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DIALOGUE

SUR LES PARTITIONS ORATOIRES.

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INTRODUCTION.

Ce traité, écrit sous la forme d'un dialogue entre Cicéron et son fils, est une rhétorique élémentaire complète. L'auteur en a traduit le titre d'un mot des rhéteurs grecs, qui entendaient par diapéσɛiç toutes les divisions et subdivisions de leur art, et qui appelaient les traités de ce genre diαipetixal Texvat. On voit, au ch. 40, qu'il avait appris des Académiciens à soumettre ainsi aux formes philosophiques la théorie de l'art de la parole.

La monotonie et l'aridité de cet ouvrage, l'obscurité de quelques passages, mais surtout la forme de la composition et le caractère du style, ont fait douter que Cicéron en fut l'auteur. C'était un beau champ à des disputes philologiques mais le témoignage formel de Quintilien a arrêté ceux des philologues modernes qui ont montré le plus de penchant à susciter ces sortes d'énigmes. Quant au style, nous pensons, avec M. Leclerc, qu'il n'est pas indigne de Cicéron.

Le plan général de ce dialogue est fort simple. La Rhétorique est divisée en trois parties principales: le talent de l'orateur, le discours et la question. Le talent de l'orateur consiste à savoir inventer, disposer, exprimer ses idées, les retenir et les débiter (I-VIII). Le discours comprend l'exorde, la narration, la confirmation, la péroraison (VII-XVII). Les diverses sortes de questions ou de causes (XVIII-XXXIX) complètent cet abrégé.

I. CICERON FILS. Mon père, je désire, si toutefois vous en avez le temps et la volonté, que vous me redisiez en latin les préceptes que vous m'avez donnés en grec sur l'éloquence.-CICERON PÈRE. Est-il rien, mon fils, que je puisse vouloir avant votre parfaite instruction? J'ai, d'ailleurs, tout le loisir possible, puisqu'en enfin j'ai trouvé l'occasion de quitter Rome; et de plus je préfère volontiers vos études à mes plus sérieuses occupations. — C. F. Ainsi, vous voulez bien que je

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I. CICERO FILIUS. Studeo, mi pater, latine ex te audire ea, quæ mihi tu de ratione dicendi græce tradidisti; si modo tibi est otium, et si vis. - CICERO PATER. An est, ni Cicero, quod ego malim, quam te quam doctissimum esse? Otium autem primum summum est, quoniam aliquando Roma exeundi potestas data est; deinde ista tua studia vel maximis occupationibus meis anteferrem libenter. - C. F. Visne igitur, ut tu me græce soles ordine interrogare, sic ego te vicissim eisdem de rebus latine interrogem? C. P. Sane, si placet; sic enim et ego te meminisse intelligam, quæ accepisti; et tu ordine audies, quæ requires. C. F. Quot in partes distribuenda est omnis doctrina dicendi? - C. P. In tres. C. F. Cedo quas? C. P. Primum in ipsam vim oratoris, deinde in orationem, tum in quæstionem. — C. F. In quo est ipsa vis?

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vous adresse, en latin, et par ordre, les questions que vous aviez l'habitude de me faire en grec?— C. P. Très-certainement. Je verrai, par ce moyen, si vous avez retenu mes leçons, et je répondrai successivement à chacune de vos demandes. C. F. En combien de parties divise-t-on l'art oratoire? C. P. En trois parties.-C. F. Quelles sont-elles, je vous prie?-C. P. La première traite du talent de l'orateur; la seconde, de la composition du discours; la troisième, de la question.-C. F. En quoi consiste le talent de l'orateur?-C. P. Dans les pensées et dans les mots, dans l'art de trouver et de disposer les unes et les autres. Aux pensées s'applique proprement l'invention, et aux mots, l'élocution. Quant à la disposition, quoiqu'elle leur soit commune à toutes deux, on la rapporte cependant à l'invention. La voix, le geste, le jeu de la physionomie, toute l'action enfin sert d'accompagnement au discours, et la mémoire est le dépôt de toutes ces choses.-C. F. Combien y a-t-il de parties oratoires? -C. P. Il y en a quatre : deux, savoir, la narration et la confirmation, ont pour but l'établissement du fait; les deux autres, l'exorde et la péroraison, servent à exciter les passions. - C. F. En combien de parties se divise la question?-C. P. En deux parties; la question générale qu'on appelle thèse, et la question particulière qu'on apelle cause.

