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de marque de son propre souverain, d'accepter en même temps des lettres de même nature d'un autre souverain, à plus forte raison d'accepter des lettres de marque de deux souverains étrangers; nous avons déjà dit que divers réglements particuliers interdisaient même d'accepter des lettres de marque de tout souverain étranger.

L'acceptation de lettres de marque de la part de deux ou plusieurs nations belligérantes, serait une honte et un crime pour l'armateur qui les auraient reçues; cet armateur se mettrait, en effet, dans le cas d'être traité comme pirate. Masquer le dessein d'attaquer un bâtiment au moyen d'un pavillon autre que celui, le seul, qu'un navire ait le droit d'arborer, le pavillon de la nation à laquelle il appartient, est l'acte d'un forban; l'armateur qui n'a pas hésité devant l'infamie dont il se couvrait en allant mendier, auprès de plusieurs princes, le honteux privilège de pouvoir piller, à l'abri de leur bannière, les bâtiments inoffensifs des diverses nations contre lesquelles ces princes se trouvent en guerre (ayant de cette sorte, et dans ce but, la faculté de changer son pavillon selon que les circonstances l'exigent), cet armateur commet un acte tout aussi coupable; il mérite le sort réservé aux brigands et écumeurs de mer du plus bas étage. (Voir Livre II, chap. XXIV.) A l'occasion des lettres de marque qu'un armateur reçoit d'un prince étranger, Vattel s'exprime comme il suit :

« C'est pour des étrangers un métier honteux que celui de « prendre des commissions d'un prince étranger pour pirater sur <«< une nation absolument innocente à leur égard la soif de l'or <<< est le seul motif qui les invite, et la commission qu'ils reçoivent, << en les assurant de l'impunité, ne peut laver leur infamie.»

Si la commission pour la course délivrée, par un prince étranger, a pû assurer quelquefois l'impunité à l'armateur-corsaire, ainsi que le dit Vattel; si elle l'assure encore, peut être, dans quelque pays, il est certain du moins que divers réglements particuliers mettent au ban de la société l'homme qui s'est rendu coupable du crime d'avoir fait la course sous plusieurs pavillons.

Voici notamment en quels termes s'exprime la loi française du 22 mai 1803, sur les armements en course: «Tout capitaine con<«< vaincu d'avoir fait la course sous plusieurs pavillons, sera, ainsi << que ses fauteurs et complices, poursuivi et jugé comme pirate. »

Certes, nous ne plaçons pas sur la même ligne les armateurs qui réclament des lettres de marque de leur souverain propre, pour exercer la course contre les bâtiments de la nation momentanément ennemie de leur prince ou de l'État; et les armateurs

I

qui acceptent ou mendient des lettres de marque d'un souverain · étranger « pour pirater sur mer » (impunément, peut-être, selon le pays auquel ils appartiennent), « sur une nation absolument in«nocente à leur égard»; cependant, comme il ne saurait être douteux dans l'un et l'autre cas, que «la soif de l'or» ne soit l'unique mobile des armements en course, nous étendons aux uns comme aux autres l'anathème prononcé par Vattel avec tant de raison contre ces derniers; nous disons que le métier de corsaire est devenu un métier honteux, et nous répétons que les gouvernements sont blåmables de favoriser le développement des sentiments cupides qui animent uniquement les armateurs-corsaires, en n'abolissant pas, d'un commun accord et d'une manière solennelle et définitive, un usage qui blesse tout à la fois la justice, la morale et la raison universelle.

Il est à peu près superflu de dire, en terminant ce paragraphe, qu'aucun corsaire ne peut tirer le coup de semonce, ou d'assurance, sous un pavillon étranger, a fortiori ne peut-il combattre ou donner la chasse à un bâtiment, sous un autre pavillon que celui de la nation à laquelle il appartient. ( Voir Livre II, chap. XVIII.)

§ 22.

De la caution des armateurs.

