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Je voulais qu'il m'aimât, chère Zaïre ; il m'aime.
Et du moins cet espoir me console aujourd'hui,
Que je vais mourir digne et contente de lui.

ZAIRE.

Mourir ! Quoi! vous auriez un dessein si funeste ?

ATALID E.

J'ai cédé mon amant : tu t'étonnes du reste?
Peux-tu compter, Zaïre, au nombre des malheurs
Une mort qui prévient et finit tant de pleurs ?
Qu'il vive, c'est assez. Je l'ai voulu sans doute,
Et je le veux toujours, quelque prix qu'il m'en coûte.
Je n'examine point ma joie ou mon ennui;
J'aime assez mon amant pour renoncer à lui.
Mais hélas ! il peut bien penser avec justice,
Que si j'ai pu lui faire un si grand sacrifice,
Ce cœur qui de ses jours prend ce funeste soin,
L'aime trop pour vouloir en être le témoin.

Allons, je veux savoir...

ZAIRE.

Modérez-vous, de grâce:

On vient vous informer de tout ce qui se passe ;

C'est le visir.

SCÈNE II.

A COMAT, ATALIDE, ZAIRE.

A COMA T.

Enfin, nos amans sont d'accord,

Madame. Un calme heureux nous remet dans le port. La sultane a laissé désarmer sa colère ;

Elle m'a déclaré sa volonté dernière ;

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Et, tandis qu'elle montre au peuple épouvanté
Du prophète divin l'étendard redouté,
Qu'à marcher sur mes pas Bajazet se dispose,
Je vais de ce signal faire entendre la cause,
Remplir tous les esprits d'une juste terreur
Et proclamer enfin le nouvel empereur.
Cependant permettez que je vous renouvelle
Le souvenir du prix qu'on promit à mon zèle ;
N'attendez point de moi ces doux emportemens,
Tels que j'en vois paraître au cœur de ces amans;
Mais si, par d'autres soins plus dignes de mon âge ;
Par de profonds respects, par un long esclavage,
Tel que nous le devons au sang de nos sultans,
Je puis...

ATALIDE.

Vous m'en pourrez instruire avec le temps. Avec le temps aussi vous pourrez me connaître...

Mais quels sont ces transportsqu'ils vous ont fait paraître?

A COMA T.

Madame, doutez-vous des soupirs enflammés
De deux jeunes amans l'un de l'autre charmés ?

ATALIDE.

Non. Mais, à dire vrai, ce miracle m'étonne.
Et dit-on à quel prix Roxane lui pardonne ?
L'épouse-t-il enfin ?

ACOMAT.

Madame, je le croi.

Voici tout ce qui vient d'arriver devant moi.
Surpris, je l'avoûrai, de leur fureur commune
Querellant les amans, l'amour et la fortune
J'étais de ce palais sorti désespéré.

Déjà, sur un vaisseau dans le port préparé,
Chargeant de mon débris les reliques plus chères,
Je méditais ma fuite aux terres étrangères.
Dans ce triste dessein, au palais rappelé,
Plein de joie et d'espoir, j'ai couru, j'ai volé.
La porte du sérail à ma voix s'est ouverte,
Et d'abord une esclave à mes yeux s'est offerte,
Qui m'a conduit sans bruit dans un appartement
Où Roxane attentive écoutait son amant.
Tout gardait devant eux un auguste silence.
Moi-même, résistant à mon impatience,
Et respectant de loin leur secret entretien,
J'ai long-temps, immobile, observé leur maintien.

Enfin, avec des yeux qui découvraient son âme,
L'une a tendu la main pour gage de sa flamme;
L'autre, avec des regards éloquens, pleins d'amour,
L'a de ses feux, Madame, assurée à son tour.

ATALIDE.

Hélas!

ACOMA T.

Ils m'ont alors aperçu l'un et l'autre. Voilà, m'a-t-elle dit, votre prince et le nôtre. Je vais, brave Acómat, le remettre en vos mains. Allez lui préparer les honneurs souverains. Qu'un peuple obéissant l'attende dans le temple; Le sérail va bientôt vous en donner l'exemple. Aux pieds de Bajazet alors je suis tombé, Et soudain à leurs yeux je me suis dérobé. Trop heureux d'avoir pu, par un récit fidèle, De leur paix, en passant, vous conter la nouvelle, Et m'acquitter vers vous de mes respects profonds. Je vais le couronner, Madame, et j'en réponds.

SCÈNE III.

ATALIDE, ZAIRE.

ATALIDE.

Allons, retirons-nous, ne troublons point leur joie.

ZAIRE.

Ah! Madame! croyez...

ATALIDE.

Que veux-tu que je croie

Quoi donc ! à ce spectacle irai-je m'exposer?
Tu vois que c'en est fait. Ils se vont épouser.
La sultane est contente; il l'assure qu'il l'aime.
Mais je ne m'en plains pas, je l'ai voulu moi-même.
Cependant croyais-tu, quand, jaloux de sa foi,
Il s'allait, plein d'amour, sacrifier pour moi;
Lorsque son cœur tantôt, m'exprimant sa tendresse,
Refusait à Roxane une simple promesse ;

Quand mes larmes en vain tâchaient de l'émouvoir,
Quand je m'applaudissais de leur peu de pouvoir,
Croyais-tu que son cœur, contre toute apparence,
Pour la persuader, trouvât tant d'éloquence?
Ah! peut-être, après tout, que, sans trop se forcer,
Tout ce qu'il a pu dire, il a pu le penser;
Peut-être, en le voyant, plus sensible pour elle,
Il a vu dans ses yenx quelque grâce nouvelle.
Elle aura devant lui fait parler ses douleurs.
Elle l'aime: un empire autorise ses pleurs.
Tant d'amour touche enfin une âme généreuse.
Hélas! que de raisons contre une malheureuse !

ZAIRE.

Mais ce succès, Madame, est encore incertain.
Attendez.

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