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attendre que le fatal trop tard eût tinté; il ne fallait pas, comme nous l'avons déjà fait remarquer, qu'en 1784, lorsqu'on avait de si pressants besoins d'argent et qu'on pressurait le peuple pour en obtenir, on promulguât des lettres patentes qui confirmaient l'affranchissement d'impôts des biens de ceux des roturiers qui étaient devenus secrétaires d'État (ministres), pour les déverser sur les autres et les en charger.

Quant à vous, partisans d'une cause perdue, légitimistes de haut rang, boudeurs magnifiques aux dédains superbes, retardataires de l'arrière-saison, qui tenez à rester enveloppés d'une écorce épaisse de préjugés1, Capefigue vous - l'a dit à l'Assemblée nationale de 1789, on vit le bas clergé se prononcer presque tout entier pour le peuple et les idées libérales. De quels moyens artificieux vous êtes vous donc servis pour séparer de leur propre cause et de la nôtre des hommes que vos usurpations, leur origine, leurs intérêts, que tout enfin rattachait à notre cause. De quelles influences pernicieuses avez-vous fait et faites-vous donc encore usage pour séparer ainsi d'opinions et d'intérêts le fils d'avec le père, le frère d'avec le frère, le neveu d'avec l'oncle, l'oncle d'avec le neveu, le cousin d'avec le cousin, l'ami d'avec l'ami? Êtes-vous donc atteints d'aveuglement et de la cécité la plus complète que vous ne vous apercevez pas que vous ne pouvez donner de preuve plus évidente de votre faiblesse et de votre impuissance qu'en venant, l'escarcelle du mendiant politique à la main, quêter, recruter, mendier ainsi chez nous des partisans pour votre déplorable cause, la cause de l'oppression du peuple? Est-ce que vous avez perdu toute espèce de pudeur? Est-ce que le

1. Si, par hasard, on nous faisait des observations sur la vivacité de notre langage, nous répondrions: qu'on lise certains écrits légitimistes sur la révolution, puis on verra quelle salive écumeuse et quelles vociférations n'y sont pas déversées sur elle.

rouge de la honte ne vous monte pas au visage, de venir ainsi chez nous ravir à notre affection ceux qui nous tiennent par les liens les plus étroits du sang? N'est-ce pas vous qui avez détourné et détournez encore tous les jours nos frères de la route que leur a tracée la nature ? N'est-ce pas vous qui êtes cause que pendant la révolution, pour avoir suivi vos conseils ou plutôt subi vos ordres, ils ont souffert le martyre? N'est-ce pas vous qui, depuis cette fatale époque, avez entretenu entre eux et nous la zizanie, attisé le feu de nos discordes? Pillards politiques, quand cesserez-vous de porter ainsi vos pirateries et vos ravages jusque dans le sein de nos familles où vous entretenez sans cesse la désunion? Nous vous sommons d'avoir un jour, au tribunal de Dieu, à nous rendre compte de vos menées et à y mettre fin des à présent. N'entendez vous pas le père qui vous demande son fils, le frère qui vous demande son frère, le cousin son cousin et l'ami son ami? Aurez-vous encore l'impudeur et l'audace de les leur confisquer? Est-ce que nous allons ainsi dans vos familles vous dérober les vôtres et prélever ainsi sur vous la dime du sang? Il faut bien du reste que vous vous appuyiez sur quelque chose, car vous ne pouvez plus vous soutenir par vous-mêmes; et si vous n'étiez ainsi étançonnés par les supports que vous nous dérobez, semblables à la monarchie de 89 vous tomberiez en poussière, et le sol serait jonché de vos débris, tant vous menacez ruine.

Pourquoi donc vous qui êtes si bien en cour de Rome, n'y protégez vous pas même les intérêts de ceux qui vous prêtent leur appui? Pourquoi, puisque sur les cent quatrevingt à deux cent millions de catholiques qu'il y a dans le monde, la France comptant pour un cinquième ou vingt pour cent, le clergé français ne compte-t-il pas aussi pour un cinquième ou vingt pour cent dans le collége des cardinaux? Pourquoi n'y a-t-il que six cardinaux français

au lieu de quatorze qu'il devrait y avoir sur soixantedix que renferme le sacré collége, si la distribution de ce titre était faite d'une manière plus équitable et plus conforme à la justice? Pourquoi l'Italie qui, d'après sa population, devrait n'en avoir que neuf, en a-t-elle environ cinquante? Pourquoi nos cardinaux n'ont-ils pour la plupart reçu leur nomination qu'après plus de cinquante ans révolus, lorsque d'autres l'ont reçue à trente-quatre et même à 33 ans, comme le prince de Schwarzemberg, cardinal autrichien par exemple. Vous voyez bien que vous n'y êtes pas si puissants que vous voudriez bien le donner à entendre, puisque vous n'y pouvez pas même venir en aide à ceux qui vous prêtent leur appui.