II.-C. F. Puisque l'invention est le premier objet de l'orateur, que doit-il chercher d'abord?C. P. Les moyens de convaincre ceux qu'il veut persuader, et l'art de faire naitre des émotions

- C. P. In rebus, et verbis. Sed et res, et verba, invenienda sunt, et collocanda. Proprie autem in rebus invenire, in verbis eloqui dicitur. Collocare autem, etsi est commune, tamen ad inveniendum refertur. Vox, motus, vultus, atque omnis actio, eloquendi comes est, earum. que rerum omnium custos est memoria. - C. F. Quid? orationis quot sunt partes? - C. P. Quatuor : earum duæ valent ad rem docendam, narratio et confirmatio; ad impellendos animos duæ, principium et peroratio. -- C. F. Quid? quæstio quasnam habet partes? C. P. Infinitam, quam consultationem appello; et definitam, quam causam nomino.

II. C. F. Quoniam igitur invenire primum est oratoris, quid quæret? C. P. Ut inveniat, quemadmodum fidem

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dans leur esprit. C. F. Comment s'opère la conviction?- C. P. Par les arguments tirés des lieux compris dans le sujet ou hors du sujet. C. F. Qu'appelez-vous lieux? - C. P. Les sources d'où l'on extrait les arguments.-C. F. Qu'estce qu'un argument? - C. P. Une idée vraisemblable employée à convaincre.-C. F. Comment distinguez-vous les deux espèces de lieux dont vous venez de parler? — C. P. J'appelle lieux extrinsèques ceux qui s'offrent d'eux-mêmes et sans l'intervention de l'art; tels sont les témoignages.-C. F. Et les lieux intrinsèques?-C. P. Ceux qui sont inhérents au sujet. — C. F. Combien y a-t-il de sortes de témoignages?-C. P. Deux sort es: ceux des dieux et ceux des hommes: les témoignages des dieux, c'est-à-dire, les oracles, les augures, les prédictions, les réponses des prêtres, des aruspices, des devins; les témoignages des hommes, qu'on déduit du sentiment, de l'intention, de l'aveu libre ou forcé, sans omettre les titres, les contrats, les obligations, les serments, les enquêtes. — C. F. Quels sont les lieux que vous appelez intrinsèques? — C. P. | Ceux qui tiennent au fond même de la cause, comme la définition, les contraires, les rapports de conformité ou de différence, de convenance ou de disconvenance; compatibilité des choses entre elles ou leur incompatibilité; les causes ou leurs effets; les divisions, les genres des parties ou les parties des genres; les antécédents et en quelque sorte les avant-coureurs d'un fait, lesquels peuvent prêter matière à quelque argument; enfin les comparaisons, ce qu'il y a de plus

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insita? C. P. Quæ inhærent in ipsa re. C. F. Testimoniorum quæ sunt genera? - C. P. Divinum, et humanum: divinum, ut oracula, ut auspicia, ut vaticinationes, ut responsa sacerdotum, aruspicum, conjectorum; humanum, quod spectatur ex auctoritate, et ex voluntate, et ex oratione, aut libera, aut expressa in quo insunt scripta, pacta, promissa, jurata, quæsita. — C. F. Quæ sunt quæ dicis insita? C. P. Quæ infixa sunt rebus ipsis, ut definitio, ut contrarium, ut ea, quæ sunt ipsi contrariove ejus aut similia, aut dissimilia, aut consentanea, aut dissentanea; ut ea, quæ sunt quasi conjuncta, aut ea, quæ sunt quasi pugnantia inter se; aut earum rerum, de quibus agitur, causæ; aut causarum eventus, id est, quæ sunt effecta de causis; ut distributiones, ut genera partium, generumve partes; ut primordia rerum et quasi præcurrentia, in quibus inest aliquid argumenti; ut rerum contentiones, quid majus, quid par, quid minus sit, in quibus aut naturæ rerum, aut facultates comparantur.

grand, d'égal ou de plus petit, soit dans la nature des choses, soit dans leurs qualités.

ses.

