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mains et les ménagements infinis dont il usa, supprima la piraterie comme puissance, mais non pas comme métier. Elle continua, après comme avant cette époque d'insolence, plus obscure et, dans les limites qu'elle accepta, non moins efficace1. Les mêmes nécessités du luxe en stimulaient l'activité et désarmaient la répression. Sur ce grand marché de Délos, dans cette confusion de toutes les langues, en achetant en gros la marchandise (pourvu qu'elle ne recélát point un citoyen), on ne s'informait pas trop auprès du marchand d'où elle venait; et, en Sicile, on avait fait l'expérience qu'il n'était pas prudent d'inviter les esclaves à le dire. La piraterie, en se dissimulant davantage, avait même étendu son domaine; elle s'était essayée sur terre comme sur mer, non par des descentes passagères et rapides, mais par un séjour plus continu. A la faveur des guerres civiles, elle put se démasquer; et depuis, au sein méme de la paix, elle osait plus ouvertement se produire. Des hommes, qui allaient armés comme pour se défendre, tombaient sur les voyageurs au milieu des champs, et les entraînaient, libres ou esclaves, dans les ergastules, où ils les « supprimaient 2». Auguste fit visiter les prisons domestiques, et mit au jour bien des abus.

1. Cicéron (De off. II, 16 et 18) compte parmi les œuvres d'une vraie libéralité le rachat des hommes pris par les pirates; et ce que Strabon disait des peuplades des rivages de l'Euxin voisins du Caucase (Achéens, Zyges, Heniochiens) s'appliquait encore au temps où il vivait. (Strabon, XI, p. 495-496.)

2. Pleraque pessimi exempli correxit, quæ in perniciem publicam. << aut ex consuetudine licentiaque bellorum civilium duraverant, aut « per pacem etiam exstiterant. Nam et grassatorum plurimi palam se « ferebant, succincti ferro, quasi tuendi sui causa: et rapti per agros viatores sine discrimine, liberi servique, ergastulis supprimebantur... «Ergastula recognovit. » (Suét. Aug. 32.) Beaucoup de prisonniers de la guerre civile y avaient été jetés. (Cic. pro Cluent. 7.)

Mais, en plus d'un lieu, ils restèrent cachés ou se renouvelèrent. Sous le règne suivant, Fannius Cæpion fut chargé de faire, dans toute l'Italie, l'inspection de ces geôles d'esclaves, où les maîtres avaient la réputation de garder, par force, des voyageurs et des malheureux que la crainte du service militaire avait jetés dans cette retraite1. Et Sénèque le rhéteur, dans ses déclamations, faisait allusion aux mêmes faits désormais impunis*.

VI

Le commerce était la voie naturelle qui mettait à la disposition de chacun ceux que la guerre ou la piraterie avait réduits en esclavage. Il se faisait à la suite des armées, dans les camps, où le général con voquait parfois les marchands pour traiter en masse de l'achat des

1. «... repurgandorum tota Italia ergastulorum, quorum domini «< in invidiam venerant, quasi exceptos supprimerent, non solum via«tores, sed et quos sacramenti metus ad hujusmodi latebras compu«lisset.» (Suét. Tib. 8.)

2. «Non curatis quod isti beati solitudines suas ingenuorum ergas« tulis excolunt, et miserrimorum juvenum simplicitate decepta, « speciosissimum quemque, ac maxime idoneum castris, in ludum <«< detrudunt. » (X, 4.) Le fait peut être vrai, quoique produit ici pour la défense d'un misérable. La loi est obligée de prévoir presque toujours le cas où l'homme libre sert comme esclave. (L. 12, § 2, D. XXXIX, iv, De publicanis et vectigalibus.)

3. Il y a, sur le commerce et la vente des esclaves, un traité fort savant de Jugler, De nundinatione servorum. Nous lui avons pris un bon nombre de textes, nous lui en avons laissé beaucoup plus encore, pour nous réduire aux faits les plus importants de la question.

4. Denys d'Hal. IV, 24; César, Bell. gall. III, 16. etc. Cf. Plaute, Capt. prol. 34:

Emit hosce de præda ambos de quæstoribus.

captifs'. A défaut de ces occasions, les marchands parcouraient les pays étrangers d'où l'homme se pouvait exporter avec profit. Carthage, qui avait des esclaves comme Tyr, pour les besoins divers de son industrie et de sa marine, en faisait aussi le commerce. Elle en tirait des tribus intérieures, pour l'approvisionnement de son marché; et, quand elle fut vaincue, on ne cessa pas de venir demander le Gétule et le Maure à l'Afrique. L'Espagne, la Gaule aussi, avaient leurs esclaves2; et l'on sait avec quel entraînement le Germain, quand il avait tout perdu au jeu, jouait, sur un dernier coup, sa liberté. Mais les marchands visitaient moins ces régions barbares que les royaumes asiatiques placés sur la lisière des possessions romaines, pays où, grâce à la misère sociale, l'esclavage était devenu comme un mal endémique, la Bithynie, la Galatie, la Cappadoce, la Syrie etc.; un de ces marchands est

1. Tite Live, XXXIX, 42; XLI, 11; César, De Bell. gall. II, 33, etc. Cf. Jugler, c. v. Ces marchands, appelés par les Grecs avspandexánλOL, se nomment à Rome mangones (maquignons) venalitii (Cic. Orat. 70); mangonici venalitii (Pline, XXI, xcví, 1); venalitiarii dans la plupart des textes du Digeste, etc. Voyez Jugler, c. iv.

