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3o Que de l'habitude pour les nations de conclure des traités qui reproduisent les mêmes stipulations, il doit nécessairement résulter pour leur droit public, l'adoption de doctrines fixes et uniformes;

4o Que de ces doctrines écrites dans les traités, devenus autant d'obligations pour les signataires, adoptés comme usages, et par imitation, par les Etats non-signataires, il est résulté, pour les unes, un droit conventionnel positif, et, pour les autres, un droit coutumier auquel le temps finit par donner l'autorité de la loi;

5o Que les appels fréquents des Puissances au droit coutumier donnent à ce droit une force en quelque sorte obligatoire.

Envisagés de cette sorte, les traités rendraient facile la tâche du législateur, et chaque pays pourrait adopter sans peine, et promulguer comme loi de l'État pour les temps de guerre un réglement maritime conforme à la justice, et dont tous les articles seraient fournis par les traités publics et par les usages suivis par le plus grand nombre des pays.

Sur les divers points que nous avons signalés, et sur d'autres encore qui trouvent leur application en temps de guerre, que dit, en effet, le plus grand nombre des traités ?

Les traités interdisent les représailles (titre II, § 51); ils déclarent qu'en cas de rupture les négociants d'une nation établis sur le territoire de l'autre, auront la faculté, dans un délai déterminé, plus ou moins prolongé, de se retirer avec leurs familles, leurs vaisseaux et leurs propriétés (titre III, § 6); ils fixent les conditions du blocus, déclarant qu'un port ne peut-être considéré comme bloqué qu'autant qu'il s'y trouve un nombre de bâtiments assez rapprochés, pour qu'il y ait danger à chercher à y pénétrer (§ 11); ils désignent par fois la limite de la mer territoriale, en dedans de laquelle tout bâtiment qui fuit la poursuite de l'ennemi, ne peut être attaqué, sans que le poursuivant ne porte atteinte à l'indépendance de l'État neutre (titre II, § 40; titre III, § 23, et Livre II, chap. XII); ils affranchissent de toute visite les bâtiments de commerce voyageant sous convoi (Livre II, chap. XXII); ils déterminent que les neutres pourront fréquenter les ports ennemis non-bloqués, en y important toutes les marchandises qui font partie, ordinairement, de leur commerce, à l'exception de la contrebande de guerre, dont plusieurs traités ont beaucoup trop étendu la série; ils indiquent le délai jusqu'à l'expiration duquel tout bâtiment, ignorant l'ouverture des hostilités, et ayant accepté un chargement, ne sera point confisqué (§ 6); ils proclament et consacrent le salutaire et loyal principe de l'immunité du pavillon, etc.;

enfin, plusieurs de ces traités sont franchement entrés sur le terrain de l'équité et de la raison, en déclarant que les souverains contractants s'interdiront à l'avenir la faculté de délivrer des lettres de marque pour armer en course, et qu'ils défendront à leurs sujets d'accepter des lettres de marque d'aucun prince étranger, État ou république. L'abolition de la course, c'est-à-dire de la piraterie officielle, simplifierait beaucoup, on le comprend facilement, la rédaction du réglement que nous voudrions voir promulguer par chacune des Puissances maritimes.

Ces sujets divers, et d'autres encore qui se rattachent au temps de guerre, feront l'objet des §§ qui vont suivre.

Jusqu'au moment, bien éloigné sans doute, nous le craignons, où les grandes Puissances maritimes se décideront à promulguer comme loi de l'État, le réglement que nous sollicitons de leur loyauté, de leur justice et de leur humanité, il serait désirable que les traités qui règlent les relations de commerce et de navigation entre les États, exprimâssent, par une clause spéciale, d'une part, que la limite fixée à leur durée n'est applicable qu'aux stipulations purement commerciales, auxquelles par suite du développement que pourront prendre le commerce et l'industrie, il deviendra nécessaire avec le temps d'apporter des modifications; d'autre part, que les clauses relatives aux principes généraux, seront inaltérables et ne cesseront en aucun temps et sous aucun prétexte, d'être respectées par les deux nations contractantes.