Voilà ce que vaut aux membres du clergé plébéien la protection de ceux pour lesquels il s'est fait martyriser pendant la révolution. Servez donc encore la cause de gens qui vous donnent des preuves si évidentes et si éclatantes de leur puissance et surtout de leur reconnaissance. Les clergés espagnol et portugais sont du reste encore moins favorablement traités. Quant au Brésil et aux anciennes colonies espagnoles de l'Amérique du Sud, il paraît que ces pays ne sont pas catholiques, car il n'y a pas dans le sacré college un seul cardinal brésilien ni hispano-américain.

Ecclésiastiques des classes bourgeoises et populaires, cessez donc de donner votre appui à ceux qui vous ont conduits à votre perte en vous séparant de nous; il est temps de se reconnaître, de savoir de quel côté sont chacun nos véritables amis. Revenez dans nos familles partager nos joies ou nous soulager dans nos peines, ministres de Dieu. Qu'en voyant l'habit ecclésiastique le peuple cesse de voir dans celui qui le porte un adversaire politique, mais au contraire un ami bienfaisant toujours disposé à lui venir en aide et à le secourir. Voulez-vous vous rendre utiles à la patrie? Chateaubriand, tout en vantant le savoir des Allemands, a dit d'eux

qu'ils n'étaient cependant pas encore arrivés à la hauteur de nos bénédictins. Dans cette brochure nous parlons de la formation d'une société savante dont le siége serait à Paris et qui embrasserait toutes les littératures du globe; formez dans chaque département une société historique dont le siége principal serait aussi à Paris et formerait une des sections de celle en question; placez-vous à la tête de ces sociétés, recueillez dans chaque contrée, dans chaque village, tout ce qui se rattache à l'histoire, aux mœurs, aux coutumes, aux usages, aux légendes, au langage, à ce dernier surtout avant qu'il disparaisse, ce qui ne peut tarder, par rapport à la rapidité des communications, recueillez les noms de lieux de chaque partie de village, de chaque hameau, de chaque ferme, de chaque écart, de chaque pièce de terre, et donnez-en la signification lorsqu'elle vous sera connue, afin de venir en aide à la confection d'un dictionnaire de l'ancienne France et de l'ancien langage ainsi qu'au récolement de tous les mots celtiques que l'on pourra retrouver; alors, nouveaux bénédictins, vous acquerrerez une gloire impérissable qui vaudra bien le rôle ingrat d'étouffeurs de lumières que veulent vous faire adopter et vers lequel vous entraînent ceux qui se disent vos amis, mais qui, en réalité, ne sont que vos adversaires et les nôtres. Associez-vous ensuite aux sociétés des littératures hébraïque, grecque, latine et autres, que nous proposons de former; concourez par tous les moyens en votre pouvoir à faire passer dans notre langue tous les chefs-d'œuvre, toutes les connaissances scientifiques et autres des nations étrangères, de manière qu'il suffise à une personne d'apprendre une seule langue, la nôtre, pour pouvoir acquérir la connaissance de ce qui s'est fait de remarquable dans le monde, quelle qu'en soit la nature ou le genre.

Pendant les ténèbres du moyen âge, le cloître a été le conservateur, le gardien des lumières; que le presbytère

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LE CLERGÉ, LA BOURGEOISIE, ETC.

en soit aujourd'hui le propagateur; que l'on fonde des bibliothèques dans toutes les communes, dans tous les presbytères, que les unes et les autres appartiennent aux communes et y portent l'instruction. Bientôt l'isthme de Suez va être percé, et sept cent millions d'Asiatiques viendront s'éclairer à notre foyer. Venez à notre aide, pour que nous soyons prêts à les recevoir. Que la France devienne une véritable école de savoir, un phare lumineux qui projette ses rayons et envoie jusqu'aux extrémités de l'univers les flots de sa lumière. Que ce soit en partie à votre patriotisme qu'elle en soit redevable, et, semblables en cela à ceux de ses autres enfants qui sur les champs de bataille vont mourir pour la défendre, vous aurez bien mérité d'elle et acquis des droits éternels à sa reconnais

sance.

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