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berté commerciale des neutres faibles, obligés de subir la loi du plus fort et de s'exposer à se compromettre envers l'un des belligérants en obéissant aux exigences de l'autre. « C'est ainsi», dirons-nous, avec M. Chaix d'Est-Ange 1), « qu'au nom de la néces«sité de deux belligérants, toute guerre maritime devient né« cessairement universelle. Est-il donc vrai qu'un semblable droit « existe ? ...... Ce droit n'a, en effet, aucun fondement; si la né«cessité de nuire à l'ennemi existe pour le belligérant, la nécessité « de vivre par le commerce n'existe-t-elle pas pour les neutres ? » « Et quel est donc ce droit», dit de son côté M. Hautefeuille 2), qui existe en faveur des puissants contre les faibles et qui cesse « d'exister en faveur des faibles contre les forts? C'est l'abus de « la force, c'est l'injustice, c'est la mauvaise foi érigée en système « et appuyée sur de nombreuses flottes.» (Voir 2o partie, chap. IV, XII, §§ 1 à 9; XXI, XXIV, XXV, XXVI, XXXI, §§ 7 et 8; ces chapitres présentent de nombreuses justifications de l'opinion exprimée par M. Hautefeuille.)

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§ 3.

De la déclaration de guerre.

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« Lorsque tout espoir de conciliation est perdu», dit Gérard de Rayneval, «< il faut, pour établir légalement l'état de guerre, « la faire précéder d'une déclaration ou d'un manifeste; cette « déclaration est nécessaire pour fixer d'une manière précise l'é"poque des hostilités et pour déterminer celle des réclamations «lors des négociations de la paix. >>

Malheureusement ce n'est pas toujours ainsi que procédent les États. (Voir Livre II, chap. IV et VII.)

On l'a vu (§ 4); maintes fois le jour même où la guerre a été déclarée, l'État qui se déterminait à commencer les hostilités, a fait saisir dans ses ports tous les bâtiments de la nation devenue momentanément ennemie, qui s'y trouvaient (§ 5, et Livre II, chap. IV et XI); aussi un grand nombre de traités ont-ils voulu prévenir un acte d'aussi brutale injustice en stipulant qu'un délai serait accordé aux sujets de chacun des souverains contractants, qui se trouveraient sur le territoire de l'autre, pour pouvoir se

1) L'illustre et savant jurisconsulte, l'une des gloires actuelles du barreau français. 2) Dans le remarquable ouvrage qu'il a publié, de nos jours, sur les droits et les devoirs des nations neutres.

retirer, sans qu'il leur fut fait aucun dommage, avec leur famille, leurs vaisseaux et leurs propriétés (§ 6).

<< Tout gouvernement qui respecte les jugements de l'histoire, <«< doit faire une proclamation de guerre avant de commencer les <«< hostilités, et en faire donner communication à la nation qu'il se <«< croit en droit d'attaquer; il doit, d'ailleurs, notifier son intention dit << de faire la guerre, non pas seulement à sa propre nation »>, Gérard de Rayneval, «mais aussi aux nations neutres: sans cette << précaution, les nationaux pourraient exposer imprudemment leur << personne et leur fortune, et les neutres seraient autorisés à con<<< tinuer leur navigation et leur commerce comme en temps de paix, « et à regarder comme une injure les gênes auxquelles on pré<< tendrait les soumettre. >>

Le silence gardé établissant une présomption défavorable seconderait la mauvaise foi et la calomnie.

§ 4.

De la rupture de la paix sans déclaration de guerre.

dit encore Gérard de <«< Une guerre sans déclaration préalable », Rayneval, que nous aimons à citer parcequ'il fut un diplomate expérimenté et un publiciste homme de bien, «est un guetapens. « une violation de la foi publique, et un véritable brigandage; « c'est la guerre des pirates et des flibustiers. » (Voir Livre II, chap. IV et XI.)

Les hostilités qui éclatèrent entre la France et la Grande-Bretagne, en 1778 (voir Livre II, chap. VII) ne furent ni précédées ni suivies d'une déclaration de guerre les deux Puissances se bornèrent à publier des manifestes expositifs de leurs griefs respectifs et des motifs qui les avaient déterminées à la guerre.

