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ans, mais que sont, pour nous, ces quatorze cents ans? est-ce que nous n'existons que depuis quatorze cents ans? Mais où étaient-ils donc avant cette époque ces rois de notre sang qui ont régné sur nous depuis quatorze cents ans? Ils étaient dans les sauvages forêts de la Germanie. Qu'ils retournent d'où ils sont venus : nous n'avons pas besoin d'eux, nous nous passions d'eux avant leur intrusion dans la Gaule, nous nous en passerons bien encore aujourd'hui. Notre seul regret est qu'ils y aient mis le pied. Nous descendons des Celtes, des Gaulois et des Romains, premiers possesseurs du sol. Nous ne reconnaissons que les souverains que nous nous sommes donnés; tous les autres, nous l'avons dit, ne sont et ne seront jamais pour nous que des usurpateurs; ce qu'ils sont, en effet. Nous sommes la nation, et les souverains que nous nous sommes donnés sont les seuls légitimes souverains qui aient jamais régné sur nous; tout le reste ne représente pour nous que des souvenirs douloureux d'usurpation et d'oppression. Que les soi-disant légitimistes écrivent l'histoire à leur façon, comme il leur plaira, voilà notre manière de l'envisager, et elle est la seule vraie, malgré ce qu'ils en pourront dire.

Nous avons quelquefois rencontré quelques rares personnes, rares comme les chaleurs en janvier, nous dire: Je conçois la légitimité, au moins c'est un principe. Nous ne tardions pas à les embarrasser en leur disant : Oui, c'est un principe, et un bon principe encore :

C'est le principe du droit féodal;

Le principe de la dime;

Le principe du droit d'aînesse;

Le principe de l'esclavage;

Le principe des impôts à payer par le peuple seul; Le principe de la prohibition des emplois et fonctions lucratifs pour le peuple!

Oh! le bon principe que ce principe-là, et que les paysans sont donc ingrats de ne pas rappeler des princes, représentants d'un pareil principe. Il est vraiment fâcheux de ne pas avoir le temps d'aller catéchiser tous ces paysans les uns après les autres; peut-être, en les prenant par la douceur, en obtiendrait-on quelque chose : pourtant, nous qui avons passé notre jeunesse avec eux, nous n'engagerions personne à le faire dans la crainte de lui faire perdre son temps et de recevoir des reproches du mauvais conseil que nous aurions donné.

Nous savons bien que dans les hautes régions on se fait encore quelques illusions à ce sujet; nous savons bien que l'on dit sur tous les tons, que l'on chante sur toutes les gammes que l'on ne songe en aucune façon à revenir à l'ancien ordre de choses. N'est-ce pas là le cas de dire à ceux qui tiennent ce langage: A qui vendez-vous vos coquilles? à ceux qui viennent de Saint-Michel? Quel serait donc votre but en le redemandant, ce prétendant, si vous n'en attendiez rien? Vos pareils à deux fois ne se font pas connaître. Comment pouvez-vous nous croire assez simples pour ne pas dire autrement, pour penser que ceux qui, malgré la charte, ont voulu rétablir le droit d'aînesse, ne songent pas à revenir à l'ancien régime? Comment pouvezvous espérer nous faire croire que vous ne songez à commettre aucune injustice, lorsque nous mettons sous vos yeux la liste des archevêques et évêques de France puisée, comme nous l'avons dit, dans l'Almanach royal de 1829? Les simples ne sont pas de notre côté. Les simples sont ceux qui croient que nous sommes assez simple pour nous laisser prendre à un pareil hameçon.

Mais supposons que celui dont on dit : s'il pouvait revenir, soit bon prince, nous voulons bien l'admettre; supposons qu'il soit très-disposé à faire le bonheur de trente-sept millions de Français, et que, comme vient de le faire l'em

pereur Napoléon III, il nous eût donné la Savoie et le comté de Nice, au lieu de nous les faire perdre avec beaucoup d'autres contrées, comme cela est arrivé à ses ancêtres; supposons qu'à l'avenir le prince dont nous parlons ne reconnaisse plus qu'une seule classe de citoyens, qu'il ne voie partout que des Français ayant tous les mêmes droits, et que sa volonté bien réelle soit de ne voir aucun rang, aucune caste, aucune classe; sous quelque forme qu'on veuille l'envisager, voudrait-on nous faire croire que cela lui serait possible? Mais à celui qui le dirait, on pourrait répondre d'avance qu'il est un imposteur. N'y aurait-il pas là ses partisans qui viendraient lui demander les places des bourgeoillons? N'y aurait-t-il pas là ses partisans qui viendraient lui dire : Mais, telle place, c'est à nous, qui avons boudé pendant votre exil, qu'elle revient; mais cet évêché vacant, c'est à mon fils qu'il faut le donner, lui qui n'a rien été sous les précédents gouvernements: et autres litanies de ce genre. Voilà ce dont il serait abasourdi à la journée; ce serait un enfer qu'une position semblable. Mieux vaut pour lui qu'il n'en ait pas l'embarras.

