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négociants anglais, hollandais, français; leur réponse sera la même : ils voient avec horreur les armements en course, et ils apprendraient, avec la plus vive satisfaction, qu'à la paix prochaine, les Puissances belligérantes se sont promis en cas de rupture, de ne plus permettre à leurs sujets le métier de corsaire, et de défendre à leurs vaisseaux d'insulter les navires marchands ennemis et de s'en saisir.» Voeux stériles jusqu'à présent!..... 1)

Nous pensons avec les négociants anglais, hollandais et français, avec Mably et avec les publicistes qui ont reproduit l'opinion exprimée par cet écrivain, que la liberté du commerce maritime en temps de guerre devrait rester la même pour tous les bâtiments neutres, et même de nations ennemies; et qu'il devrait être uniquement défendu, aux uns comme aux autres, de communiquer avec les ports bloqués et de transporter, dans les ports des belligérants, des articles réputés contrebande de guerre.

Eh quoi! quand les traités publics déclarent tous, d'une part, qu'en cas de rupture, un délai de deux ans, d'un an, de six mois, sera accordé aux sujets respectifs de chacune des deux Puissances, établis sur le territoire de l'autre, pour se retirer sous la protection de sauf-conduits, avec leurs vaisseaux et leurs propriétés, et même, selon quelques traités, que les sujets respectifs pourront continuer de séjourner pendant la guerre sur le territoire des belligérants et y continuer leur commerce; d'autre part, que les sommes dues par les citoyens de l'une des deux nations à ceux de l'autre, les actions qu'ils pourront posséder dans les fonds publics, ou dans les banques nationales, etc., seront à l'abri de toute confiscation; quand, enfin, dans les guerres continentales, ce sont les gouvernements seuls qui au moyen des armées régulières qu'ils entretiennent se font la guerre, en interdisant même à leurs soldats autant que possible les dévastations inutiles sur le territoire ennemi, et les mauvais traitements envers les populations du pays envahi, leur ordonnant au contraire de respecter les propriétés particulières ......

Eh quoi! c'est en présence de semblables faits, de semblables doctrines fondées sur la justice, l'équité, la raison et l'humanité, que les gouvernements n'hésitent pas à autoriser la course, c'est

1) Depuis que Mably a tracé la pensée généreuse et salutaire que nous avons reproduite, de grandes guerres maritimes ont eu lieu, des traités solennels y ont mis fin en 1763, 1783, 1802, 1814; un congrès imposant a été tenu en 1815,..... et la course n'a pas été abolie par les gouvernements. (Voir la déclaration de 1854 à la section deuxième du § 10.)

CUSSY. I.

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à-dire la piraterie officielle; qu'ils n'hésitent pas à seconder les efforts de la cupidité contre le commerce inoffensif!.......

Nous devons espérer qu'une époque viendra enfin, où les gouvernements maritimes, les grands États maritimes, s'entendront pour purger le droit maritime des nations de l'usage immoral de la course.

Mais quand à la suite d'une paix qui dure d'une manière à peu près générale, depuis 1814, les traités les plus récents renferment encore les stipulations qui ont pour but, en quelque sorte, en cas de rupture survenant entre les contractants, de régler la course, au lieu de la déclarer solennellement abolie, on doit craindre que l'usage, contre la durée et le maintien duquel nous nous élevons, ne soit longtemps encore l'un des moyens employés par les belligérants pour nuire à leur ennemi 1); dans le paragraphe 21 nous serons dans le cas de signaler quelques uns de ces traités.

Revenons à la course.

L'armement en course a de tout temps été favorisé.

Mettant en pratique le droit que possède tout belligérant d'affaiblir son ennemi, les gouvernements ont vu dans cette piraterie légale un moyen d'atteindre ce but, en s'aidant (sans augmentation pour eux des frais de la guerre), des armements effectués par les particuliers; flibustiers patentés, les armateurs sont devenus les auxiliaires parasitiques des bâtiments de la marine militaire de l'État.

Nul armateur ne peut d'ailleurs équiper un bâtiment en guerre, sans être muni d'une commission délivrée, à cet effet, par le souverain; la composition de l'équipage doit être conforme aux prescriptions des réglements pour le temps de paix.