2. César, Bell. gall. I, 11; VI, 13, et Festus (P. Diac. exc., v° Ambactus, p. 4). Cf. Athén. IV, p. 152 d, et VI, p. 249 a. Les Gaulois, les Germains, méprisaient l'agriculture; ils y employaient donc des esclaves. (Cés. B. gall. IV, 1; VI, 13, 22; Cic. De Rep. III, 6; Tacite, De mor. Germ. 14-17. Les Lusitaniens et les Cantabres laissaient le travail aux femmes et aux esclaves. (Justin, XLIV, 3 et 4. Chez les Lusitaniens et chez les Cimbres les esclaves étaient quelquefois immolés. On tirait des présages de l'inspection de leurs entrailles ou de leur sang. (Strab. t. III, p. 154, et VII, p. 294.)

3. α...

Servos conditionis hujus per commercia tradunt ut se quo→ que pudore victoriæ exsolvant. » (Tac. De mor. German. 24 et 25.) Quelquefois aussi la misère les contraignit de vendre leurs femmes, comme Tacite le dit des Frisons. (Ann. IV, 72.) Pour l'esclavage chez les Germains, on cite Potgieser, De statu servorum apud Germanos.

4. Plaute, Mercat. II, ш, 55 et 80, cité par Jugler, loc. laud. Lucien, Des mercenaires, 23, etc.

appelé par Horace « roi de Cappadoce'. » Quand leur assortiment était complet, ils venaient en certains lieux, plus particulièrement consacrés à ce trafic. Les marchés que nous avons désignés chez les Grecs restaient fameux chez les Romains; mais, depuis que la Grèce elle-même était devenue un pays d'esclavage, le marché de Délos, plus central, effaçait tous les autres comme entrepôt.

Rome était le grand centre de consommation: c'était à Rome que les esclaves venaient de tous les champs de bataille, de tous les marchés du monde, pour se répandre dans les services divers de la campagne ou de la ville; et, avant d'en arriver là, ils avaient pu passer en plus d'une main et faire plus d'une fortune; car un si vaste commerce se prêtait à des spéculations de toute nature. Les profits qu'on y trouvait devaient aussi tenter la cupidité romaine. Ce genre d'affaires, que Plaute déclarait malhonnête2, était rangé parmi les placements de fonds les plus lucratifs, vanté et pratiqué par Caton le censeur : il achetait de jeunes esclaves pour les dresser, comme de jeunes chiens, et profiter de ce que l'éducation ajoutait à leur valeur premières. Mais, quoi que pût faire Caton par ses conseils et par son exemple pour former les Romains à ce métier, les Grecs avaient sur eux l'avantage d'une longue expérience, et tenaient la première place sur ces marchés. On les trouvait dans la voie Sacrée, dans la voie Suburra, ou près du temple de Castor, entassés avec leur marchan

1. Horace, Ep. I, vi, 39.

2. Plaute, Capt. I, 1, 30-33.

5. Οἴκετας δὲ πολλοὺς ἐκτᾶτο, τῶν αἰχμαλώτων ὠνεύμενος μάλιστα τοὺς μικροὺς καὶ δυναμένους ἔτι τριφὶν καὶ πα δευσιν, ὡς σκύλακας πώλους, ἐνεγκεῖν. . . . ἐδίδου δὲ καὶ τῶν οἰκετῶν οἷς βουλομένοις ἀργύριον· οἱ δὲ ὠνοῦντο παῖδας εἶτα τούτους ἀσκήσαντες καὶ διδάξαντες ἀναλώμασι τοῦ Κάτωνος, μετ' ἐνιαυτὸν medievo. (Plut. Caton l'Ancien, 21.)

disc, dans de misérables tavernes', tout occupés de leurs affaires de vente et de troc; gens fort mal famés: « Ces hommes qui sont derrière le temple de Castor, ne vous y fiez pas, disait Plaute'. Ce sont, en effet, ces mêmes hommes que nous avons vus en Grèce, durs, avides, sans pitié comme sans mœurs, flétris par l'opinion, flétris par la loi même: ces traits de leur caractère ont passé, avec l'autorité des premiers jurisconsultes, dans le corps du droit romain3.

La loi avait pris contre eux des garanties dans l'intérêt de l'État et des particuliers.

Nous disons d'abord l'intérêt de l'État, car ce commerce était soumis à deux sortes d'impôts: droit d'imporlation et d'exportation (portorium), droit de vente (vectigal). Le premier était affermé aux publicains. On devait leur faire déclaration de tous les esclaves qu'on amenait : esclaves à vendre ou esclaves usuels, novices ou vétérans. On payait pour les esclaves à vendre, pour les esclaves de luxe et pour ceux des esclaves d'usage qui étaient no

1. « Qui ad Castoris negociantur nequam mancipia ementes vendentesque, quorum tabernæ pessimorum servorum turba refertæ sunt.» (Sénèque, Const. Sap. xii, 4. Cf. Martial II, LXII, 2.)

2. Pone Castoris ibi sunt subito quibus credas male.

(Plaute, Curcul. IV, 1, 489.) Voyez leur dureté (Rudens, II, VII, 492) et leurs habitudes de parjure ainsi professées dans la même pièce (V, ш, 1280):

Jusjurandum rei servandæ non perdendæ conditum'st. On les accusait quelquefois d'avoir volé les jeunes filles qu'ils mettaient en vente :

Qui scias mercari furtivas atque ingenuas virgines,
Ambula in jus.

(Plaute, Curculio, v. 626.)

3. L. 44, D, XXI, 1, De ædil. edicto. Cf. les déclamations attribuées à Quintilien (CCCLXXXV) et celles de Calp. Flaccus (v).

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