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DES DOLÉANCES

On lit ce qui suit dans l'Annuaire du département d'Eureet-Loir, année 1848, page 262:

« Dans l'annuaire de 1847, page 336, nous avons fait connaître l'état de l'agriculture au xve siècle. Cet état, peu prospère alors, était devenu bien plus misérable à la fin du XVIIe siècle, par suite des exactions commises par les seigneurs dans leurs terres, et par l'abus qu'ils faisaient de leur pouvoir et de leurs priviléges. C'est ce qui résulte du cahier des doléances, plaintes et remontrances de l'agriculture du pays Chartrain en 1789, doléances dont nous allons donner ici le déplorable exposé.

«En vertu des lettres patentes de Louis XVI, du 24 janvier 1789, pour la convocation des états généraux et de l'ordonnance de M. le lieutenant général au bailliage de Chartres, en date du 13 février suivant, les 302 villes, bourgs, villages et communautés composant le bailliage de Chartres ont, quelques jours après, procédé à la rédaction de leur cahier de doléances, et ont nommé des députés à l'effet de les représenter aux états généraux.

« Qu'étaient devenus les procès-verbaux de ces mémorables assemblées? où étaient-ils passés? Personne ne les avait vus depuis soixante ans! On s'accordait à les regarder comme perdus...

« M. Roullier, juge d'instruction près le tribunal de Chartres, dont les recherches laborieuses nous ont déjà fourni plusieurs articles précieux et intéressants, a retrouvé der

nièrement ces procès-verbaux en bien mauvais état, en partie adirés et tombant de pourriture. Lors de la suppression du bailliage de Chartres, cette liasse passa dans les archives du tribunal du district, où malheureusement elle s'est détériorée.

« Je fus saisi d'émotion et de respect, dit M. Roullier, en présence de ce monument, qui révèle combien nos pères ont eu de peine, et avec quelle intelligence et quelle union ils ont nommé leurs députés et rédigé leurs doléances, plaintes et remontrances. Ils écrivaient leurs cahiers comme ils pouvaient, sans art et dans une forme bien souvent grossière; mais ils les écrivaient sous l'inspiration de l'amour du bien public et des plus légitimes sentiments d'égalité dans la contribution de chacun aux charges de l'État. >>

« Des 282 procès-verbaux, 55 contiennent les doléances; les autres cahiers ont été remis aux députés aux états généraux ils doivent être à Paris, à la bibliothèque de la chambre des députés ou aux archives du royaume.

:

« Sur les 302 villages, paroisses et communautés composant le bailliage de Chartres, 20 ont fait défaut; les 282 restants étaient composés de 32,718 feux, et plus de 7,000 électeurs sont dénommés dans les procès-verbaux ou les ont signés. Parmi eux figurent 5 femmes veuves : 2 à Brotz, baronnie de Longny, et 3 au Boullay-des-Deux-Églises. Ces électeurs primaires ont nommé 607 députés électeurs, qui se sont réunis en la grande salle du bailliage de Chartres, le 2 mars 1789, munis chacun du cahier des doléances, plaintes et remontrances de leur paroisse.

<< Dans un certain nombre de paroisses, l'assemblée se tient dans la maison commune ou au banc-d'œuvre à l'église, et, dans quelques endroits, devant la porte de l'église. Quelquefois les curés assistent, avec le tiers état, à l'élection des députés et à la rédaction des cahiers.

:

« La plupart des procès-verbaux, après avoir cité le nom de plusieurs électeurs, que nous avons comptés avec soin, se servent de cette locution et autres, ou bien et la meilleure et plus saine partie des habitants; tous les procèsverbaux portent, après ces mots : tous nés français, compris dans le rôle des impositions.

« Les paroisses dont nous donnons les doléances sont au nombre de 45; nous les avons classées par ordre alphabétique, afin de faciliter les recherches; mais nous les résumons d'abord par arrondissement, ainsi qu'il suit1: »

Nous ne croyons pas devoir donner ici la liste de ces communes; nous donnons des extraits de doléances de quelques-unes qui suffiront pour se rendre compte de la situation des campagnes avant la révolution.

A la fin de ces doléances, on lit encore ce qui suit dans l'Annuaire d'Eure-et-Loir, de 1848, page 362:

«En lisant ce monument de la détresse de nos ancêtres, qui ne se sentirait ému de la triste situation où se trouvait la Beauce à la fin du xvme siècle!... Jetons un voile sur cette déplorable époque, car si la révolution de 93 nous a laissé d'amers souvenirs, elle a aussi corrigé bien des abus. »

Nous ajouterons :

Les doléances des 45 communes ne contiennent pas moins de 98 pages très-serrées d'un volume in-12. Tout était à reproduire, car tout était intéressant à connaître, mais il eût fallu trop d'espace, et pour montrer que nous avons dû laisser bien des passages qui nous auraient servi de pièces justificatives incontestables nous donnerons encore les passages qui suivent des doléances de Gilles, dont nous avions cru devoir nous dispenser.