Le gouvernement français essaya, sur la demande de l'Assemblée constituante en 1791, d'abolir la course d'un commun accord avec les gouvernements étrangers; il s'agissait dès lors d'assimiler les droits et usages de la guerre maritime aux droits et usages de la guerre continentale, et de distinguer, dans toutes les circonstances, la propriété particulière de la propriété publique. Cette pensée généreuse qui fut bien accueillie par les États-Unis, par la Hollande et par les Villes anséatiques, fut repoussée par la Grande-Bretagne lorsqu'elle lui fut soumise par M. de Chauvelin, ministre de France à Londres ! ......

1) Voir à la section deuxième du § 10, la déclaration collective de la France et de la Grande-Bretagne, en 1854, portant que les armements en course ne seront point autorisés et qu'il ne sera pas délivré de lettre de marque.

Force fut donc, en quelque sorte, à la France de suivre l'ancienne voie, pendant les guerres qu'elle eût à soutenir jusqu'en 1844, contre l'Angleterre. 1)

L'usage ayant prévalu jusqu'à présent d'autoriser les sujets propres à faire la guerre à leurs frais, et à s'emparer des bâtiments inoffensifs et non-armés de l'ennemi, ainsi que des marchandises, propriété de négociants fort innocents des querelles qui existent entre leur gouvernement et un gouvernement étranger, il ne nous reste plus, quant à présent, qu'à indiquer les conditions auxquelles la course maritime peut avoir lieu, tant en vertu des réglements particuliers, que des traités publics; c'est ce que nous allons faire dans les §§ 21 et 22 sur les lettres de marque et la caution des armateurs.

Qu'il nous soit permis toutefois, avant de terminer ce paragraphe, de rappeler l'opinion de Georges de Martens, au sujet de la course et de la recousse. Après avoir dit combien il semble difficile d'entrainer les États à abandonner un moyen de nuire à l'ennemi, qui ne leur coûte rien, le savant publiciste continue en

ces termes :

« Delà, cette inconséquence frappante que tandis que dans les << guerres du continent les nations civilisées de l'Europe s'efforcent « à en faire retomber le fardeau, le moins possible, sur les sujets << paisibles de l'ennemi, et qu'elles respectent leurs propriétés << moyennant une contribution levée, et n'autorisant le pillage que << dans quelques cas extraordinaires, on a conservé dans les guerres <«< maritimes l'usage barbare de priver les sujets ennemis de leurs « navires et de leurs cargaisons, en défendant même, presque « généralement aujourd'hui, d'accepter aucune rançon. >>

En parlant, à l'occasion de la recousse, ou reprise des bâtiments capturés par l'ennemi, de la différence établie entre l'indemnité accordée au recapteur, s'il porte le pavillon militaire, et celle que reçoit l'armateur-corsaire qui a effectué la recousse, Georges de Martens s'exprime comme il suit: «La gloire et le << devoir appellent l'officier à combattre l'ennemi, toutes les fois <«< qu'il y va de l'intérêt de son souverain, et l'honneur est la ré<«< compense de ses travaux et de ses dangers. Il n'en est pas de « même de l'armateur: indifférent au sort de la guerre, et souvent « de sa patrie, il n'a d'autre amorce que l'avidité du gain, d'autre « récompense que ses prises et les prix attachés par l'État à ses

1) En 1854, la France et l'Angleterre ont renoncé aux armements en course et aux lettres de marque: cette mesure sage, juste, humaine, honnête deviendra-t-elle dans l'avenir un principe certain, fixe, et respecté du droit des gens?

« pirateries privilégiées. Pour encourager des particuliers à faire « les frais considérables des armements en course, il faut leur pré«senter l'appât d'un riche butin, et, en leur prescrivant une mo« dération qu'ils se promettent bien de ne point observer, ne pas « les effrayer par des restitutions trop multipliées qu'on leur im<< poserait. >>

Nous aimons à reproduire ces paroles du savant publiciste allemand elles stigmatisent beaucoup mieux que nous ne l'avons fait nous même, dans cet article et dans divers passages de notre ouvrage, l'institution de la course, dont nous regardons le maintien dans la législation maritime des États chrétiens, comme une honte pour les gouvernements, comme une flétrissure pour la civilisation du 19e siècle. 1)

§ 21.