A cet égard, le traité de paix, d'amitié et de commerce, conclu à Washington, le 4 décembre 1825, entre les États-Unis de l'Amérique septentrionale et la république de Guatemala ou de l'Amérique centrale, présente une clause que devraient renfermer tous les traités qui sont ou seront conclus de nos jours; ce traité qui contient d'excellents principes concernant l'immunité du pavillon, le blocus, la visite des bâtiments de commerce par les bâtiments armés, etc.; mais qui ne présente pas encore tout ce que les traités devraient prescrire dans l'intérêt de l'avenir, porte, art. XXXIII:

« Les États-Unis d'Amérique et la fédération du centre de l'Amérique, désirant rendre aussi durables et aussi affermies que les circonstances le permettront, les relations qui doivent s'établir entre les deux Puissances, en vertu du présent traité ou convention générale de paix, d'amitié, de navigation et de commerce, ont déclaré solennellement les points suivants, dont elles sont convenues entre elles:

« 1° Le présent traité restera en pleine force et en vigueur CUSSY. I. 12

durant un terme de douze années, à compter du jour de l'échange des ratifications, pour toutes les dispositions relatives au commerce et à la navigation; mais à l'égard des autres articles qui concernent les relations de paix et d'amitié, ce traité sera permanent et perpétuellement obligatoire pour les deux Puissances;

«2 Si un citoyen ou plusieurs citoyens de l'une ou de l'autre des parties contractantes venaient à enfreindre quelqu'un des articles contenus dans le présent traité, les dits citoyens en seront personnellement responsables, sans que pour cela soient interrompues l'harmonie et la bonne intelligence entre les deux nations, chacune d'elles s'obligeant à ne point protéger l'auteur d'une telle infraction, et à ne point la soutenir;

3° Si (ce qui à la vérité n'est guères présumable), quelqu'un des articles contenus dans le présent traité était, de quelqu'autre manière, violé ou enfreint, il est expressément stipulé qu'aucune des deux parties contractantes n'ordonnera ni n'autorisera aucuns actes de représailles, ni ne déclarera la guerre à l'autre en la motivant sur ces injures ou dommages, jusqu'à ce que la partie qui se croira offensée ait présenté à l'autre une exposition de ces mêmes injures ou dommages, appuyée de preuves et de témoignages authentiques, et en ait demandé justice et satisfaction, et jusqu'à ce que cette satisfaction ait été refusée ou différée sans raison;

« 4° Rien de ce qui est contenu dans le présent traité ne pourra cependant être interprété ni avoir d'effet en opposition aux autres traités publics antérieurs et existants, conclus avec d'autres souverains ou États. »

§ 2.
De la guerre.

La guerre est le seul pouvoir judiciaire qui existe pour les nations c'est le pouvoir de la force; le droit de guerre dérive de l'indépendance des nations et du droit naturel de propre conservation; ou, comme le dit Montesquieu, «de la nécessité et du « droit rigide; si ceux qui dirigent la conscience ou les conseils <«< des princes ne s'en tiennent pas là, tout est perdu; lorsqu'on « se tiendra sur des principes arbitraires de gloire, de bienséance, << d'utilité, des flots de sang inonderont la terre. »

La guerre ne doit pas avoir lieu pour des causes légères : ses conséquences sont trop graves pour que les États n'hésitent pas à l'entreprendre, s'il n'existe pas des motifs sérieux de

la faire.

De grands intérêts d'État, l'indépendance du pays menacée, sa sûreté, ses droits essentiels méconnus, peuvent seuls légitimer une guerre et commander aux intérêts individuels de s'effacer devant l'intérêt général.

L'honneur humilié du pays, le refus fait de toute réparation, l'insulte reçue par les agents chargés de représenter la nation à l'étranger, sont encore des motifs légitimes de guerre. En 1830, une injure faite à un agent français par un souverain a fait perdre ses États à celui-ci. (Voir Livre II, chap. XXX, § 7.)

