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queux, simple dans ses mœurs, méprisant les métiers, mais honorant et pratiquant l'agriculture d'où l'on voit déjà quelle part le travail libre se réservera à côté de l'esclavage dans la vie intérieure.

Il en cut une jusque parmi les sources habituelles de l'esclavage. Chez un peuple guerrier, l'une des plus communes est la guerre; et à Rome aussi elle donna souvent à l'esclavage les hommes enlevés aux peuplades voisines par la captivité. Mais on peut perdre comme on gagne à ces luttes destructives; ou, pour mieux dire, l'esclavage y gagne seul, la liberté y perd toujours; on garde des esclaves, on perd des citoyens. Aussi Rome aurait-elle abouti à une oligarchie de plus en plus étroite, elle serait devenue tout au plus une Sparte barbare, si, par un habile système, clle n'eût fait tourner à l'accroissement de la cité ce qui sert communément à l'entretien de l'esclavage. Vraiment digne de commander un jour au monde, elle conquit des hommes libres comme on faisait des esclaves; et elle s'assimila les peuples voisins soit en les associant à tous les privilèges de la cité, comme il arriva des trois tribus primitives, soit en les laissant d'abord à un degré inférieur, comme cette multitude introduite dans la ville ou retenue par la victoire sur le territoire conquis, foule obscure et sans nom, mais qui bientôt constituée par Servius Tullius, à l'image des curies, forma les plébéiens en face des patriciens. Il y eut alors à Rome deux peuples en présence : l'un dominant, l'autre inférieur et rattaché au premier par les devoirs réguliers de la clientèle ou par les obligations plus rigoureuses que peut créer, entre riches et pauvres, la pressante nécessité de la misère; mais deux peuples libres, pourtant, qui eurent, dès le règne de Servius, leur place dans une commune institution, et qui finirent par

se confondre, grâce à l'énergique persévérance des tribuns et aux prudentes concessions du sénat1.

Ainsi la guerre (et ce fut là le principe de la grandeur romaine) vint ajouter à la classe libre comme au nombre des serviteurs'.

La classe libre tenait aussi le premier rang dans toutes les fonctions que le développement d'une société réclame. Elle s'occupait d'agriculture; c'était la vie même du Romain dans la paix. Les patriciens et les plus nobles des plébéiens résidaient communément aux champs; de là les proclamations publiques faites le jour où les affaires du marché les ramenaient à la ville; de là le nom de viateurs donné à ceux qui allaient appeler le sénateur de sa campagne à la curie3; de là encore différents noms appliqués aux personnes ou aux choses qui avaient le plus d'influence ou de valeur dans l'État : les hommes considérables s'appelaient << des hommes de fonds » (locupletes), les revenus publics prenaient leur nom des pâturages (pascua), et la monnaie, du bétail (pecunia)*. On croyait avoir fait le plus

1. Niebuhr a clairement établi le fait de ces deux origines du peuple romain, sans toutefois être aussi heureux dans la recherche des éléments distincts que chacune d'elles a dû fournir à la cité primitive.

2. Denys d'Halicarnasse (II, 16) apprécie justement toute la force et la fécondité de ce principe qu'il rapporte au fondateur même de Rome: « La troisième des institutions de Romulus, la plus importante de toutes, et, selon moi, le plus sûr fondement de la liberté de Rome, c'est celle qui commandait de ne point égorger la jeunesse des peuples conquis, ni de les asservir, ni de transformer leurs terres en pâturages, mais d'envoyer des citoyens qui se partagent en lots une portion de leur territoire, et de changer les villes soumises en colonies romaines, tandis que certaines autres obtenaient le droit de cité. » 3. Cicéron, De senect. 16.

4. « Hinc et locupletes dicebant loci, hoc est, agri plenos; pecunia ipsa « a pecore appellabatur. Etiam nunc in tabulis censoriis pascua dicun

grand éloge d'un citoyen quand on l'appelait excellent colon; et cela ne s'entendait pas d'une simple direction des choses de la culture. Cincinnatus labourait sa terre de quatre arpents quand les députés du Sénat vinrent le saluer dictateur et ses mains triomphales laissaient avec la même simplicité les armes pour la charrue dès que le salut public était assuré 2. Le patrimoine du Romain était, dans les premiers temps, généralement contenu dans ces étroites limites deux arpents; puis sept3. On mettait en pratique à Rome une maxime que les Carthaginois mirent au moins en écrit: pour que le père de famille fût bien maître de son champ, on voulait que l'étendue n'en surpassât jamais la mesure de ses forces. C'est encore dans ses limites qu'étaient comprises les parts des citoyens envoyés en colonie, et Manius Curius, le vainqueur des Samnites, déclarait citoyen dangereux celui à qui cette mesure ne suffisait pas *.

« tur omnia ex quibus populus reditus habet, quia diu hoc solum vec« tigal fuerat. » (Pline, Hist. nat. XVIII, ш, 2.)

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1. Caton, De re rust. Præf., et Pline, XVIII, iv, 4-5. Nous nous servons, pour Caton, Varron et Columelle, de l'édition des Scriptores rei rustica de Schneider (Leips. 1794); pour Pline et pour les auteurs latins en général, de la collection Lemaire.

