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le mieux. La mémoire fixe solidement dans l'esprit les pensées, les mots et la disposition du discours. La prononciation fait nuancer avec grâce la voix, la physionomie et le geste. Nous avons trois moyens d'acquérir tous ces avantages: l'art, l'imitation, l'exercice. L'art, c'est l'ensemble des préceptes qui tracent la route de l'éloquence et enseignent à suivre cette route. L'imitation nous fait travailler avec un zèle intelligent pour ressembler à certains modèles. L'exercice est le continuel usage de la parole, et l'habitude qu'on s'en fait.

J'ai fait connaître les genres de causes que doit traiter l'orateur et les qualités qui lui sont nécessaires; je vais parler maintenant de l'application qu'il en peut faire dans la pratique de l'éloquence. III. L'invention s'étend aux six parties oratoires : l'exorde, la narration, la division, la confirmation, la réfutation, la péroraison. L'exorde est le début du discours; il dispose l'esprit de l'auditeur à l'attention. La narration est l'exposé réel ou vraisemblable des faits. Dans la division | nous établissons les points qui sont hors de doute, ceux qui sont contestés, et nous exposons l'objet du discours. La confirmation développe nos arguments avec leurs preuves. La réfutation détruit ceux qu'on nous oppose. La péroraison termine avec art le discours. Maintenant que, des devoirs de l'orateur, je suis passé, pour les mieux faire connaître, aux parties oratoires, en les rapportant à l'invention, je crois devoir traiter d'abord de l'exorde. La cause une fois déterminée, il faut, pour y approprier plus convenablement l'exorde, considérer à quel genre elle appartient.

oporteat, docebimus: deinde, quo modo has causas tractari | conveniat, ostendemus. Oportet igitur esse in oratore inventionem, dispositionem, clocutionem, memoriam, et pronuntiationem. Inventio est excogitatio rerum verarum aut verisimilium, quæ causam probabilem reddant. Dispositio est ordo et distributio rerum; quæ demonstrat, quid quibus in locis sit collocandum. Elocutio est idoneorum verborum et sententiarum ad inventionem accommodatio. Memoria est firma animi rerum et verborum et dispositionis perceptio. Pronuntiatio est vocis, vultus, gestus moderatio cum venustate. Hæc omnia tribus rebus assequi poterimus, arte, imitatione, exercitatione. Ars est præceptio, quæ dat certam viam rationemque dicendi. Imitatio est, qua impellimur cum diligenti ratione, ut aliquorum similes in dicendo velimus esse. Exercitatio est assiduus usus consuetudoque dicendi. Quoniam igitur demonstratum est, quas causas oratorem recipere, quasque res habere conveniret, nunc, quemadmodum ad orationem possint oratoris officia accommodari, dicendum videtur.

III. Inventio in sex partes orationis consumitur, in exordium, narrationem, divisionem, confirmationem, confutationem, conclusionem. Exordium est principium orationis, per quod animus auditoris constituitur ad audiendum. Narratio est rerum gestarum, aut perinde ut gestarum, expositio. Divisio est, per quam aperimus, quid

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Ces genres sont au nombre de quatre : l'honnête, le honteux, le douteux et le bas. La cause appartient au genre honnête, quand nous défendons ce qui serait probablement défendu par tout le monde, ou que nous combattons ce que chacun repousserait comme nous par exemple, quand nous parlons en faveur d'un homme de bien, contre un parricide. On entend par honteuse, la cause qui a pour objet d'attaquer ce qui est honnête, ou de protéger ce qui ne l'est pas. Elle est douteuse quand elle participe à la fois des deux précédentes; elle est basse, quand son objet inspire le mépris.