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III. C. F. Faut-il tirer des arguments de tous ces lieux ? C. P. Mieux que cela il faut les examiner tous, les peser avec le plus grand soin; user de tout son discernement, pour rejeter les preuves qui sont faibles, et négliger complètement celles qui sont communes et inutiles. — C. F. Voilà pour la conviction; quels sont maintenant les moyens d'émouvoir? — C. P. La question n'est point déplacée; mais j'y répondrai mieux quand je traiterai du discours et des états de cau- C. F. Que vient-il après cela? - C. P. La disposition. Dans la question générale, elle se réduit à peu près à l'ordre que je viens d'assigner aux lieux des arguments; dans la cause particulière, il faut encore employer les moyens qui produisent l'émotion. — C. F. Comment expliquezvous cela? C. P. L'art de convaincre et celui d'émouvoir ont des règles communes. La conviction naît de la croyance dans un fait. L'émotion naît d'une âme excitée par le plaisir ou par la douleur, par la crainte ou par le désir (ces passions forment les genres qui sont la source de toutes les autres): je dispose donc le plan d'un discours suivant le but de la question. Dans la question générale le but est de convaincre; dans la question particulière ou dans la cause, de convaincre et de toucher. Ainsi, quand j'aurai traité de la cause où la question générale est expliquée, j'aurai traité de l'une et de l'autre. — C. F. Qu'avez-vous donc à dire sur la cause? C. P. On traitera la cause différemment, suivant la nature

III. C. F. Omnibusne igitur ex his locis argumenta sumemus? C. P. Imo vero scrutabimur et quæremus ex omnibus: sed adhibebimus judicium, ut levia semper rejiciamus, nonnunquam etiam communia prætermittamus et non necessaria.

C. F. Quoniam de fide respondisti, volo audire de motu. C. P. Loco quidem quæris; sed planius. quod vis explicabitur, quum ad orationis ipsius quæstionumque rationem venero.

- C. F. Quid sequitur igitur? — C. P. Quum inveneris, collocare cujus] in infinita quæstione, ordo est idem fere, quem exposui, locorum; in definita autem adhibenda sunt illa etiam, quæ ad motum animorum pertinent. — C. F. Quomoda igitur ista explicas? - C. P. Habeo communia præcepta fidem faciendi et commovendi. Quoniam fides est firma opinio; motus autem, animi incitatio aut ad voluptatem, aut ad molestiam, aut ad metum, aut ad cupiditatem (tot enim sunt motus genera, partes plures generum singulorum): omnem collocationem ad finem accommodo quæstionis. Nam est in proposito finis, fides; in causa et fides, et motus. Quare quum de causa dixero, in qua est propositum, de utroque dixero. C. F. Quid habes igitur de causa dicere? C. P. Auditorum eam genere distingui. Nam aut auscultator est modo qui audit, aut disceptator, id est, rei sententiæque moderator : ita, ut aut delectetur, aut statuat aliquid. Statuit autem aut de præteritis, ut judex, aut de futuris, ut senatus. Sic

de ses auditeurs. En effet, ou on s'adresse à des auditeurs venus simplement pour entendre, ou à des gens compétents appelés à connaître et à décider de l'affaire; les auditeurs écoutent pour leur plaisir, les gens compétents, pour statuer. Or, on statue sur le passé, comme fait un juge; ou sur l'avenir, comme fait le sénat. De là trois genres de causes : le judiciaire, le délibératif, le démonstratif. Ce dernier s'appelle aussi le genre apologéti-pousse, que, parce qu'il est surtout consacré à l'éloge.

IV.-C. F. Que doit se proposer l'orateur dans ces trois genres? - C. P. Dans le démonstratif, de plaire; dans le judiciaire, d'exciter le juge à la sévérité ou à l'indulgence; dans le délibératif, de faire naître parmi les intéressés l'espérance ou la crainte. C. F. Pourquoi donc placez-vous ici les trois genres de causes? - C. P. Pour régler l'ordre des preuves sur le but que chacun se propose.-C. F. Comment? - C. P. Dans le genre démonstratif, par exemple, où le but est de plaire, il y a bien des moyens d'y parvenir. En effet, ou l'on suit l'ordre des temps, ou l'on s'attache aux divisions de la matière, ou l'on remonte du plus petit au plus grand, ou l'on descend du plus grand au plus petit, ou l'on cherche la variété des contrastes, en opposant le petit au grand, le simple au composé, le doute à l'évidence, la joie à la tristesse, le merveilleux au vraisemblable; contrastes tous propres surtout à ce genre. - C. F. Quel est l'ordre à suivre dans le délibératif? — C. P. L'exorde doit être court, souvent même on n'en fait pas; car ceux qui viennent pour délibérer sont assez portés par leur propre intérêt à être attentifs. On abrége souvent aussi la narration; car on ne raconte que les choses pas

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tria sunt genera, judicii, deliberationis, exornationis : quæ, quia in laudationes maxime confertur, proprium habet jam ex eo nomen.