La cause qui a fait omettre cette formalité de part et d'autre, a été que chacune des deux Puissances accusait l'autre d'être l'agresseur. La cour de Londres trouvait l'agression dans une note remise par l'ambassadeur de France, en mars 1778; et la cour de Versailles la mettait dans le combat qui eût lieu entre quelques frégates au mois d'avril de la même année. (Voir chap. II, § 4.)

Il est constant, selon nous, que la Grande-Bretagne avait provoqué la guerre par les vexations qu'elle faisait éprouver à la navigation française. 1)

1) Gérard de Rayneval en reproduisant les faits qui précèdent et que sa position officielle au ministère des affaires étrangères lui a permis de parfaitement connaître

L'attaque inopinée de la flotte hollandaise par les Anglais, en 4672, sous Charles II; l'attaque de la flotte hollandaise, en 1718; l'attaque et la prise des bâtiments de guerre français et ceux de la marine commerciale, en 1756, sans déclaration de guerre (voir Livre II, chap. IV); et tant d'autres circonstances analogues sont de nature à justifier l'opinion de Gérard de Rayneval: «Une guerre << sans déclaration, c'est la guerre des pirates et des flibustiers. »> Nous avons dit ailleurs l'opinion du chevalier d'Abreu et celle de Jérémie Bentham blamant la facilité avec laquelle l'Angleterre se laisse aller à abuser de sa Puissance navale pour s'affranchir des obligations que le droit des gens impose à tous les États: sa conduite envers la Grèce, en 1850, prouve que ses principes ne sont pas changés. (Voir Livre II, chap. XXXVI.)

Voici en quels termes s'explique l'abbé Raynal en parlant de la rupture sans déclaration, de la part de l'Angleterre, en 1755 : << Lorsque l'Angleterre crut que la, dissimulation ne lui était plus << nécessaire, elle commença les hostilités, sans les faire précéder « d'aucune de ces formalités qui sont en usage chez les peuples « civilisés. >>

« Ce peuple, réputé si fier, si humain, si sage, réfléchit-il à <«< ce qu'il faisait? Il réduisait les conventions les plus sacrées des « nations entre elles aux leurres d'une perfidie politique; il les af<«< franchissait du lien commun, en foulant aux pieds la chimère 1) « du droit des gens; les Anglais se félicitèrent d'une infamie

<«< contre laquelle toutes les voix de l'Europe s'élevèrent avec in« dignation. L'hostilité, sans déclaration de guerre, lors même qu'il « n'y a point de traités de paix, est un procédé de barbares. « L'hostilité, contre la foi des traités, mais précédée d'une décla<«<ration de guerre, de quelque prétexte qu'elle ait été palliée, << serait d'une injustice révoltante si l'usage n'en avait été si fré« quent, et si presque toutes les Puissances n'en avaient à rougir. « L'hostilité sans déclaration de guerre, contre un peuple voisin qui sommeille tranquillement sur la foi des traités, le droit des

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avoue d'ailleurs que le cabinet de Versailles ne se détermina pas, par ce seul motif, à s'unir aux Américains: outre les motifs justificatifs exposés dans le manifeste qu'il publia, il avait un motif secret, savoir la diminution de la Puissance de la GrandeBretagne, par la perte de ses colonies, et la réparation pour la France d'une partie des sacrifices arrachés par la paix de 1763. (Voir Livre II, chap. IV et VII.)

2) On doit regretter de rencontrer cette expression au milieu des paroles chaleureuses par lesquelles l'abbé Raynal flétrit la rupture sans déclaration : le droit des gens n'est point une chimère; toutes les nations civilisées doivent désirer ou vouloir qu'il soit et reste une vérité, une sorte de code qui réunisse les doctrines que les États doivent respecter et pratiquer, les dogmes politiques internationaux dont la stricte observation devient un devoir sacré pour tous les États, grands et petits.