1. Nous n'avons pas cru nécessaire de conserver l'ordre adopté par les rédacteurs de l'Annuaire d'Eure-et-Loir. P. V.

(Les habitants de Gilles représentent):

1. Que la paroisse est imposée au principal de la taille et accessoires, suivant le rôle de 1789, à la somme de 2,482 liv.

2. Qu'elle est imposée au vingtième pour 1,106 liv., 6 sols, 9 deniers.

3. Qu'elle est imposée pour les travaux à la somme de 131 liv., 4 sols.

4. Que ladite paroisse n'est composée que de 4 laboureurs ayant chacun une charrue, 2 ayant chacun 4 chevaux, les 2 autres, 6; attendu que la partie de leurs terres sont très-rudes à cultiver...

5. Et de deux petits moulins qui ne vont que par éclusée, et n'ont pas même le droit de chercher les mounées (grain à moudre) dans les paroisses, ni aux environs, attendu la banalité que prétend avoir M. le prince de Lingris sur ses vassaux, comme haut justicier.

6. Que la paroisse est malheureusement enclavée dans les bois, savoir d'un côté, M. le prince de Lingris, à cause de ses forêts de Breuil, dans lesquelles les habitants ont droit de passage et de ramages, droit qui leur est actuellement contesté, au mépris d'une transaction sur procès faite entre le seigneur, marquis de Breval et les habitants de la paroisse, les malheureux ayant été obligés d'abandonner leurs droits par les poursuites et procès-verbaux qu'on leur faisait journellement; de l'autre côté sont les bois de mesdemoiselles de Malbranche, dames du MesnilSimon, entre lesquels est la meilleure et la plus grande partie du terrain, qui est mangé par le gibier.

7. Qu'il y a encore dans un autre côte de la paroisse des bois de Gilles, de 40 à 50 arpents... et le terrain autour est mangé de gibier.

8, 9. Qu'il y a encore un bois de 9 à 10 arpents, et une autre garenne de 5 à 6 arpents; les vignes et les terres sont mangées par le gibier; attenant à cette garenne est un château avec jardin et 2 colombiers garnis de pigeons, et le seigneur ne paye point de taille.

10. Un autre manoir, de 8 arpents de terre par saison, avec 20 arpents de bois et de vignes, ne paye aucune taille. Le seigneur a fait abattre 6 maisons qui étaient occupées et dont la taille est restée à la charge de la paroisse; il a à sa ferme des routes, un colombier garni de pigeons et environ 6 arpents de terre dont il perçoit le demi-champart à la 24 gerbe après la dîme, etc.

DOLÉANCES

200 feux.

Fresnay-l'Évesque.

21 électeurs signataires du procès-verbal du 22 fév. 1789. 2 députés Louis Dorson et Pierre Deret.

(Les habitants de Fresnay-l'Évesque se plaignent) :

1° Que le champart ruine entièrement la paroisse, il se paye à la neuvième gerbe;

2o Il ôte tous les engrais des terres qui en sont chargées;

3o Il nous òte la facilité d'enlever notre grain dans la moisson, parce qu'il faut avertir le champarteur, et après l'avoir averti, le plus souvent on est obligé de l'attendre très-longtemps;

4o Il faut lui mener son champart seul avec une voiture exprès, avant d'enlever aucune gerbe, ce qui fait passer le tiers du temps dans un temps si précieux;

5o Plus, il nous fait perdre nos grains par la pluie, par la raison que nous n'avons pas le temps de les enlever;

6o Il nous fait un tort considérable, par la raison qu'ayant donné la neuvième gerbe, nous ne pouvons plus fumer notre terrain;

7° Les pauvres particuliers qui n'ont point de voiture, leur grain reste dans les champs, parce que les laboureurs n'ont pas le temps de l'aller chercher. Pour un boisseau de terre, il faut faire deux voyages : l'un pour le champart, le premier, et l'autre pour le pauvre malheureux; s'il tombe de l'eau pendant qu'on mène le champart, le pauvre particulier emmène son grain mouillé et presque perdu à sa grange;

8° Il faut en outre faire des frais plus considérables pendant la moisson; il faut à chaque laboureur un domestique et deux chevaux de plus pour mener le champart seul avec une voiture, et s'il n'a pas deux chevaux et un domestique, il ne peut pas rentrer sa moisson;

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