IV. C. F. Quas res sibi proponet in istis tribus generibus orator? - C. P. Delectationem in exornatione; in judicio, aut sævitiam, aut cleinentiam judicis; in suasione autem, aut spem, aut reformidationem deliberantis. C. F. Cur igitur exponis hoc loco genera controversiarum? C. P. Ut rationem collocandi ad finem cujusque accommodem. - C. F. Quonam tandem modo? C. P. Quia, quibus in orationibus delectatio finis est, varii sunt ordines collocandi. Nam aut temporum servantur gradus, aut generum distributiones; aut a minoribus ad majora adscendimus, aut a majoribus ad minora delabimur; aut hæc inæquali varietate distinguimus, quum parva magnis, simplicia conjunctis, obscura dilucidis, læta tristibus, incredibilia probabilibus inteximus, quæ in exornationem cadunt omnia. C. F. Quid? in deliberatione quid spectas? C. P. Principia, vel non longa, vel sæpe nulla. Sunt enim ad audiendum, qui deliberant, sua causa parati. Nec multum sane sæpe narrandum est. Est enim narratio aut præteritarum rerum aut præsentium; suasio aulem, futurarum. Quare ad fidem et ad motum adhibenda est omnis oratio. - C. F. Quid? in judiciis quæ est col locatio? - C. P. Non eadem accusatoris et rei : quod ac

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sées ou présentes, et la délibération a lieu sur l'avenir. Tout le discours alors doit avoir pour but de convaincre et d'émouvoir. — C. F. Et dans le judiciaire, quel est l'ordre? C. P. Il n'est pas le même pour l'accusateur et pour l'accusé. L'accusateur doit suivre l'ordre de sa matière. Chacun de ses arguments est une arme dont il frappe son adversaire; il l'attaque avec véhémence, il le il le presse, il invoque contre lui les ti~ tres, les jugements, les témoignages; il insiste à propos sur chacune de ces preuves; et, dans le courant du discours, il emploie, dans de rapides digressions, les moyens enseignés pour émouvoir, en se réservant toutefois les plus puissants pour la péroraison; car son but est d'irriter le juge.

V.-C. F. Que doit faire l'accusé? —C. P. Suivre une route tout opposée; dans son exorde, se concilier la bienveillance, omettre dans la narration ce qui pourrait lui nuire; la supprimer, si elle n'a rien de favorable pour lui; réfuter les preuves de l'accusateur, ou les rendre obscures, ou les éluder par des digressions; enfin, dans la péroraison, attendrir les juges.-C. F. Est-on toujours libre de suivre l'ordre qu'on veut? — C. P. Non; car l'orateur habile et expérimenté consulte avant tout les dispositions de ceux qui l'écoutent, et change ce qui pourrait leur déplaire.

- C. F. Voulez-vous passer à ce qui regarde l'élocution et les mots? C. P. Il y a deux sortes d'élocution : l'une, naturelle, et qui semble coulerde source; l'autre, polie, et variée selon les règles de l'art. Pris séparément, les mots ont une valeur absolue; réunis, ils en ont une relative. Il faut d'abord trouver les mots, et ensuite les placer.

cusator rerum ordinem prosequitur, et singula argumenta, quasi hasta in manu collocata, vehementer proponit, concludit acriter, confirmat tabulis, decretis, testimoniis, accuratiusque in singulis commoratur; perorationisque præceptis, quæ ad incitandos animos valent, et in reliqua oratione paullulum degrediens de cursu dicendi, utitur, et vehementius in perorando. Est enim propositum, ut iratum efficiat judicem.

V. C. F. Quid faciendum est contra reo? - C. P Omnia longe secus: sumenda principia ad benivolentiam conciliandam; narrationes aut amputandæ, quæ lædunt; aut relinquendæ, si totæ sunt molesta; firmamenta ad fidem posita, aut per se diluenda, aut obscuranda, aut degressionibus obruenda, perorationes autem ad misericordiam conferendæ. C. F. Semperne igitur ordinem collocandi, quem volumus, tenere possumus? — C. P. Non sane. Nam auditorum aures moderantur oratori prudenti et provido, et quod respuunt, immutandum est.