IV. Il conviendra, par conséquent, que l'exorde soit approprié au genre de la cause. Il y a deux sortes d'exordes : le simple début, que les Grecs appellent pooiμov, et celui qui se fait par insinuation, qu'ils nomment podos. L'exorde n'est qu'un simple début quand, dès l'abord, nous disposons l'esprit de l'auditeur à nous écouter; il a pour objet de nous le rendre attentif, docile, bienveillant. Si notre cause est douteuse, afin d'empêcher que ce qu'elle a de honteux ne puisse nous nuire, nous commencerons par attirer la bienveillance. Si elle est du genre bas, nous exciterons l'attention; si elle est honteuse, il faudra recourir à l'insinuation, dont il sera parlé tout à l'heure, à moins que nous n'ayons trouvé le moyen de capter la bienveillance en incriminant notre adversaire. Si elle est honnête, nous pourrons indifféremment faire usage du simple début, ou nous en passer. Si nous voulons l'employer, il faudra montrer en quoi la cause est honnête, ou bien exposer en peu de mots notre

conveniat, quid in controversia sit; et per quam exponimus, quibus de rebus simus dicturi. Confirmatio est nostrorum argumentorum expositio cum asseveratione. Confutatio est contrariorum locorum dissolutio. Conclusio est artificiosus terminus orationis. Nunc, quoniam una cum oratoris officiis, quo res cognitu facilior esset, producti sumus, ut de orationis partibus loqueremur, et eas ad inventionis rationem accommodaremus, de exordio primum dicendum videtur.

Causa posita, quo commodius exordiri possimus, genus causæ considerandum est. Genera causarum sunt quatuor honestum, turpe, dubium, humile. Honestum causæ genus putatur, quum aut id defendimus, quod ab omnibus defendendum videtur; aut id oppugnamus, quod ab omnibus videtur oppugnari debere: ut pro viro forti contra parricidam. Turpe genus intelligitur, quum aut honesta res oppugnatur, aut defenditur turpis. Dubium genus est, quum habet in se causa et honestatis, et turpitudinis partem. Humile genus est, quum contemta res affertur.

IV. Quum hæc ita sint, conveniet exordiorum rationem ad genus causæ accommodari. Exordiorum duo sunt genera Principium, quod græcе ρооíμtov appellatur; et insinuatio, quæ ěpodoç nominatur. Principium est, quum statim auditoris animum nobis idoneum reddimus ad audiendum. Id ita sumitur, ut attentos, ut dociles, ut beni

sujet. Si nous y renonçons, il sera nécessaire | voulu placer en d'autres nos espérances. Nous obde faire valoir, en commençant, une loi, un tiendrons la bienveillance en parlant de nos adécrit, ou quelque autre circonstance capable d'of-versaires, lorsque nous en ferons des objets de frir à notre cause l'appui d'un argument irré- | haine, d'envie ou de mépris : de haine, en signasistible. Puisque nous voulons captiver l'intérêt, | lant dans leur conduite quelque trait d'infamie, la bienveillance et l'attention de l'auditeur, nous d'orgueil, de perfidie, de cruauté, de présomption, allons indiquer les moyens d'y parvenir. Nous de malice, de perversité, d'envie; en produisant pourrons captiver son intérêt, si nous savons ex- au grand jour leur violence, leur tyrannie, leurs poser rapidement le fond de la cause, et fixer son intrigues, leur opulence, leurs déréglements, l'aattention; car c'est nous témoigner de l'intérêt bus qu'ils font de leur noblesse, le nombre de que de consentir à nous écouter. Nous comman- leurs clients, de leurs hôtes, leurs liaisons, leurs derons l'attention en promettant de parler de alliances, et en prouvant qu'ils mettent plus de choses importantes, nouvelles, extraordinaires, confiance dans ces avantages que dans la justice ou de faits qui regardent l'État ou l'auditoire lui- de leur cause; enfin, de mépris, en dévoilant leur même, ou bien le culte des dieux immortels, en ignorance, leur lâcheté, leur mollesse, leurs priant que l'on nous écoute avec soin, et en fai- excès. On pourra se concilier la bienveillance en sant l'énumération des points que nous allons parlant des auditeurs, par l'éloge du courage, traiter. Quant à la bienveillance, il y a quatre de la sagesse, de la douceur, de l'éclat de leurs moyens de se la concilier, c'est de parler, ou de jugements; par la considération de l'estime qu'ils soi, ou de ses adversaires, ou de ses auditeurs, ou vont mériter, de l'attente qu'ils doivent remplir. de la cause elle-même. Le sujet lui-même appellera la bienveillance, quand nous exalterons la bonté de notre propre cause en méprisant celle de nos adversaires.