Mais ce débat qui se vide par la force, selon l'expression de Cicéron, entraine à sa suite trop de maux, trop de perturbations dans les rapports internationaux ; il exerce une influence fatale trop réelle sur l'industrie, le commerce et la prospérité des peuples, pour que les gouvernements ne cherchent pas à l'avenir à en diminuer les déplorables conséquences, en s'efforçant de rendre la guerre, même la plus légitime, moins cruelle dans l'emploi des moyens de nuire à l'ennemi momentané que toutes celles qui ont boulversé les peuples jusqu'à présent; nous l'avons dit dans le paragraphe qui précède, et nous aurons encore à revenir sur ce sujet en parlant des prises maritimes.

Il est temps, en effet, que l'on efface de la série des principes du droit des gens, la doctrine barbare: «Faites à votre en<< nemi autant de mal qu'il est nécessaire pour le forcer d'être « juste, mais ne lui en faites pas au-delà.»

A cette doctrine, barbare, nous le répétons, malgré le correctif qu'elle présente dans sa seconde partie, les gouvernements doivent substituer celle qui fut émise par le comte Portalis (successivement magistrat et ministre), lorsqu'il installa, en 1800, le conseil des prises: « Faites en temps de paix le plus de bien, et « en temps de guerre le moins de mal possible voilà le droit « des gens. >> 1)

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Avant lui, Montesquieu avait dit dans l'Esprit des lois que le droit des gens est fondé sur le principe que les diverses nations doivent se faire dans la paix le plus de bien, et dans la guerre le moins de mal qu'il est possible, sans nuire à leurs véritables intérêts.

Et l'un et l'autre en parlant ainsi, le magistrat philosophe et l'homme d'État religieux, s'étaient inspirés de la pensée chrétienne : <«< Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qu'ils vous

1) Voir à la 2o section du § 10 la déclaration collective de la France et de l'Angleterre, en 1854.

<«< fissent bien plus, faites leur ce que vous voudriez qu'ils vous << fissent à vous même. >>

Dans les crises politiques qui arment les nations les unes contre les autres, le devoir des souverains et des commandants des forces belligérantes est donc d'épargner les populations inoffensives, et d'éviter le plus de maux qu'il est possible, en s'éclairant au phare lumineux de la justice, de la raison, de l'humanité, en un mot en suivant les voies du christianisme qui résume tous les bons principes et repousse tous les mauvais.

Les principes généraux du droit des gens sont les mêmes pour la guerre continentale; mais la guerre maritime suit nécessairement des règles spéciales, des usages exceptionnels; elle a, enfin, d'autres effets à l'égard des Puissances neutres et des particuliers : dans les guerres continentales, ceux-ci ont sans doute, parfois, à souffrir d'exactions et de brutalités de la part de l'armée envahissante; mais ces exactions et ces brutalités n'ont pas lieu, généralement du moins, en vertu de l'approbation des chefs de l'armée; dans les guerres maritimes, au contraire, les particuliers, les négociants et les navigateurs inoffensifs, sont en but à une piraterie légalement exercée.

L'état de guerre qui détruit la liberté de la mer à l'égard des nations belligérantes, laisse la mer libre pour les neutres, dont la navigation et le commerce sont toutefois gênés et inquiétés par les nations en guerre, en tant que la liberté commerciale maritime des neutres pourrait devenir préjudiciable aux belligérants delà, la visite des bâtiments, le blocus des ports, la contrebande de guerre, déclarée confiscable. (Voir §§ 9, 10, 11, 14, 23.)

La liberté de la mer qui, en principe, est un droit non-contesté des neutres, devient donc cependant une fiction en quelque sorte, quand les neutres sont faibles et hors d'état de se faire respecter. Si cette liberté a été entravée dans maintes circonstances, que nous aurons à signaler dans la seconde partie, c'est surtout parceque l'un des puissants belligérants avait intérêt à ne pas laisser les neutres fréquenter les ports de son ennemi; c'est ce qui ressortira des faits qui seront consignés dans les chapitres XXI et XXVI.

Le droit de contrôler et de visiter les bâtiments de commerce des nations neutres, le droit d'interdire le transport de certaines marchandises, dont les belligérants puissants se sont arrogés l'exercice, et notamment le droit de nécessité invoqué par l'Angleterre pour justifier les procédés les plus arbitraires employés par elle à l'égard des neutres, sont autant d'entraves réelles à la li

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