«Pour obvier aux pilleries et déprédations qui se renouvellent journellement sur mer » (dit la déclaration du roi de France, Louis XIV, du 1er février 1650) « par gens sans aveu qui poursuivent les vaisseaux tant de nos alliés que de nos sujets, les forcent et détroussent lorsqu'ils les trouvent à leur avantage, nous ordonnons, conformément aux ordonnances des rois François Ier et Henri III, des années 1543 et 1584, que les navires d'aucun de nos sujets ne pourront aller hors le royaume, en voyage de long cours ou autrement, soit en guerre ou marchandises, ....... sans congé et commission, ...... et sans avoir, auparavant que partir, baillé caution de ne méfaire à nos sujets, amis et alliés

...... »

L'ordonnance de marine du mois d'août 1684 renferme également l'obligation de cette caution, qu'elle fixe à la somme de quinze mille livres.

Cette mesure est parfaitement sage; en temps de paix l'armateur est responsable des faits de son capitaine (voir titre II, § 2); il est juste qu'en temps de guerre les armateurs autorisés à équiper des bâtiments pour faire la course, soient également responsables,

dans leur personne et dans leur fortune, de toutes les vexations, de tous les actes de violences et de déprédations, dont leurs équipages pourraient se rendre coupables; et qu'ils soient tenus de payer, à titre de dédommagement des retards et frais, une indemnité aux capitaines des bâtiments neutres capturés, ou des bâtiments ennemis déjà rançonnés et repris, etc., qu'ils auraient conduits dans un port, si la prise n'est pas validée. (Voir Livre II, chap. XIII.)

Dans cette prévision, un grand nombre de traités ont stipulé qu'en cas de rupture entre les deux Puissances contractantes, il ne pourra être délivré de lettres de marque pour faire la course sans qu'une caution ne soit déposée par les armateurs, assez élevée pour pouvoir répondre des dommages et torts que le capitaine et les gens d'équipage du corsaire pourraient faire dans leur course, contrairement aux traités publics, aux édits et réglements maritimes.

On peut consulter au sujet de la caution des armateurs, les traités de 1677, 1713 et 1786, entre la France et la GrandeBretagne; de 1755, entre les Deux-Siciles et la Hollande; de 1782, entre les États-Unis et la Hollande; de 1794, entre la GrandeBretagne et les États-Unis ; de 1800, entre la France et les ÉtatsUnis; etc. etc.

Les traités de 1677 et de 1713, entre la France et la GrandeBretagne, avaient fixé la caution à 16,500 livres, de France, pour les bâtiments montés par un équipage de moins de 150 hommes, et à 36,000 livres par les bâtiments dont l'équipage s'éleverait à plus de 150 hommes.

Le traité de 1786, entre les mêmes Puissances, a élevé la caution, dans les mêmes conditions de force des équipages, à 36,000 et à 72,000 livres tournois (1,500 et 3,000 livres sterling).

L'article XX de l'arrêté du gouvernement français, rendu le 22 mai 1803 (2 prairial an XI) porte que les armateurs ne sont responsables des délits et déprédations commis en mer par l'équipage du navire qu'ils ont armé en course, que jusqu'à la concurrence du cautionnement (ou caution), à moins qu'ils n'en soient participans ou complices: ce cautionnement est de 37,000 francs pour les navires montés par 150 hommes et au dessous, et de 74,000 francs, si l'équipage présente un personnel plus nombreux.

Le cautionnement, ou caution des armateurs, a pour objet aux termes de l'arrêté du 22 mai 1803 de répondre à tous intéressés (au nombre desquels sont compris les propriétaires des marchandises et des bâtiments injustement capturés), de tous dommages,

pertes, pillages, pirateries, qui auraient été commis à leur égard; enfin, aux droits que dans certains cas les capteurs, conformément aux réglements sur les prises maritimes, doivent payer au gouvernement.

§ 23.

De la mer territoriale, en temps de guerre, en ce qui concerne les hostilités, les prises, etc.