V. Pour attirer la bienveillance en parlant de nous-même, nous ferons un éloge modeste de nos services; nous rappellerons notre conduite envers la république, envers nos parents, nos amis ou ceux même qui nous écoutent, pourvu que tous ces souvenirs se lient à notre cause. Nous pourrons tracer aussi le tableau de nos disgrâces, de nos besoins, de notre abandon, de nos malheurs; supplier les auditeurs de nous prêter secours, en leur témoignant que nous n'avons pas

volos auditores habere possimus. Si genus causæ dubium habebimus, a benivolentia principium constituemus, ne quid illa turpitudinis pars nobis obesse possit. Sin humile erit genus causæ, faciemus attentos. Sin turpe causæ genus erit, insinuatione utendum est, de qua posterius dicemus, nisi quid nacti erimus, quare adversarios criminando, beni volentiam capere possimus. Sin honestum causæ genus erit, licebit recte vel uti, vel non uti principio. Si uti volemus, aut id oportebit ostendere, quare causa sit honesta, aut breviter, quibus de rebus simus dicturi, exponere. Si principio uti nolemus, a lege, a scriptura, aut ab aliquo firmissimo nostræ causæ adjumento principium capere oportebit. Quoniam igitur docilem, benivolum, attentum habere auditorem volumus, quomodo quidque confici possit, aperiemus. Dociles auditores habere poterimus, si summam causæ breviter exponemus, et si attentos eos faciemus; nam docilis est is, qui attente vult audire. Attentos habebimus, si pollicebimur, nos de rebus magnis, novis, inusitatis verba facturos, aut de iis rebus, quæ ad rempublicam pertineant, aut ad eos ipsos, qui audient, aut ad deorum immortalium religionem : et, si rogabimus, ut attente audiant: et, si numero exponemus res, quibus de rebus dicturi sumus. Benivolos auditores facere quatuor modis possumus, a nostra, ab adversariorum, ab auditorum persona, et a rebus ipsis.

V. A nostra persona benivolentiam contrahemus, si nostrum officium sine arrogantia laudabimus, aut in rempu blicam quales fuerimus, aut in parentes, aut in amicos, aut in eos ipsos, qui audiunt, referemus, dum hæc omnia ad

VI. Nous allons traiter à présent de l'exorde par insinuation. Il y a trois circonstances où l'on ne peut user du début simple; il faut les examiner avec soin : c'est lorsque nous plaidons une cause honteuse, c'est-à-dire propre à indisposer contre nous ceux qui nous écoutent, ou bien lorsque les raisons présentées par nos adversaires semblent assez fortes pour porter la conviction

eam ipsam rem, de qua agitur, sint accommodata. Item si nostra incommoda proferemus, inopiam, solitudinem, calamitatem et, si orabimus, ut nobis sint auxilio; simul ostendemus, nos in aliis spem noluisse habere. Ab adversariorum persona benivolentia captabitur, si eos in odium, in invidiam, in contemtionem adducemus. In odium rapiemus, si quod eorum spurce, superbe, perfidiose, crudeliter, confidenter, malitiose, flagitiose factum proferemus. In invidiam trahemus, si vim, si potentiam, factionem, divitias, incontinentiam, nobilitatem, clientelas, hospitium, sodalitatem, affinitates adversariorum proferemus, et his adjumentis magis, quam veritate eos confidere aperiemus. In contemtionem adducemus, si inertiam, ignaviam, desidiam, luxuriam adversariorum proferemus. Ab auditorum persona benivolentia colligetur, si res eorum fortiter, sapienter, mansuete, magnifice judicatas profere mus et si, quæ de iis existimatio, quæ judicii exspectatio sit, aperiemus. Ab rebus ipsis benivolum efficiemus auditorem, si nostram causam laudando extollemus, adversariorum per contemtionem deprimemus.

