Immagini della pagina
PDF
ePub

PREFACE DU TRADUCTEUR.

Le petit écrit de Leibnitz, dont nous donnons aujourd'hui une nouvelle édition sous une nouvelle forme, n'est pas inconnu du public, ou du moins ne devrait pas l'être. Ce n'est rien moins que la troisième fois qu'il est livré à l'impression, et le manuscrit original, que le texte ci-joint reproduit exactement, déposé depuis la mort de Leibnitz à la bibliothèque de Hanovre, a toujours été tenu sans contestation pour authentique et apprécié à sa juste valeur par tous les dépositaires de cette grande collection, comme par les nombreux admirateurs que comptent encore, dans la patrie qu'il a illustrée, la science et le génie de ce grand homme. C'est là que le trouva, en 1808, le roi de Westphalie, Jérôme Bonaparte, momentanément placé à la tête d'une des monarchies éphémères créées par les calculs ou les fantaisies de la politique impériale. Par un de ces procédés qui se ressentent d'un temps de conquête et dont l'Empereur avait si souvent donné l'exemple, le roi Jérôme, averti de l'intérêt que ce manuscrit pouvait offrir pour la religion, ne fit pas difficulté de l'enlever à l'Allemagne et de le remettre

427718

aux mains de son oncle le cardinal Fesch. Communiqué par ce prélat au digne supérieur du séminaire de Saint-Sulpice, l'abbé Emery, l'ouvrage, jusque-là inédit, de Leibnitz, vit le jour pour la première fois en 1819. Il fut publié sous ce titre, peut-être trop affirmatif: Système religieux de Leibnitz, Leibnitii Systema theologicum.

Mais le sort des publications comme des systèmes de philosophie dépend, on le sait, bien souvent du choix du lieu et du moment. En France, en 1819, l'apparition d'un ouvrage théologique de Leibnitz, portant sur des points de controverse d'une nature, après tout, délicate et abstraite, ne devait produire que peu d'effet. Le nom de son auteur n'avait pas encore repris, du moins dans les matières philosophiques, cette juste autorité que lui ont rendue, depuis lors, le réveil du spiritualisme et les travaux de tant d'esprits distingués. Le public en était resté, pour apprécier les idées religieuses de Leibnitz, aux sarcasmes de Voltaire, et le souvenir de Candide demeurait attaché, dans l'esprit de tous les lecteurs, aux doctrines optimistes de la Théodicée, par cette malheureuse et facile puissance de la raillerie dont Voltaire, qui aurait pu s'en passer, n'a jamais su s'abstenir. D'ailleurs, cette première édition était singulièrement incorrecte; et il est peut-être heureux pour les idées de Leib

nitz qu'elles n'aient pas alors arrêté l'attention générale, défigurées comme elles l'étaient par un texte mal transcrit et mal traduit.

C'est dans des conditions toutes différentes qu'a paru l'édition de 1844, que nous devons aux soins de M. l'abbé Lacroix, clerc de la nation de France près le sacré consistoire, à Rome. Au moment de la mort de monseigneur le cardinal Fesch dans cette ville, ses livres et tous ses papiers, au nombre desquels figurait, entre autres documents d'un grand prix, le manuscrit en question, furent mis en dépôt à l'église Saint-Louis des Français, en attendant qu'il en pût être fait remise, conformé ment au testament du cardinal, à la bibliothèque d'Ajaccio, sa ville natale. C'est là que M. l'abbé Lacroix a pu prendre connaissance du texte original de cet ouvrage curieux; c'est là qu'il a pu consacrer, à en donner une nouvelle édition exempte des incorrections et des négligences de la première, un travail où la sagacité et l'exactitude se font sentir à chaque page. M. l'abbé Lacroix a pensé, et avec raison, que, de nos jours, en présence de la popularité nouvelle qu'ont retrouvée les idées de Leibnitz dans la philosophie moderne, et de l'intérêt que reprennent de toute part les controverses religieuses, un écrit d'un tel homme sur les questions les plus fameuses de la religion écrit qui se rattache, comme on le verra, à son système métaphysique tout entier,

et où se retrouvent toute la vigueur et tout l'éclat de son génie - paraissant avec l'approbation à peu près entière et sous le contre-seing de la cour de Rome, ne pourrait manquer de devenir un objet de curiosité pour tout le monde, d'intérêt scientifique pour les historiens et les maîtres de la philosophie, et pour quelques ames, si Dieu le permet, d'édification véritable. La traduction, les commentaires qui vont être ajoutés aujourd'hui au texte de M. l'abbé Lacroix ont été entrepris dans la même pensée, et dans la vue de compléter un travail auquel il ne manquait pour être apprécié, que d'être mis à la portée d'un plus grand nombre de personnes. Ce dessein sera également approuvé, nous l'espérons, par les compatriotes de Leibnitz, aujourd'hui remis en possession de son manuscrit, qu'ils n'avaient cessé de réclamer par toutes les voies diplomatiques et privées, et que les héritiers du cardinal Fesch ont dernièrement renvoyé à la Bibliothèque de Hanovre.

Il y a long-temps, en effet, on le sait, que dans sa patrie même, la nature des opinions religieuses de Leibnitz a donné lieu à beaucoup de suppositions différentes. Que cet esprit éminent ait toujours attaché aux questions religieuses qui divisent les Chrétiens une très-haute importance, qu'il n'ait jamais affecté pour les débats de la théologie ce dédain soi-disant philosophique dont Bayle donnait déjà l'exemple à ses côtés, et qui fait partie

« IndietroContinua »