Des lettres de marque.

Il ne faut pas confondre les lettres de marque que délivre un souverain pour les armements en course, pendant la guerre qu'il soutient contre une nation devenue momentanément ennemie, avec les lettres de représailles dont il a été parlé au titre II, § 54, et qui sont quelquefois délivrées au sein de la paix.

Les lettres de marque étaient nommées autrefois commissions de guerre.

L'objet des lettres de marque est d'autoriser les armateurs particuliers à courir les mers pour s'emparer de tous les bâtiments marchands de la nation ennemie; arrêter et visiter les navires des nations neutres et saisir les marchandises réputées contrebande de guerre, dont ils pourraient être chargées.

Les lettres de marque ne peuvent être accordées que par le souverain de la nation à laquelle appartient l'armateur; tout armateur faisant la course sans être muni de lettres de marque, est considéré comme pirate, et puni comme tel par sa propre nation.

Mais s'il arrive qu'un bâtiment de commerce, à bord duquel il se trouve ordinairement, en temps de guerre, plus de moyens de défense qu'en temps de paix, fasse quelque prise en se défendant, il n'est point considéré comme ayant violé les lois sur les armements en course; le bâtiment par lequel il a été attaqué et qu'il a capturé, sera déclaré de bonne prise à son profit. Au

1) Voir au titre II, § 48 sur les assurances maritimes, le fait signalé par Emérigon, et l'opinion de M. le professeur Pardessus touchant les assurances faites par l'ennemi.

reste pour se prémunir contre toute difficulté qui pourrait être soulevée à leur retour, il arrive que quelques bâtiments de commerce n'ayant pas l'intention de faire la course réclament la délivrance de lettres de marque.

Les réglements particuliers publiés dans divers pays font défense à tous les nationaux de prendre des commissions ou lettres de marque d'aucun roi, prince ou États étrangers, pour armer des bâtiments en guerre et courir la mer sous leur bannière, sous peine d'être traité comme pirate. L'article III du titre IX, Livre III de l'ordonnance de 1684 porte cette défense, mais en ajoutant « si ce n'est par notre permission ».

Cette permission ne serait plus accordée aujourd'hui: l'opinion publique flétrirait tout gouvernement qui l'accorderait.

Elle serait une violation manifeste de la neutralité de la part du souverain qui aurait fait connaître, ou qui aurait démontré, par son attitude, qu'il voulait ne prendre aucune part aux hostilités ouvertes entre deux ou plusieurs États.

Aussi, pour aller au devant de cette infraction possible aux devoirs de la neutralité, les traités publics portent que, dans le cas où l'une des parties contractantes se trouverait en guerre avec une tierce Puissance, il serait formellement défendu aux sujets respectifs des deux souverains contractants de recevoir, de quelque prince ou État que ce soit, des lettres de commission ou de marque, pour faire acte d'hostilités contre les bâtiments de la nation du souverain contractant, devenu belligérant.

Cette clause est inscrite dans un grand nombre de traités, notamment dans ceux qui ont été conclus en:

1713, entre la France et la Grande-Bretagne ;

1753, >> les Deux-Siciles et les Provinces-Unies des Pays-Bas ; 1778 et 1800, entre la France et les États-Unis ;

>>

1794 et 1806,
1795, entre l'Espagne et les États-Unis ;

les États-Unis et la Grande-Bretagne ;

1801,

1848,

1840,

1843,

>>>> la Suède et la Russie;

>>> le Danemarck et la Prusse;
>>> la Sardaigne et l'Uruguay;

la France et l'Équateur.

Plusieurs de ces traités stipulent également que les corsaires étrangers munis de commissions ou lettres de marque de l'une des Puissances en guerre, ne pourront armer dans les ports des États neutres, ni y vendre les prises qu'ils y auront conduites.

Il est interdit à tout corsaire, régulièrement muni de lettres

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