VI. Deinceps de insinuatione aperiendum est. Tria sunt tempora, quibus principio uti non possumus, quæ diligenter sunt consideranda: aut quum turpem causam habemus, hoc est, quum ipsa res animum auditoris a nobis alienat; aut quum animus auditoris persuasus videtur esse ab iis, qui ante contra dixerunt; aut quum defessus est eos audiendo, qui ante dixerunt. Si causa turpitudinem habebit, exordiri poterimus his rationibus: rem, non hominem; aut hominem, non rem spectari oportere : non pla

ler par quelque chose qui puisse exciter le rire, un apologue, un conte, une citation forcée, une inversion, ou une équivoque, une conjecture, un sarcasme, une naïveté, une hyperbole, un rapprochement, un changement de lettres : ou bien encore nous piquerons la curiosité au moyen d'une comparaison, d'une bizarrerie; en citant une anecdote, un vers; en profitant d'une interpellation, d'un sourire approbateur. Nous pourrons promettre aussi de répondre autrement que nous n'y étions préparés; de ne pas nous exprimer comme les autres ont l'habitude de le faire; et nous montrerons en quelques mots en quoi consiste leur manière et la nôtre.

dans les esprits; ou bien encore lorsque l'audi- | toire est fatigué par l'attention qu'il a déjà prêtée à ceux qui ont parlé avant nous. Si la cause a quelque chose de honteux, voici comment nous pourrons commencer : C'est la chose et non pas la personne, ou bien la personne et non pas la chose qu'il faut considérer : nous sommes bien loin d'approuver les faits allégués par nos adversaires; ils sont indignes, ils sont odieux. Puis, lorsque nous aurons développé cette idée pendant longtemps, nous prouverons qu'il n'y a rien eu de pareil dans notre conduite; ou nous nous appuyerons d'un jugement prononcé par un autre tribunal dans une cause analogue ou tout à fait semblable, dans une moins importante ou plus grave encore. Nous arriverons ensuite insensiblement à la nôtre, et nous ferons voir en quoi elle ressemble à celle que nous venons de citer. Nous déclarerons aussi que notre intention n'est pas d'attaquer la personne de nos adversaires tout en restant dans la cause. Cependant, et malgré cela, nous en traiterons d'une façon détournée par quelques mots jetés comme au hasard. Si notre adversaire avait persuadé les auditeurs, c'est-à-dire que son discours eût produit la conviction, ce qu'il nous sera facile de reconnaître, puisque nous savons les moyens qui la déterminent ordinairement, nous nous insinuerons dans la cause de la manière suivante : Nous promettrons de parler d'abord de ce que nos adversaires ont regardé comme l'invincible argument de leur cause; ou bien nous commencerons par attaquer quelques-unes de leurs assertions, et surtout la dernière; ou nous paraîtrons ne pas savoir par laquelle nous devons débuter, nous demandant avec embarras quelle est celle que nous réfuterons la première. Enfin, si l'attention de l'auditeur est fatiguée, nous essayerons d'abord de la réveil-bien encore, s'il suffit de légers changements pour

