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de sa part la moindre insulte: elle se baignait au milieu de ces derniers. Mais ce qu'il y a de singulier, c'est qu'elle n'avait pas cette même modération chez les voisins. Je fus obligé de faire publier que je payerais les dommages qu'elle pourrait leur causer. Cependant elle fut fusillée bien des fois, et a reçu plus de quinze coups de fusil sans avoir aucune fracture. Mais un jour il arriva que, planant dès le grand matin au bord de la forêt, elle osa attaquer un renard; le garde de ce bois, la voyant sur les épaules du renard, leur tira deux coups de fusil: le renard fut tué et ma buse eut le gros de l'aile cassé. Malgré cette fracture, elle s'échappa des yeux du chasseur et fut perdue pendant sept jours. Cet homme s'étant aperçu, par le bruit du grelot, que c'était mon oiseau, vint le lendemain m'en avertir. J'envoyai sur les lieux en faire la recherche; on ne put le trouver, et ce ne fut qu'au bout de sept jours qu'il se retrouva. J'avais coutume de l'appeler tous les soirs par un coup de sifflet, auquel elle ne répondit pas pendant six jours; mais le septième, j'entendis un petit cri dans le lointain, que je crus être celui de ma buse; je le répétai alors une seconde fois, et j'entendis le même cri; j'allai du côté où je l'avais entendu, et je trouvai enfin ma pauvre buse qui avait l'aile cassée, et qui avait fait plus d'une demilieue à pied pour regagner son asile, dont elle n'était pour lors éloignée que de cent vingt pas. Quoiqu'elle fût extrêmement exténuée, elle me fit cependant beaucoup de caresses. Elle fut près de six semaines à se refaire et à se guérir de ses blessures; après quoi elle recommença à voler comme auparavant, et à suivre ses anciennes allures pendant environ un an, après quoi elle disparut pour toujours. Je suis très-persuadé qu'elle fut tuée par méprise; elle ne m'aurait pas abandonné par sa propre volonté.

Tiré du Magasin pittoresque et de la Forêt de Belleme,
par MAIZONY DE LAURÉAL.

LÉGENDES

LE FLAMBA, FOLLET OU FEU FOLLET 1.

« Veux-tu suivre un feu follet, tu tomberas dans un marais, » disent les Danois.

Telle est, il n'en faut pas douter, la raison qui fait du feu follet un malin esprit.

Il existe, nous a-t-on dit, près de la petite ville de Senonches, chef-lieu de canton du département d'Eure-et-Loir, des marais d'où, pendant les chaleurs, s'exhalent le soir des feux follets. Comme dans certains endroits ces marais sont dangereux, les paysans disent que les feux follets choisissent de préférence ces endroits périlleux pour voltiger devant vous afin d'essayer de vous égarer en vous faisant perdre votre chemin, pour vous faire tomber dans les précipices, et comme preuve convaincante de ce qu'ils avancent, c'est que, ajoutent-ils, dès que le péril est passé et que les feux follets n'ont plus le pouvoir de vous nuire, ils vous quittent aussitôt.

Suivant le dire des paysans, le feu follet n'est autre chose que l'âme d'un individu qui a fait un pacte avec le diable. C'est quelquefois un voisin, au besoin on nommera son nom; celui-ci qui est votre ennemi va se cacher le soir

1. Le feu follet se nomme dans le Perche, ou au moins dans la contrée que nous habitions, seulement follet, sans l'adjonction du substantif feu; flamba est un diminutif de flambart, qui vient de flamme, que les paysans percherons nomment flambe.

près d'un endroit où vous devez passer, se couche sur le dos, dit quelques paroles cabalistiques et son âme s'exhale de son corps sous la forme d'un flamba ou follet, voltige devant vous, toujours dans l'intention de vous égarer en vous faisant perdre la trace de votre chemin. Si, lorsque ce flamba se présente devant vous, vous tirez un mouchoir de votre poche et le lui jetez, vous le voyez aussitôt vous quitter et s'amuser à jouer avec ce mouchoir, et le lendemain au point du jour, si vous retournez dans le même lieu, vous retrouvez votre mouchoir intact à la place où vous l'avez jeté au flamba ou follet. Mais si, au contraire, c'est un couteau ou tout autre objet tranchant, lorsque le lendemain vous retournez pour le chercher, vous le retrouvez ensanglanté, parce que en jouant avec le flamba s'est blessé.