C. F. Expone deinceps, quæ ipsius orationis verborumque præcepta sint. — C. P. Unum igitur genus est eloquendi sua sponte fusum; alterum versum, atque mutatum. Prima vis est in simplicibus verbis; in conjunctis secunda. Simplicia invenienda sunt; conjuncta collocanda

sunt.

Et simplicia verba partim nativa sunt, partim reperta.

Les mots, considérés à part, sont primitifs ou, gueur ou à la concision du style, aux équivodérivés. Les mots primitifs ont une signification absolue. Les dérivés sont composés de primitifs, et formés par analogie, par imitation, par inflexion, ou par l'adjonction de quelques lettres. On peut faire une autre distinction dans les mots : on peut les considérer selon leur nature ou selon l'art. Ainsi, les uns sont naturellement plus sonores, plus nobles, plus doux, plus purs; les autres sont tout le contraire. L'art distingue le nom, l'épithète, les termes anciens et nouveaux, les expressions figurées, ou détournées de leur signification par les tropes, telles que la métaphore, la métonymie, la catachrèse, l'allégorie, l'hyperbole, et tous ces moyens de donner au langage des grâces que son usage habituel n'admet

pas.

VI.-C. F. Voilà pour les mots pris séparément; parlez-moi maintenant de la réunion. — C. P. Il faut, dans la construction de la phrase, du nombre et de la correction. L'oreille est juge du nombre; elle condamne également la sécheresse et la redondance; on observe la correction en respectant rigoureusement les règles relatives aux genres, aux nombres, aux temps, aux cas et aux personnes. Car si le barbarisme dans les mots nous blesse, il en est de même du solécisme dans la phrase.

Il y a d'ailleurs cinq qualités communes aux mots séparés ou réunis : la clarté, la brièveté, la vraisemblance, l'éclat, l'agrément. La clarté exige qu'on n'emploie que les termes propres, usités, et qu'on les place d'une manière convenable soit dans la période, soit dans les membres, soit dans les incises: l'obscurité tient à la lon

Nativa ea, quæ significata sunt sensu; reperta, quæ ex his facta sunt, et novata aut similitudine, aut imitatione, aut inflexione, aut adjunctione verborum. Atque etiam est hæc distinctio in verbis: altera, natura; tractatione, altera. Natura, ut sint alia sonantiora, graviora, leviora et quodam modo nitidiora ; alia contra : tractatione autem, quum aut propria sumuntur rerum vocabula, aut addita ad nomen, aut nova, aut prisca, aut ab oratore modificata et inflexa quodam modo; qualia sunt ea, quæ transferuntur, aut immutantur, aut ea, quibus tanquam abutimur, aut ea, quæ obscuramus, quæ incredibiliter tollimus, quæque mirabilius, quam sermonis consuetudo patitur, or

namus.

VI. C. F. Habeo de simplicibus verbis: nunc de conjunctione quæro. C. P. Numeri quidam sunt in conjunctione servandi, consecutioque verborum. Numeros aures ipsæ metiuntur, ne aut non compleas verbis, quod proposueris, aut redundes. Consecutio autem, ne generibus, numeris, temporibus, personis, casibus perturbetur oratio. Nam, ut in simplicibus verbis, quod non est latinum; sic in conjunctis, quod non est consequens, vituperandum est.

Communia autem simplicium conjunctorumque sunt hæc quinque quasi lumina; dilucidum, breve, probabile,

ques, à l'abus des figures. La brièveté consiste dans la simplicité, dans la manière d'énoncer chaque idée une fois et seulement pour la rendre claire. Il y a vraisemblance dans le discours, s'il n'a pas trop de recherche et d'ornements; si les termes ont de l'autorité et de la force; si les pensées sont graves, ou conformes aux opinions et aux mœurs des hommes. Le style tire son éclat de la noblesse et du choix des termes, des métaphores, des hyperboles, des épithètes, des répétitions, de la synonymie, des images. Les images mettent pour ainsi dire l'objet sous les yeux, et, par ce sens qui est le premier séduit, nos autres sens, notre esprit même peuvent recevoir la même impression. Ce que j'ai dit de la clarté s'applique aussi à l'éclat du style: seulement cette qualité est un peu plus que la première l'une nous fait comprendre une chose; l'autre nous la rend visible. Il y aura de l'agrément dans le discours, si le discours offre un heureux choix de termes élégants, harmonieux, sonores; si leur assemblage ne présente point d'aspérités ou d'hiatus; si la période est bornée à l'étendue de la voix humaine, et si ses parties ont de justes proportions; s'il y a dans les mots de la symétrie et des désinences semblables; si ceux qui précèdent se balancent avec ceux qui suivent; si l'on emploie avec sobriété l'antithèse, l'isocolon, l'adjonction, la répétition, la conduplication, la conjonction, la disjonction. On ajoute encore à l'agrément du style par le récit de faits jusqu'alors inconnus, inouïs, enfin entièrement nouveaux : car ce qui frappe d'étonnement plaît toujours.