cere nobis ipsis, quæ facta dicantur ab adversariis, et esse indigna aut nefaria. Deinde quum diu rem auxerimus, nihil simile a nobis factum ostendemus; aut aliquorum judicium de simili causa, aut de minore, aut de majore proferemus. Deinde ad nostram causam pedetentim accedemus, et similitudinem conferemus. Item si negabimus, nos de adversariis, aut de aliqua re dicturos, et tamen occulte dicemus interjectione verborum. Si persuasus auditor fuerit, id est, si oratio adversariorum auditoribus fidem fecerit (neque enim non facile scire poterimus, quoniam non sumus nescii, quibus rebus fides fieri soleat) : ergo si fidem factam putabimus, his nos rebus insinuabimus ad causam : de eo, quod adversarii firmissimum sibi adjumentum putaverint, primum nos dicturos pollicebimur; aut ab adversarii dicto exordiemur, et ab eo maxime, quod ille nuperrime dixerit; aut dubitatione utemur, quid potissimum dicamus, aut cui loco primum respondeamus, cum admiratione. Si defessi erunt audiendo, ab aliqua re, quæ risum movere possit, exordiemur, ab apologo, a fabula verisimili, imitatione, depravatione, inversione, ambiguo, suspicione, irrisione, stultitia, exsuperatione,

VII. Voici quelle est la différence entre l'exorde par insinuation et le simple début. Dans ce dernier, nous devons employer, dès l'abord, les moyens que nous avons prescrits pour nous concilier la bienveillance, l'attention et l'intérêt de l'auditeur; tandis que, dans le premier, nous cachons et dissimulons notre marche pour arriver au même but, et nous faire obtenir les mêmes avantages. Sans doute l'orateur doit se proposer, dans toute la suite de son discours, d'atteindre un triple but, c'est-à-dire de captiver continuellement les auditeurs, de se les rendre favorables, bienveillants; mais c'est surtout dans l'exorde qu'il doit s'assurer cette bienveillance. Maintenant, je vais t'enseigner à éviter les défauts, qui pourraient déparer ton exorde. Lorsqu'on commence un discours, il faut avoir soin de donner de la douceur à son débit et de la simplicité à son langage, afin que rien ne sente l'apprêt. L'exorde n'est pas bon lorsqu'il peut convenir également à plusieurs causes; c'est celui qu'on appelle banal ; il en est de même, lorsque votre adversaire peut l'employer aussi bien que vous; c'est l'exorde vulgaire; ou

collatione, litterarum mutatione; præterea exspectatione, similitudine, novitate, historia, versu; aut ab alicujus interpellatione, aut arrisione; et si promiserimus, aliter, ac parati fuerimus, nos esse dicturos; nos non eodem modo, ut ceteri soleant, verba facturos; quid alii soleant, quid nos facturi simus, breviter exponemus.

VII. Inter insinuationem et principium hoc interest. Principium hujusmodi debet esse, ut statim apertis rationibus, quibus præscripsimus, aut benivolum, aut attentum, aut docilem faciamus auditorem : at insinuatio ejusmodi debet esse, ut occulte per dissimulationem eadem illa omnia conficiamus, ut ad eamdem commoditatem in dicendi opere pervenire possimus. Verum hæ tres utilitates tametsi in tota oratione sunt comparandæ, hoc est, ut auditores sese perpetuo nobis attentos, dociles, benivolos præbeant; tamen id per exordium causæ maxime comparandum est. Nunc, ne quando vitioso exordio utamur, quæ vitia vitanda sint, docebo. In exordienda causa servandum est, ut lenis sit sermo, et usitata verborum consuetudo, ut non apparata oratio esse videatur. Vitiosum exordium est, quod in plures causas potest accommodari, quod

qu'on puisse vous l'opposer. Il n'est pas moins imparfait lorsque les termes en sont trop recherchés, qu'il est trop long, ou ne paraît pas naître du sujet lui-même (on l'appelle alors étranger, ce qui comprend aussi l'exorde d'emprunt); quand il ne se lie pas étroitement à la narration; lorsque enfin il ne produit sur l'auditeur aucun des trois effets qu'on se propose. Mais c'est assez sur l'exorde; passons maintenant à la narration.