2. Ibi ab legatis seu fossam fodiens bipalio innixus, seu quum ara« ret, operi certe, id quod constat, agresti intentus... togam propere ex « tugurio proferre uxorem Raciliam jubet. » (Tite Live, III, 26.)

3. Binaque tunc jugera populo romano satis erant, nullique majo«rem modum attribuit Romulus.» (Pline, XVIII, 1, 1.) Pour les 7 arpents, iv, 3: « Hæc autem mensura plebei post exactos reges as« signata est. » Cf. Varron, De re rust., I, x, 2, et Valère Maxime, IV, III, 5.

4. « Imbecilliorem agrum quam agricolam esse debere »> (Columelle. De re rust. I, III, 9.) Sur l'agriculture à Carthage, voyez Pline, Hist. nat. XVIII, v, 1, où il dit qu'après la prise de Carthage le sénat fit traduire en latin d'x-huit volumes de Magon, traitant de cette matière.

5. Pline, XVIII, v, 3. C'était encore la mesure des champs de Regulus et de Fabius. (Valère Maxiine, IV, iv, 6, et vш, 1.)

Tant que la propriété fut contenue dans ces limites, l'esclavage, on le comprend sans peine, dut être fort restreint. Il fallait que ce petit champ suffit à toute la famille : Saturabat glebula talis

Patrem ipsum, turbamque casæ, qua feta jacebat

Uxor, et infantes ludebant quattuor, unus

Vernula, tres domini1.

Le père de famille ne pouvait donc guère avoir plus d'un aide dans ses travaux. Aussi l'esclave était-il suffisamment désigné par le nom de son maître. On disait l'esclave de Quintus, de Marcus, Quintipor, Marcipor (Q., M. puer): ces vieilles dénominations n'avaient pas, selon Pline, d'autre origine; et quand le citoyen était appelé au dehors par des devoirs publics, l'esclave prenait la direction de la ferme, secondé de quelque ouvrier de louage. Jusqu'au temps de la première guerre punique, on trouva parmi les citoyens les plus illustres des exemples de cette antique médiocrité. Ainsi Regulus, à la tête de l'armée d'Afrique, demandait son rappel, alléguant que la mort de son esclave et l'infidélité de son mercenaire laissaient son petit champ dans l'abandon et sa famille dans la détresse3.

1. Juvénal, XIV, 166.

2. « Quintipor, servile nomen frequens apud antiquos, a prænomine « domini ductum, ut Marcipor, scilicet a Quinto et Marco. » (Festus, De verb. sign. P. Diac. Exc. p. 256, éd. C. O. Müller.) Cf. Pline, XXXIII, vi, 10, et Val. Max. IV, iv, 8, sur la famille Ælia, qui comptait seize membres et moins d'esclaves que de maîtres.

3. « Villicum in agello quem septem jugerum in Pupinia habebat mor« tuum esse, occasionemque nactum mercenarium, amoto inde rustico « instrumento, discessisse.» (Val. Max. IV, iv, 6.) Au § 11, il résume en ces termes la vie de l'ancienne Rome : « Nullum aut admodum parvi ponderis argentum, paucos servos, septem jugera aridæ terræ, « indigentia domestica impensa funera, inopes dotium filias, sed egre«gios consulatus, miriticas dictaturas, innumerabiles triumphos cer<< nimus. >>

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Mais, il faut en convenir, ces exemples devaient être rares. En pareil cas, le petit propriétaire qui n'était pas Regulus, qui ne pouvait pas demander au sénat son congé, ni obtenir l'exploitation de son champ aux frais de l'État, se voyait réduit, pour nourrir sa famille, à emprunter, du patricien, au taux de 12 pour 100. En garantie, il donnait sa terre et rarement illa reprenait : heureux quand il n'était pas lui-même entraîné dans ce domaine du riche où toute petite propriété vint s'abîmer. A ce domaine, accru par l'usure aux dépens des patrimoines du plébéien, joignez les possessions étendues par la conquête sur le territoire de l'ennemi, terres publiques, affermées à long terme aux patriciens, mais qui, par une sorte de connivence entre les riches et les chefs de l'État, tendaient à se confondre de plus en plus avec la propriété. Dès les commencements de la république, Sp. Cassius avait fait entendre le premier appel aux réformes agraires; et plus de cent ans avant l'époque où Regulus exposait au sénat le péril de son pelit bien, Licinius avait grand'peine à faire passer la loi qui réduisait les possessions domaniales du riche à cinq cents arpents!

Ce déplacement, celte extension de la propriété devait rompre l'équilibre entre le travail libre et le travail servile jusque dans la vie des champs, et entraîner les plus funesles conséquences. Mais le travail libre avant d'être détruit commença par se transformer. Le petit propriétaire dépossédé resta souvent sur sa terre à titre de colon ou de cultivateur à gages; et il partageait les soins rustiques avec les esclaves, sans que le père de famille et la matrone eussent abdiqué encore leurs fonctions de surveillance entre les mains du villicus et de la villica.

L'agriculture était donc loin de composer exclusivement

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