« gens, un commerce réciproque de bienveillance, des mœurs civi<«lisées, le même Dieu, le même culte, le séjour et la protection de << ses citoyens dans la contrée ennemie, le séjour et la protection des <<< citoyens de l'ennemi secret dans la sienne, est un crime qui serait <<< traité entre les sociétés, comme l'assassinat sur les grandes routes, << dans chacune d'elles, et contre lequel, s'il y avait un code exprès, « comme il y eu a un tacite 1), formé et souscrit entre toutes les << nations, on lirait qu'on se réunisse contre le traitre et qu'il soit « exterminé de dessus la surface de la terre! Celui qui le commet, << jaloux sans frein et sans pudeur de son intérêt, montre qu'il << est sans équité, sans honneur; qu'il méprise également et le «jugement du présent et le blâme de l'avenir; et qu'il tient plus << à son existence entre les nations qu'à son rôle dans l'histoire. >>

Dans son style quelque peu déclamatoire, l'abbé Raynal dont l'opinion mérite d'ailleurs d'être recueillie, a exprimé la même pensée que Gérard de Rayneval a su réduire en un aphorisme du droit des gens: «Une guerre sans déclaration, c'est la guerre « des pirates et des flibustiers ! >>

§ 5.

De l'embargo mis, par la Puissance qui déclare la guerre, dans ses ports, sur les bâtiments de guerre de la nation ennemie.

Au titre II, § 49, nous avons expliqué ce que l'on entend par embargo, arrêt de prince, ou arrêt par ordre de Puissance.

Il est arrivé, trop fréquemment, que l'embargo ait été mis par un souverain sur tous les bâtiments qui se trouvaient dans ses ports au moment où il déclarait la guerre, et qui appartenaient aux sujets du prince auquel s'adressait cette déclaration (§§ 1 et 3); les traités publics se sont efforcés de faire abandonner cet injuste moyen de nuire à l'ennemi.

L'embargo prononcé en semblable circonstance est borné quelquefois au séquestre des bâtiments jusqu'à la paix ; il peut aussi être suivi de la confiscation des bâtiments et de leur vente au profit du trésor public.

Au reste, l'usage des nations (quand un traité dont elles respectent les dispositions ne l'a pas modifié), de saisir dans les ports, au moment de la déclaration de guerre, les bâtiments de la nation devenue momentanément ennemie qui peuvent s'y trouver,

1) Le droit des gens n'est donc point une chimère, puisque ce code tacite existe.

est un droit qui n'a été que bien rarement contesté; usage déplorable et brutal, auquel devrait être substitué à jamais dans le droit public de chaque État en particulier, le principe libéral, plus conforme à la justice et à l'humanité, consacré par un grand nombre de traités, et qui consiste à accorder un délai de six mois ou d'un an aux négociants de la nation devenue ennemie, pour retourner dans leur patrie avec leurs vaisseaux et leurs propriétés (§ 6).

A cette occasion, nous devons rappeler, mais avec regret, car la France est notre patrie et nous voudrions trouver, en toutes circonstances, son gouvernement juste, lorsque nous avons, si fréquemment, à gémir de trouver ses habitants ingrats, légers et inconséquents; à cette occasion, disons nous, nous devons rappeler avec regret que le décret impérial du 6 octobre 1806 a prononcé contre les bâtiments prussiens qui se trouvaient dans les ports français, la saisie et la confiscation, le jour même où l'empereur Napoléon déclara au Roi Frédéric-Guillaume III la guerre à laquelle mit fin le traité qui fut signé à Tilsit, en 1807.

<< La détention en cas de rupture », dit Gérard de Rayneval, « d'un navire entré dans un port à l'ombre de la paix et sous la sauvegarde des traités, est une surprise, un acte de perfidie <«< qui sape par leurs fondements les rapports qui doivent exister << de nation à nation. >>

ང་

Il eût été plus généreux de la part du gouvernement français de ne pas faire l'application d'un droit de souverain belligérant (en l'absence d'un traité qui le lui aurait interdit sans doute); il eût été plus digne de l'homme éminent qui régnait en France de s'abstenir de prononcer la confiscation des bâtiments prussiens, dédaignant de cette sorte d'user d'un droit, incontesté, mais barbare, dont l'origine remonte à un temps où la force l'emportait fréquemment sur la justice, et que repousse la civilisation plus avancée de notre époque. 1)

En certaines circonstances, l'embargo est uniquement une interdiction de commerce par voie de coërcition, ainsi qu'il arriva à l'époque de la séparation de la Belgique et de la Hollande, en 1830, 1834 et 1832; on peut consulter sur ce point le traité du 22 août 1832, entre la France et la Grande-Bretagne, pour l'exécution du traité du 15 novembre 1831.

Un grand nombre de traités (nous avons indiqué les principaux

1) Voir à la 2e section du § 10 les déclarations de la France en 1854, concernant le délai accordé aux bâtiments russes.

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