:

VIII. Il y a trois genres de narrations. L'une qui expose les faits et sait les présenter sous un jour avantageux à la cause, pour assurer le succès c'est celle qui convient dans les affaires soumises à un jugement. L'autre est celle qu'on fait entrer quelquefois dans le discours, comme moyen de preuve, d'accusation, de transition, de préparation ou d'éloge. La troisième ne s'emploie pas dans les causes civiles, et cependant il est utile de s'y exercer, afin de réussir plus aisément dans les deux autres. Elle se divise en deux genres, l'un qui regarde les choses, et l'autre, les personnes. Celle qui regarde les choses a trois parties, la fable, l'histoire et l'hypothèse. La fable présente des choses qui ne sont ni vraies ni vraisemblables, comme celles que nous ont transmises les tragiques. L'histoire reproduit un fait vrai, mais dont le souvenir remonte à un autre âge. L'hypothèse suppose une action qui aurait pu se passer, comme dans les comédies. La narration qui regarde les personnes doit unir, aux grâces du style, la variété des caractères; tantôt grave et tantôt légère, elle doit peindre l'espérance, la

vulgare dicitur; item vitiosum est, quo nihilominus adver. sarins potest uti, quod commune appellatur; item illud, quo leviter commutato adversarius poterit uti ex contrarío, item vitiosum est, quod nimium apparatis verbis compositum est, aut nimis longum est, et quod non ex ipsa cansa natum videtur (quod separatum vocatur; in quo etiam translatum includitur), ut proprie cohæreat cum narratione et quod neque benivolum, neque docilem, Deque attentum facit auditorem. De exordio satis dictum est: deinceps ad narrationem transeamus.

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VIII. Narrationum tria sunt genera. Unum est, quum exponimus rem gestam, et unumquodque trahimus ad utilitatem nostram, vincendi causa: quod pertinet ad eas causas, de quibus judicium futurum est. Alterum genus narrationis est, quod intercurrit nonnunquam fidei, aut criminationis aut transitionis, aut alicujus apparationis, vel laudationis causa. Tertium genus est id, quod a causa 'civili remotum est: in quo tamen exerceri convenit, quo commodius illas superiores narrationes in causis tractare possimus. Ejus narrationis duo sunt genera: unum, quod in negotiis; alterum, quod in personis positum est. Id, quod in negotiorum expositione positum est, tres habet partes: fabulam, historiam, argumentum. Fabula est, quæ neque veras, neque verisimiles continet res, ut hæ, quæ a tragœdis traditæ sunt. Historia est res gesta, sed ab ætatis nostræ niemoria remota. Argumentum est ficta res, quæ tamen fieri potuit ; velut argumenta comœdiarum.

crainte, le soupçon, le désir, la dissimulation, la pitié, l'inconstance des événements, les vicissitudes de la fortune, les revers inattendus, les joies subites, les dénoûments favorables. Mais c'est par l'exercice que l'on acquiert ces qualités. Je vais indiquer à présent comment il convient de traiter la narration d'un fait véritable.

IX. Trois qualités sont nécessaires à la narration, la brièveté, la clarté, la vraisemblance. Puisque nous savons que ces conditions sont essentielles, apprenons à les remplir. Nous pourrons faire une narration rapide si nous commençons où il faut commencer, sans vouloir remonter trop haut; si nous présentons les faits sommairement et non dans leurs détails; si, au lieu de les épuiser, nous n'employons que ceux dont nous avons besoin; si nous n'usons pas de transitions; si nous suivons sans nous en écarter la route que nous avons prise; et si nous exposons la conséquence des faits de manière à ce qu'on puisse savoir ceux qui se sont passés avant, quoique nous n'en ayons pas parlé. Quand je dis, par exemple : « Je suis « revenu de la province, » on comprend que j'y étais allé. Il vaut mieux passer tout à fait, nonseulement ce qui peut nuire à la cause, mais encore ce qui y est indifférent. Gardons-nous aussi de répéter deux ou plusieurs fois la même chose, ou de reprendre le membre de phrase qui précède comme par exemple :

Simon arriva le soir d'Athènes à Mégare; dès « qu'il fut arrivé à Mégare, il tendit des piéges à << une jeune fille; après lui avoir tendu des piéges, «< il lui fit violence dans le même lieu. »

Illud genus narrationis, quod in personis positum est, debet habere sermonis festivitatem, animorum dissimilitudinem, gravitatem, levitatem, spem, metum, suspicio nem, desiderium, dissimulationem, misericordiam, rerum varietates, fortunæ commutationem, insperatum incommodum, subitam lætitiam, jucundum exitum rerum. Verum hæc in exercendo transigentur : illud, quod ad veritatem pertinet, quomodo tractari conveniat, aperiemus.