Si, lorsque vous voyez un flamba voltiger devant vous, vous cherchiez le corps d'où il s'est échappé, et qu'au lieu de le laisser sur le dos, la face tournée vers le ciel, comme vous le trouveriez, vous le retourniez la face contre terre, vous verriez au moment où le jour commencerait à poindre le follet s'approcher du corps, voltiger tout autour, chercher pour y rentrer l'issue par où il en est sorti; mais si avant le jour il n'était pas parvenu à y rentrer, vous le verriez s'envoler, et ce follet, qui, comme nous l'avons dit, n'est autre que l'âme du corps que vous auriez sous les yeux, deviendrait la propriété du diable, tandis que le corps lui-même aurait cessé de vivre.

On dit encore que le follet entre quelquefois dans les écuries des chevaux et suit le râtelier avec une lanterne, s'attache ensuite à la crinière de l'un d'eux, la mêle d'une telle manière qu'il est impossible de la démêler, et qu'on est obligé de la couper1.

1. Les Anglais appellent le feu follet Jack o'lantern, c'est-à-dire Jack

Ces récits racontés souvent avec exagération et cependant avec une certaine apparence de vérité, même par ceux qui n'y croient pas, inspirent parfois les plus vives terreurs aux enfants.

Vers 1830 une cousine et une amie de la grand'mère de l'auteur avaient passé la soirée chez celle-ci, et chez laquelle il habitait lui-même. C'était en hiver, lorsque dix heures eurent sonné, la cousine et l'amie parlèrent de se retirer, et l'auteur accompagna sa grand'-mère qui voulut aller les reconduire au hameau ou plutôt faubourg de la chaussée, qui est situé au delà de l'étang; chacun marchait tranquillement lorsque la vieille cousine que nous appellerons par son petit nom, Cécile, dit à l'auteur lorsqu'on fut arrivé près d'une arche qui sert à l'écoulement des eaux: « Quiens (tiens) Prosper, un flamba dans l'île; » l'auteur se retournant et apercevant aussitôt en effet une lumière dans la petite île située dans l'étang, fut saisi d'effroi, jeta un cri perçant dont il gardera la mémoire tant qu'il vivra; il fut aussitôt entouré par les trois amies, qui tout en cherchant à le rassurer en lui disant que c'était un homme qui se promenait avec une lanterne, ne lui épargnaient cependant pas les épithètes les moins flatteuses, elles y parvinrent néanmoins; et comme pour revenir avec sa grand'mère il fallait passer par le même endroit, le retour eut lieu cependant sans nouvelle frayeur, la lumière d'ailleurs avait disparu.

Voir aussi page 87 ce qui est dit à propos d'une dame revenant en laitice ou hermine.

porte-lanterne, ce qui, comme on le voit, a quelque rapprochement avec la légende percheronne. L'o placé devant lantern nous fait supposer que la légende pourrait bien être celto-gauloise et non anglaise. L'o est écossais et irlandais à la fois. O'Connel, O'Bryen, O'Flaherti sont des noms irlandais ou écossais.

LES OS DES MORTS.

Si en parcourant un cimetière on rencontrait des os de morts, et qu'on s'avisât de les ramasser et de les emporter chez soi, ceux auxquels ils ont appartenu viendraient pendant la nuit tirer par les pieds dans son lit, celui qui les lui aurait dérobés en disant: Rends-moi mes os.

LE MOUTON AU PIED DE LA CROIX.

Un paysan de Champrond, nommé G...., passant, au commencement de ce siècle, la nuit près d'une croix située à la jonction de plusieurs chemins, près de l'endroit où était autrefois un moulin à vent, vit au clair de la lune un mouton agenouillé au pied de cette croix. Il alla près de lui, le prit sur ses épaules, et l'emporta jusqu'à son domicile, situé dans le bourg même de Champrond. Mais une fois arrivé là, le mouton lui dit: Reporte-moi où tu m'as pris. Ce que s'empressa, dit-on, de faire le digne paysan.

Revenant une nuit du Favril, le grand-père de l'auteur traversait tranquillement la forêt de Champrond, lorsque arrivé près d'un endroit appelé le rond de Sully, il aperçut dans une cepée, sur le bord de la ligne, un homme armé d'un fusil dont le canon brillait au clair de la lune. La position, comme il est facile de le penser, était peu rassurante, cependant reculer était impossible; notre voyageur était trop avancé, il fallut s'armer de courage et passer devant l'homme au fusil, qui ne bougea pas; huit jours étaient à peine écoulés, et déjà notre grand-père ne pensait plus à son aventure, lorsque l'un de ses amis lui dit :

Tu ne m'as pas vu telle nuit dans la forêt?

- C'était donc toi, lui répondit-il; mais si, je t'ai vu; pourquoi ne m'as-tu donc pas parlé?

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Parce que j'ai craint de t'effrayer en t'adressant ainsi la parole au milieu de la forêt.

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