nobles conseils ne mêlez point le vôtre;
Et, loin de me le peindre entre les bras d'une autre,
Laissez-moi, sans regret, me le représenter

Au trône où mon amour l'a forcé de monter.

Oui, je me reconnais; je suis toujours la même ;

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