IX. Tres convenit res habere narrationem, ut brevis, ut dilucida, ut verisimilis sit: quæ quoniam fieri oportere scimus, quemadmodum faciamus, cognoscendum est. Rem breviter narrare poterimus, si inde incipiemus narrare, unde necesse erit; et si non ab ultimo initio repetere volemus; et si summatim, non particulatim narrabimus; et si non ad extremum, sed usque eo, quo opus erit, persedeerrabimus ab eo, quod cœperimus exponere ; et si exitus quemur; et si transitionibus nullis utemur; et si non possint, tametsi nos reticuerimus: quod genus est, rerum ita ponemus, ut ante quoque quæ facta sunt, sciri dicam « me ex provincia redisse, » profectum quoque obest, sed etiam id quod neque obest, neque adjuvat, sain provinciam intelligatur. Et omnino non modo id quod tius est præterire. Et ne bis aut sæpius idem dicamus, cavendum est etiam ne id, quod semel supra diximus, deinceps dicamus, hoc modo:

« Athenis Megaram vesperi advenit Simo:
« Ubi advenit Megaram, insidias fecit virgini:
<< Insidias postquam fecit, vim in loco attulit. >>

si

Notre narration sera claire, si elle présente d'abord les faits qui se sont passés les premiers, en conservant l'ordre réel ou du moins probable, des choses et des temps. C'est ici qu'il faudra soigneusement éviter d'être confus, embrouillés, équivoques; qu'il faudra s'interdire les néologismes, les digressions; ne pas reprendre de trop loin, ne pas traîner en longueur; ne rien laisser échapper de ce qui tient au sujet, tout en observant les préceptes de la brièveté; car plus le récit est court, plus il est clair et facile à saisir. La narration sera vraisemblable, si nous parlons d'une manière conforme à l'usage, à l'opinion, à la nature; si nous mettons bien d'accord le laps du temps, la dignité des personnes, les motifs des résolutions, les convenances des lieux; de peur que l'on ne puisse nous répondre : Le temps a été trop court; il n'y avait aucun motif; le lieu | n'était pas favorable; enfin les personnages n'ont pu ni agir ni laisser agir ainsi. Si le fait est vrai, il ne faut pas moins prendre toutes ces précautions en le racontant; sans quoi la vérité peut souvent ne pas paraître vraisemblable. Si le fait est supposé, c'est un motif de plus d'observer ces précautions. On ne doit contester qu'avec réserve tout ce qui paraît s'appuyer sur des titres écrits ou sur une autorité respectable. Dans ce que j'ai dit jusqu'ici, je pense être d'accord avec les autres maîtres de l'art, à l'exception toutefois des choses neuves que j'ai trouvées sur l'exorde par insinuation. Le premier, j'ai distingué les trois cas qui lui sont particuliers, afin de présenter une méthode certaine, une théorie claire sur les exordes.