« Lorsque nous rentrerons, disent les intimes de Frohsdorff, nous marcherons droit à l'ancien régime. Nous ne nous amuserons pas, comme Louis XVIII, à donner une charte; ç'a été une maladresse de sa part; c'est ce qui l'a perdu. Aussi ne nous amuserons-nous pas à ces bêtises-là : nous marcherons droit au but. »

Eh bien! nous sommes de l'avis de messieurs de Frohsdorff. Notre opinion est bien aussi qu'ils n'auront pas la peine de donner une charte, car enfin, avant de savoir si on donnera ou ne donnera pas de charte, il faudrait d'abord s'enquérir si on rentrera. Ceci nous semble la condition essentielle, celle dont il faudrait d'abord s'occuper. D'ailleurs pourquoi les paysans changeraient-ils? Pourquoi iraient-ils prendre un prince dont ils croiraient devoir

constamment se méfier, tandis qu'ils en ont un qui a leur confiance? C'est pour le coup qu'on pourrait dire avec raison que les Français sont légers.

Mais les évêques, les archevêques de France et même les cardinaux, ceux qui, sortis des rangs du peuple et se sont élevés, par leur mérite, au rang distingué qu'ils occupent, comme monseigneur l'évêque de Poitiers et tant d'autres, seraient tout au plus grands vicaires, là où ils sont évêques, archevêques et même, comme nous venons de le dire, cardinaux, s'il pouvait revenir.

Monseigneur de ***** dit, page 7 d'une brochure intitulée le Pape, que nous avons sous les yeux :

«< Rien n'est démocratique et populaire comme l'Église. Tous les citoyens de cette grande et divine monarchie peuvent être appelés à la gouverner. Tout homme, tout chrétien, quelque basse que soit son extraction, quelque pauvre que soit sa naissance, peut devenir non-seulement prêtre, mais évêque, mais archevêque, mais cardinal, mais pape.»>

N'allons pas si vite, Monseigneur. Comment tout homme, tout chrétien, quelque basse que soit son extraction, pourrait-il devenir pape, lorsque pour première condition il faut d'abord être Italien, car une chose que certainement vous n'ignorez pas, c'est que depuis la restauration de la papauté d'Avignon à Rome, en 1378, les Italiens n'ont plus voulu qu'il fût nommé de pape s'il n'était Italien. Or, depuis cette époque, nous ne voyons, en effet, que Calixte III, qui était Espagnol, mais portait le nom de Borgia, ce qui nous fait supposer que, quoique né en Espagne, il pouvait bien appartenir à la grande famille italienne de ce nom, et Adrien VI, Hollandais, qui n'a dû obtenir le pontificat que grâce à ce qu'il avait été précepteur de CharlesQuint. Tout homme, tout chrétien ne peut donc pas devenir pape. Vous n'ignorez pas, par exemple, que vous, Monseigneur, malgré votre naissance, vous ne pourriez pas le

devenir, par une raison bien simple, c'est que vous êtes Français et non Italien.

Mais continuons. Vous ajoutez :

<< Et cela n'est pas seulement une belle théorie; c'est un fait glorieux pour la religion et fréquemment enregistré par l'histoire. Sur nos deux cent cinquante-huit papes, plus de cent sont sortis des rangs du peuple, et un petit nombre seulement appartenaient aux classes élevées de la société. Grégoire XVI, prédécesseur de Pie IX, était de famille pauvre ; le grand Sixte-Quint avait, dans son enfance, gardé les troupeaux; Célestin V était un humble religieux; et tant d'autres, semblables en cela au pêcheur de Galilée.»

Vraiment, Monseigneur, vous trouvez que l'Église est si démocratique, et de là vous voilà comme surpris que sur deux cent cinquante-huit papes, plus de cent soient sortis des rangs du peuple; mais si nous sommes surpris d'une chose, nous, c'est que, l'Église étant si démocratique, il n'en soit pas sorti davantage. La répartition n'est pas égale; nous n'en voulons même pour preuve que la phrase suivante due à votre plume, et que nous allons encore citer. Vous dites de nos évêques actuels :

<< Plus des trois quarts appartiennent, par leur naissance, à la plus modeste bourgeoisie, et plusieurs à la classe du pauvre peuple. »

Vous voyez bien, Monseigneur, qu'il n'y a pas eu la moitié des papes pris dans les rangs du peuple, tandis que vous nous avouez que les trois quarts de nos évêques sont sortis de ses rangs : la proportion n'est pas la même. Il y a probablement eu des injustices de commises d'un côté ou de l'autre. Peut-être s'est-on trompé en prenant tant d'évêques dans les rangs du peuple et si peu de papes.

Vous ajoutez encore :

« Un de nos cardinaux-archevêques les plus distingués aime à parler de son village et du moulin dans lequel il a

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