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ATALIDE.

Non, vois-tu, je le nîrais en vain.

Je ne prends point plaisir à croître ma misère.
Je sais, pour se sauver, tout ce qu'il a dû faire.
Quand mes pleurs vers Roxane ont rappelé ses pas,
Je n'ai point prétendu qu'il ne m'obéît pas.

Mais après les adieux que je venais d'entendre,
Après tous les transports d'une douleur si tendre,
Je sais qu'il n'a point dû lui faire

remarquer

La joie et les transports qu'on vient de m'expliquer.
Toi-même, juge-nous, et vois si je m'abuse.
Pourquoi de ce conseil moi seule suis-je excluse ?
Au sort de Bajazet ai-je si peu de part ?
A me chercher lui-même attendrait-il si tard,
N'était que de son cœur le trop juste reproche
Lui fait peut-être, hélas! éviter cette approche ?
Mais non, je lui veux bien épargner ce souci.
11 ne me verra plus.

ZAIRE.

Madame, le voici.

SCÈNE IV.

BAJAZET, ATALIDE, ZAIRE.

BAJAZE T.

C'en est fait, j'ai parlé, vous êtes obéie.

Vous n'avez plus, Madame, à craindre pour ma vie;
Et je serais heureux si la foi, si l'honneur,

Ne me reprochait point mon injuste bonheur ;

Si mon cœur, dont le trouble en secret me condamne,
Pouvait me pardonner aussi bien que Roxane.
Mais enfin, je me vois les armes à la main ;
Je suis libre, et je puis, contre un frère inhumain,
Non plus par un silence aidé de votre adresse,
Disputer en ces lieux le cœur de sa maîtresse ;
Mais par de vrais combats, par de nobles dangers,
Moi-même le cherchant aux climats étrangers,
Lui disputer les cœurs du peuple et de l'armée,
Et pour juge entre nous prendre la renommée.
Que vois-je ? Qu'avez-vous ? Vous pleurez ?

ATALIDE.

Non, Seigneur :

Je ne murmure point contre votre bonheur.
Le ciel, le juste ciel vous devait ce miracle.
Vous savez si jamais j'y formai quelqu'obstacle.
Tant
que j'ai respiré, vos yeux me sont témoins
Que votre seul péril occupait tous mes soins ;
Et puisqu'il ne pouvait finir qu'avec ma vie,
C'est sans regret aussi que je la sacrifie.
Il est vrai, si le ciel eût écouté mes vœux,
Qu'il pouvait m'accorder un trépas plus heureux.
Vous n'en auriez pas moins épousé ma rivale ;
Vous pouviez l'assurer de la foi conjugale,

Mais vous n'auriez pas joint à ce titre d'époux
Tous ces gages d'amour qu'elle a reçus de vous.
Roxane s'estimait assez récompensée,

Et j'aurais, en mourant, cette douce pensée,
Que vous ayant moi-même imposé cette loi,
Je vous ai vers Roxane envoyé plein de moi;
Qu'emportant chez les morts toute votre tendresse,
Ce n'est point un amant en vous que je lui laisse.

BAZAZE T.

Que parlez-vons, Madame, et d'époux, et d'amant ?
O ciel! de ce discours quel est le fondement ?
Qui peut vous avoir fait ce récit infidèle ?
Moi, j'aimerais Roxane, ou je vivrais pour elle,
Madame! Ah! croyez-vous que,

Ma bouche seulement eût pu le

loin de le penser,

prononcer?

Mais l'un ni l'autre enfin n'était point nécessaire,
La sultane a suivi son penchant ordinaire ;
Et, soit qu'elle ait d'abord expliqué mon retour
Comme un gage certain qui marquait mon amour,
Soit que le temps trop cher la pressât de se rendre,
A peine ai-je parlé, que, sans presque m'entendre,
Ses pleurs précipités ont coupé mes discours.
Elle met dans ma main sa fortune et ses jours;
Et se fiant enfin à ma reconnaissance,
D'un hymen infaillible a formé l'espérance.
Moi-même rougissant de sa crédulité,
Et d'un amour si tendre et si peu mérité,

Dans ma confusion, que Roxane, Madame,
Attribuait encore à l'excès de ma flamme,
Je me trouvais barbare, injuste, criminel.
Croyez qu'il m'a fallu, dans ce moment cruel,
Pour garder jusqu'au bout un silence perfide,
Rappeler tout l'amour que j'ai pour Atalide.
Cependant, quand je viens, après de tels efforts,
Chercher quelque secours contre tous mes remords,
Vous-même contre moi je vous vois, irritée,
Reprocher votre mort à mon âme agitée.
Je vois enfin, je vois qu'en ce même moment
Tout ce que je vous dis vous touche faiblement.
Madame, finissons et mon trouble et le vôtre.
Ne nous affligeons point vainement l'un et l'autre.
Roxane n'est pas loin. Laissez agir ma foi.
J'irai, bien plus content et de vous et de moi,
Détromper son amour d'une feinte forcée,
Que je n'allais tantôt déguiser ma pensée.

La voici.

ATALIDE.

Juste ciel! où va-t-il s'exposer.

Si vous m'aimez, gardez de la désabuser.

SCÈNE V.

ROXANE, BAJAZET, ATALIDE, ZAIRE.

ROXANE.

Venez, Seigneur, venez. Il est temps de paraître,

Et

que tout le sérail reconnaisse son maître.
Tout ce peuple nombreux dont il est habité,
Assemblé par mon ordre, attend ma volonté.
Mes esclaves gagnés, que le reste va suivre,
Sont les premiers sujets que mon amour vous livre.
L'auriez-vous cru, Madame, et qu'un si prompt retour
Fît à tant de fureur succéder tant d'amour ?
Tantôt, à me venger fixe et déterminée,
Je jurais qu'il voyait sa dernière journée:
A peine cependant Bajazet m'a parlé,
L'amour fit le serment, l'amour l'a violé.

J'ai cru dans son désordre entrevoir sa tendresse.
J'ai prononcé sa grâce, et je crois sa promesse.

BAJAZET.

Oui, je vous ai promis, et j'ai donné ma foi,.
De n'oublier jamais tout ce que je vous doi.
J'ai juré que mes soins, ma juste complaisance,
Vous répondront toujours de ma reconnaissance.
Si je puis, à ce prix, mériter vos bienfaits,
Je vais de vos bontés attendre les effets.

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