Le charme du discours consiste surtout dans

illustre, suave. Dilucidum fit usitatis verbis, propriis, dispositis, aut circumscriptione conclusa, aut intermissione, aut concisione verborum; obscurum autem, aut longitudine, aut contractione orationis, aut ambiguitate, aut inflexione atque immutatione verborum. Brevitas autem conficitur simplicibus verbis, semel unaquaque re dicenda, nulli rei, nisi, ut dilucide dicas, serviendo. Probabile autem genus est orationis, si non nimis est comtum atque expolitum, si est auctoritas et pondus in verbis, si sententiæ vel graves, vel aptæ opinionibus hominum et moribus. Illustris autem oratio est, si et verba gravitate delecta ponuntur, et translata, et superlata, et ad nomen adjuncta, et duplicata, et idem significantia, atque ab ipsa actione atque imitatione rerum non abhorrentia. Est enim hæc pars orationis, quæ rem constituat pæne ante oculos; is enim maxime sensus attingitur: sed ceteri tamen, et maxime mens ipsa moveri potest. Sed quæ dicta sunt de oratione dilucida, cadunt in hanc illustrem omnia. Est enim plus aliquanto illustre, quam illud dilucidum : altero fit, ut intelligamus; altero vero, ut videre videamur. Suave autem genus erit dicendi, primum elegantia et jucunditate verborum sonantium et lenium; deinde conjunctione, quæ neque asperos habeat concursus, neque disjunctos atque hiantes; et sit circumscripta non longo anfractu, sed ad

les mouvements de l'âme; ils font qu'on aime l'orateur, lorsqu'il manifeste les sentiments d'un cœur noble et généreux, ou lorsque par quelque artifice de langage, élevant autrui pour s'abaisser soi-même, il laisse penser de lui autre chose que ce qu'il diten effet ; et cela plutôt par politesse que par un sentiment de vanité. Mais, parmi ces moyens de rendre le discours agréable, il en est qui pourraient nuire à la clarté ou à la vraisemblance. C'est donc à nous de voir, dans cette partie comme dans toutes les autres, quelles sont les convenances du sujet.

- C. F. C'est maintenant, je pense, le tour de l'action. C. F. Oui; et même il est très-important de la varier selon les choses et les expressions. Celles-ci, en effet, ne suffisent pas pour donner au discours de la clarté, de l'éclat, du naturel, de l'agrément; il faut y joindre les différentes inflexions de la voix, le geste, le jeu de la physionomie: moyens infaillibles quand ils sont en harmonie avec la parole, et qu'ils en rendent les divers mouvements et la force. C. F. Avez-vous encore quelque chose à dire des qualités de l'orateur? C. P. Rien, excepté de la mémoire, qui est comme la sœur de l'écriture, et qui a tant de ressemblance avec elle, bien que d'un genre différent. Car, de même que l'écriture trace sur la cire les caractères dont elle est formée, de même la mémoire a ses lieux propres, et, pour ainsi dire, ses tablettes, où sont gravées, comme des caractères, les images de

ses souvenirs.