Le § 40 du titre II a été consacré à la mer territoriale: la distance à partir des côtes, à laquelle s'étend en principe la souveraineté de l'État sur la mer qui baigne son territoire, y a été indiquée. Les opinions des publicistes et de plusieurs gouvernements sont fort divisées sur ce point; toutefois, on admet assez généralement la portée du canon placé sur le rivage.

L'arrêt du conseil des prises de France, en date du 27 thermidor an VIII (15 août 1800), a consacré la distance de deux lieues marines, comme formant la limite derrière laquelle aucune prise ne peut être effectuée légalement ni déclarée bonne.

Le domaine de la mer au-delà des bornes naturelles, ou conventionnelles en vertu des traités publics, est une prétention qu'ont eue diverses nations et dont le temps et la raison publique ont fait justice; mais en deça de ces bornes naturelles, le droit de tout souverain dont le territoire est baigné par la mer, n'est pas douteux et chacun doit le respecter.

C'est en vertu de ce droit positif, et des devoirs qui en résultent pour les autres nations, qu'un bâtiment armé en guerre ne saurait franchir cette limite naturelle et conventionnelle tout à la fois, pour poursuivre un ennemi, lui livrer combat, et le capturer, sans porter atteinte à l'indépendance, ainsi qu'à la dignité du souverain territorial et de l'État.

Est-ce à dire que ce droit des États maritimes sur la mer territoriale a toujours été respecté ? Non certes.

Or, il faut bien le dire, plus qu'aucune autre, la marine militaire de la Grande-Bretagne s'est permis ces violations manifestes du droit maritime des nations que nous aurons à signaler, déplorables épisodes des vingt années de guerre (sauf la courte paix conclue à Amiens, en 1801), qui se sont écoulées depuis l'année 1793 jusqu'à la paix générale de Paris en 1814! Les faits que nous reproduirons, dans les chapitres XII et XXIV, notamment du Livre II, en font foi.

Par extension au principe de la souveraineté sur la mer territoriale, on peut dire que le droit de police et de protection appartenant au souverain du territoire baigné par la mer, lui appartient également dans l'atmosphère de ses bâtiments de guerre en pleine mer.

<«< Un vaisseau qui navigue en pleine mer, ce patrimoine com<< mun de toutes les nations» (selon l'expression de M. Dupin) 1), «< ce vaisseau qui voyage à pleines voiles emporte avec lui sur «<l'Océan une souveraineté ambulatoire, momentanée, fugitive << comme son passage, incontestable toutefois. Un vaisseau dans cette << situation a même une sorte de territoire autour de lui, une atmosphère propre qui a pour mesure la portée de ses canons. Cela << est si vrai que si un navire poursuivi par un autre se réfugie << dans ce rayon il sera à l'abri des poursuites de l'agresseur <«< comme s'il était dans une rade ou dans un port neutre. »

C'est en s'appuyant sur cette doctrine, parfaitement sage, que dans un grand nombre de traités la protection réciproque des navires respectifs des deux États contractants a été stipulée, et doit être accordée aux navires de l'un par les bâtiments de guerre de l'autre. Ainsi, lorsqu'un bâtiment est poursuivi (non pas seulement par des pirates, mais par les bâtiments armés du pays avec lequel le souverain du bâtiment poursuivi se trouve en guerre), s'il rencontre un bâtiment de guerre d'une Puissance neutre, toute poursuite doit cesser du moment que le bâtiment poursuivi se trouve dans le rayon de la portée des canons du bâtiment de guerre neutre, aussi bien que si le bâtiment poursuivi avait pu atteindre un port neutre et y trouver un abri.

§ 24.

Des moyens de nuire à l'ennemi.

Le droit de guerre dérive de l'indépendance des États, de l'égalité qui existe entre eux, et du principe naturel de propre conservation.

Une fois les hostilités ouvertes, le droit terrible de guerre rend licites, selon les usages reçus, bien des mesures déplorables, mais dont l'emploi est justifié en partie par la nécessité, ou la pression impérieuse des circonstances et des événements.

4) Ancien procureur général à la cour de cassation de Paris et ancien président de la chambre des députés.

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