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Oui, Madame, il est vrai que je vous ai trompée.
Du soin de mon amour seulement occupée,
Quand j'ai vu Bajazet, loin de vous obéir,

Je n'ai, dans mes discours, songé qu'à vous trahir.
Je l'aimai dès l'enfance; et dès ce temps, Madame,
J'avais, par mille soins, su prévenir son âme.
La sultane sa mère, ignorant l'avenir,

Hélas! pour son malheur, se plut à nous unir.
Vous l'aimâtes depuis. Plus heureux l'un et l'autre
Si, connaissant mon cœur ou me cachant le vôtre,
Votre amour de la mienne eût su se défier!
Je ne me noircis point pour le justifier.
Je jure par le ciel qui me voit confondue,
Par ces grands Ottomans dont je suis descendue,
Et qui tous, avec moi, vous parlent à genoux
Pour le plus pur du sang qu'ils ont transmis en nous
Bajazet à vos soins tôt ou tard plus sensible,
Madame, à tant d'attrais n'était pas invincible.
Jalouse, et toujours prête à lui représenter
Tout ce que je croyais digne de l'arrêter,
Je n'ai rien négligé, plaintes, larmes, colère,
Quelquefois attestant les mânes de sa mère ;
Ce jour même, des jours le plus infortuné,
Lui reprochant l'espoir qu'il vous avait donné,
Et de ma mort enfin le prenant à partie,
Mon importune ardeur ne s'est point ralentie,
Qu'arrachant, malgré lui, des gages de sa foi,

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Je ne sois parvenue à le perdre avec moi.
Mais pourquoi vos bontés seraient-elles lassées ?
Ne vous arrêtez point à ses froideurs passées.
C'est moi qui l'y forçai. Les nœuds que j'ai rompus
Se rejoindront bientôt quand je ne serai plus.
Quelque peine pourtant qui soit due à mon crime,
N'ordonnez pas vous-même une mort légitime,
Et ne vous montrez point à son cœur éperdu
Couverte de mon sang par vos mains répandu.
D'un cœur trop tendre encore épargnez la faiblesse.
Vous pouvez de mon sort me laisser la maîtresse,
Madame; mon trépas n'en sera pas moins prompt.
Jouissez d'un bonheur dont ma mort vous répond;
Couronnez un héros dont vous serez chérie ;
J'aurai soin de ma mort; prenez soin de sa vie.
Allez, Madame, allez : avant votre retour,
J'aurai d'une rivale affranchi votre amour.

ROXAN E.

Je ne mérite pas un si grand sacrifice.

Je me connais, Madame, et je me fais justice.
Loin de vous séparer, je prétends aujourd'hui,
Par des nœuds éternels, vous unir avec lui.
Vous jouirez bientôt de son aimable vue.
Levez-vous. Mais que veut Zatime toute émue ?

SCÈNE VII.

ATALIDE, ROXANE, ZATIME.

ZATIME.

Ah! venez vous montrer, Madame, ou désormais
Le rebelle Acomat est maître du palais.
Profanant des sultans la demeure sacrée,
Ses criminels amis en ont forcé l'entrée.

Vos esclaves tremblans, dont la moitié s'enfuit,
Doutent si le visir vous sert ou vous trahit.

ROXANE.

Ah! les traîtres! Allons, et courons le confondre. Toi, garde ma captive, et songe à m'en répondre.

SCÈNE VIII.

ATALIDE, ZATIME.

ATALIDE.

Hélas! pour qui mon cœur doit-il faire des vœux ?
J'ignore quel dessein les anime tous deux.
Si de tant de malheurs quelque pitié te touche,
Je ne demande point, Zatime, que ta bouche
Trahisse, en ma faveur, Roxane et son secret.
Mais, de grâce, dis-moi ce que fait Bajazet.

L'as-tu vu? Pour ses jours n'ai-je encor rien à craindre?

ZATIME.

Madame, en vos malheurs je ne puis que vous plaindre.

ATALIDE.

Quoi! Roxane déjà l'a-t-elle condamné !

ZATIME.

Madame, le secret m'est sur-tout ordonné.

ATALIDE.

Malheureuse! dis-moi seulement s'il respire.

ZATIM E.

Il y va de ma vie, et je ne puis rien dire.

ATALIDE.

Ah! c'en est trop, cruelle ! Achève, et que ta main
Lui donne de ton zèle un gage plus certain.
Perce toi-même un cœur que ton silence accable,
D'une esclave barbare esclave impitoyable.
Précipite des jours qu'elle me veut ravir :
Montre-toi, s'il se peut, digne de la servir.

Tu me retiens en vain ; et, dès cette même heure,
Il faut que je le voie, ou du moins que je meure.

SCÈNE IX.

ACOMAT, ATALIDE, ZATIME.

ACOMA T.

Ah! que fait Bajazet ? Où le puis-je trouver,

Madame? Aurai-je encor le temps de le sauver ?
Je cours tout le sérail ; et, même dès l'entrée,
De mes braves amis la moitié séparée
A marché sur les pas du courageux Osmin ;
Le reste m'a suivi par un autre chemin.
Je cours, et je ne vois que des troupes craintives
D'esclaves effrayés, de femmes fugitives.

ATALIDE.

Ah! je suis de son sort moins instruite que vous.
Cette esclave le sait.

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