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VIII.-C. F. Maintenant que vous avez dév e

VII.-C. F. Pour achever ce qui regarde l'élocution, il vous reste à parler de celle qui consiste dans certains tours, certaine variété de style. C. P. Ce genre n'est en effet que l'art de changer les mots et les phrases. Avec les mots, on peut étendre ou resserrer le style: on l'étend, lorsqu'à la place du mot propre, d'un synonyme ou d'un composé, on met une périphrase; on le resserre, lorsqu'on rappelle une définition à un seul mot, lorsqu'on supprime les termes accessoires, lors-loppé tout ce qui constitue le talent de la parole, qu'on réunit plusieurs propositions en une seule qu'avez-vous à me dire sur la composition du période, ou que de deux mots on n'en fait qu'un. discours?-C. P. Le discours a quatre parties. La Quant aux phrases, il y a, sans toucher aux première et la dernière sont destinées à émoumots, trois manières d'en varier l'ordre et la voir; ce sont l'exorde et la péroraison. La sedisposition. On peut ou donner à la phrase l'or-conde et la troisième, je veux dire la narration dre direct et naturel, ou intervertir l'ordre des membres et les placer à rebours, ou enfin mêler et entrelacer les incises. C'est surtout à cette variété de style qu'on reconnaît l'orateur consommé.

spiritum vocis apto, habeatque similitudinem æqualitafenique verborum; tum ex contrariis sumta verbis, crebra crebris, paria paribus respondeant, relataque ad idem verbum; et geminata, atque duplicata, vel etiam sæpius iterata ponantur? constructioque verborum tum conjunctionibus copuletur, tum dissolutionibus relaxetur. Fit etiam suavis oratio, quum aliquid aut invisum, aut inauditum, aut novum dicas. Delectat enim quidquid est admirabile. Maximeque movet ea, quæ motum aliquem animi miscet, oratio; quæque significat oratoris ipsius amabiles mores : qui exprimuntur, aut significando judicio ipsius ex animo humano ac liberali, aut inflexione sermonis, quum aut augendi alterius, aut minuendi sui causa, alia dici ab oratore, alia existimari videntur, idque comitate ficri magis, quam vanitate. Sed multa sunt suavitatis præcepta, quæ orationem aut magis obscuram, aut minus probabilem faciant. Itaque etiam hoc loco nobis est ipsis, quid causa postulet, judicandum.

VII. C. F. Reliquum est igitur, ut dicas de conversa oratione atque mutata.-C. P. Est itaque id genus totum situm in commutatione verborum; quæ simplicibus in verbis ita tractatur, ut aut ex verbo dilatetur, aut in verbum contrahatur oratio : ex verbo, quum aut proprium, aut idem significans, aut factum verbum in plura verba diducitur; ex oratione, quum aut definitio ad unum verbum revocatur, aut assumta verba removentur, aut in circuitus diriguntur, aut in conjunctione fit unum verbum ex duobus. In conjunctis autem verbis triplex adhiberi potest commutatio, non verborum sed ordinis tantummodo, CICERON.

TOME I.

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et la confirmation, servent à convaincre. Quoique l'amplification ait sa place dans l'exorde et le plus souvent dans la péroraison, on l'emploie avec succès dans le reste du discours, surtout à l'appui de la confirmation ou de la réfutation:

ut, quum semel dictum sit directe, sicut natura ipsa tulerit, invertatur ordo, et idem quasi sursum versus retroque dicatur; deinde idem intercise atque permixte. Eloquendi autem exercitatio maxime in hoc toto convertendi genere versatur.

C. F. Actio igitur sequitur, ut opinor.-C. P. Est ita : quæ quidem oratori et cum rerum et cum verborum momentis commutanda maxime est. Facit enim et dilucidam orationem, et illustrem, et probabilem, et suavem, non verbis, sed varietate vocum, motu corporis, vultu, quæ plurimum valebunt, si cum orationis genere consentient, ejusque vim ac varietatem subsequentur.-C. F. Num quidnam de oratore ipso restat?-C. P. Nihil sane, præter memoriam, quæ est gemina litteraturæ quodam modo, et in dissimili genere persimilis. Nam ut illa constat ex notis litterarum, et ex eo, in quo imprimuntur illæ notæ : sic confectio memoriæ, tanquam cera, locis utitur, et in his imagines, ut litteras, collocat.

VIII. C. F. Quoniam igitur vis oratoris omnis exposita est, quid habes de orationis præceptis dicere?--C. P. Quatuor esse ejus partes; quarum prima et postrema ad motum animi valet (is enim initiis est et perorationibus concitandus); secunda, narratio; et tertia, confirmatio, fidem facit orationi. Sed amplificatio quanquam habet proprium locum, sæpe etiam primum, postremum quidem fere semper, tamen reliquo in cursu orationis adhibenda est, maximeque quum aliquid aut confirmatum est, aut reprehensum. Itaque ad fidem quoque vel plurimum valet. Est enim amplificatio vehemens quædam argumentatio;

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