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Quoi! ce prince aimable... qui vous aime,

Verra finir ses jours qu'il vous a destinés !

ROXAN E.

Il le faut, et déjà mes ordres sont donnés.

ATALIDE.

Je me meurs.

ZATIM E.

Elle tombe, et ne vit plus qu'à peine.

ROXAN E.

Allez ; conduisez-la dans la chambre prochaine. Mais au moins observez ses regards, ses discours, Tout ce qui convaincra leurs perfides amours.

SCÈNE IV.

ROXANE seule.

Ma rivale à mes yeux s'est enfin déclarée.
Voilà sur quelle foi je m'étais assurée !

Depuis six mois entiers j'ai cru que, nuit et jour,
Ardente, elle veillait au soin de mon amour;

Et c'est moi qui, du sien ministre trop fidèle,
Semble, depuis six mois, ne veiller
que pour elle;
Qui me suis appliquée à chercher les moyens
De lui faciliter tant d'heureux entretiens,
Et qui même souvent, prévenant son envie,
Ai hâté les momens les plus doux de sa vie.
Ce n'est pas tout: il faut maintenant m'éclaircir,
Si dans sa perfidie elle a su réussir.

Il faut... Mais que pourrais-je apprendre davantage?
Mon malheur n'est-il pas écrit sur son visage ?
Vois-je pas, au travers de son saisissement,
Un cœur, dans ses douleurs, content de son amant ?
Exempte des soupçons dont je suis tourmentée,
Ce n'est que sur ses jours qu'elle est épouvantée.
N'importe; poursuivons. Elle peut, comme moi,
Sur des gages trompeurs s'assurer de sa foi.
Pour le faire expliquer, tendons-lui quelque piége.
Mais quel indigne emploi moi-même m'imposé-je ?

Quoi donc à me gêner appliquant mes esprits,
J'irai faire à mes yeux éclater ses mépris ?
Lui-même il peut prévoir et tromper mon adresse.
D'ailleurs, l'ordre, l'esclave et le visir me presse.
Il faut prendre parti ; l'on m'attend. Faisons mieux :
Sur tout ce que j'ai vu fermons plutôt les yeux;
Laissons de leur amour la recherche importune;
Poussons à bout l'ingrat, et tentons la fortune.
Voyons si, par mes soins sur le trône élevé,
Il osera trahir l'amour qui l'a sauvé ;
Et si de mes bienfaits làchement libérale
Sa main en osera couronner ma rivale.
Je saurai bien toujours retrouver le moment
De punir, s'il le faut, la rivale et l'amant.
Dans ma juste fureur observant le perfide,
Je saurai le surprendre avec son Atalide;

Et d'un même poignard les unissant tous deux,
Les percer l'un et l'autre, et moi-même après eux.
Voilà, n'en doutons point, le parti qu'il faut prendre.
Je veux tout ignorer.

SCÈNE V.

ROXANE, ZATIME.

ROXAN E.

Ah! que viens-tu m'apprendre,

Zatime? Bajazet en est-il amoureux ?

Vois-tu, dans ses discours, qu'ils s'entendent tous deux ?

ZATIME.

Elle n'a point parlé. Toujours évanouie,
Madame, elle ne marque aucun reste de vie

Que par

de longs soupirs et des gémissemens
Qu'il semble que son cœur va suivre à tous momens.
Vos femmes, dont le soin à l'envi la soulage,
Ont découvert son sein pour leur donner passage.
Moi-même, avec ardeur secondant ce dessein,
J'ai trouvé ce billet enfermé dans son sein:
Du prince votre amant j'ai reconnu la lettre,
Et j'ai cru qu'en vos mains je devais la remettre.

ROXAN E.

Donne. Pourquoi frémir ? Et quel trouble soudain
Me glace à cet objet, et fait trembler ma main?
Il peut l'avoir écrit sans m'avoir offensée.

Il peut même... Lisons, et voyons sa pensée.
«Ni la mort ni vous-même

Ne me ferez jamais prononcer que je l'aime,
<< Puisque jamais je n'aimerai que vous ".
Ah! de la trahison me voilà donc instruite.
Je reconnais l'appât dont ils m'avaient séduite.
Ainsi donc mon amour était récompensé,
Lache, indigne du jour que je t'avais laissé ?
Ah! je respire enfin, et ma joie est extrême
Que le traître, une fois, se soit trahi lui-même.

Libre des soins cruels où j'allais m'engager,

Ma tranquille fureur n'a plus qu'à se venger.
Qu'il meure. Vengeons-nous. Courez. Qu'on le saisisse,
Que la main des muets s'arme pour son supplice.
Qu'ils viennent préparer ces nœuds infortunés,
Par qui de ses pareils les jours sont terminés.
Cours, Zatime, sois prompte à servir ma colère.

ZATIM E.

Ah! Madame !

ROXAN E.

Quoi donc ?

ZATIME.

Si, sans trop vous déplaire,

Dans les justes transports, Madame, où je vous vois,
J'osais vous faire entendre une timide voix :
Bajazet, il est vrai, trop indigne de vivre,
Aux mains de ces cruels mérite qu'on le livre.
Mais, tout ingrat qu'il est, croyez-vous aujourd'hui
Qu'Amurat ne soit pas plus à craindre que lui ?
Et qui sait si déjà quelque bouche infidèle
Ne l'a point averti de votre amour nouvelle ?
Des cœurs comme le sien, vous le savez assez 2
Ne se regagnent plus quand ils sont offensés ;
Et la plus prompte mort, dans ce moment sévère,
Devient de leur amour la marque la plus chère.

ROXANE.

Avec quelle insolence et quelle cruauté

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