Rem dilucide narrabimus, sì, ut quidque primum gestum erit, ita primum exponemus, et rerum ac temporum ordinem conservabimus, ut gestæ res erunt, aut ut potuisse geri videbuntur. Hic erit considerandum, ne quid perturbate, ne quid contorte, ne quid ambigue, ne quid nove dicamus, ne quam in aliam rem transeamus, ne ab ultimo repetamus, ne longe persequamur, ne quid, quod ad rem pertineat, prætereamus; et si sequemur ea, quæ de brevitate præcepta sunt : nam quo brevior, eo dilucidior et cognitu facilior narratio fiet. Verisimilis narratio erit, si, ut mos, ut opinio, ut natura postulat, dicemus; si spatia temporum, personarum dignitates, consiliorum rationes, locorum opportunitates constabunt: ne refelli possit, aut temporis parum fuisse, aut causam nullam, aut locum idoneum non fuisse, aut homines ipsos facere, pati non potuisse. Si vera res erit, nihilo minus hæc omnia narrando conservanda sunt: nam sæpe veritas, nisi hæc servata sint, fidem facere non potest: sin erit fìcta, eo magis erunt conservanda. De iis rebus caute confli gendum est, quibus in rebus tabulæ, aut alicujus firma auctoritas videbitur interfuisse.

aut

Adhuc quæ dicta sunt, arbitror mihi constare cum ceteris artis scriptoribus, nisi quia de insinuationibus nova excogitavimus, quod eas soli nos, præter ceteros, in tria tempora divisimus, ut plane certam viam et perspicuam rationem exordiorum haberemus.

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X. Maintenant qu'il me reste à traiter encore de la partie de l'invention, qui est proprement la tâche de l'orateur, je m'efforcerai d'y apporter tout le soin que réclame l'utilité de la matière; et je dirai d'abord quelques mots de la division. La division renferme deux parties. En effet, la narration achevée, nous devons montrer d'abord en quoi nous sommes d'accord avec nos adversaires; puis, quand nous avons fait les concessions qu'il nous est utile de faire, arriver à ce qui reste en discussion, par exemple : « Oreste a tué sa mère, j'en conviens avec ses accusateurs; « en avait-il le droit? lui a-t-il été permis de le « faire? voilà la question à débattre. » De même, dans la réplique : « On reconnaît qu'Agamemnon « a été tué par Clytemnestre; et malgré cet aveu, « l'on prétend que je n'ai pas dû venger mon père. » La division établie, il faut passer à la distribution, qui renferme l'énumération et l'exposition. L'énumération nous servira pour annoncer le nombre de points que nous allons traiter. Elle ne doit pas avoir plus de trois parties; car il y a du danger à dire trop ou trop peu; on fait par là soupçonner à l'auditeur de la préméditation et de l'artifice, ce qui détruit la confiance dans nos paroles. L'exposition consiste à donner un aperçu rapide et complet de ce qui fera l'objet du discours.

Passons maintenant à la confirmation et à la réfutation, sur lesquelles reposent toute l'espérance du triomphe et tous les moyens de persuasion : car lorsque nous aurons développé nos arguments, et détruit ceux de nos adversaires, nous aurons entièrement accompli l'œuvre oratoire.

X. Nunc, quod' reliquum est, quoniam de rerum inver tione disputandum est, in qua singulare consumitur oratoris officium, dabimus operam, ut nihilo minus industrie, quam rei utilitas postulabit, quæsiisse videamur; si prius pauca de causarum divisione dixerimus.

Causarum divisio in duas partes distributa est. Primum enim perorata narratione debemus aperire, quid nobis conveniat cum adversariis; et si ea, quæ nobis utilia erunt, convenient, quid in controversia relinquatur, hoc modo: « Interfectam esse matrem ab Oreste, convenit mihi cum «< adversariis jurene fecerit, et licueritne tacere, id est << in controversia. » Item e contrario, « Agamemnonem « esse a Clytemnestra occisum confitentur: quum id ita << sit, me ulcisci parentem negant oportuisse.» Deinde quum hoc fecerimus, distributione uti debemus. Ea dividitur in duas partes, enumerationem et expositionem. Enumeratione utemur, quum dicemus numero, quot de rebus dicturi simus. Eam plus quam trium partium numero esse non oportet: nam et periculosum est, ne quando plus minusve dicamus, et suspicionem affert auditori meditationis et artificii; quæ res fidem abrogat orationi. Expositio est, quum res, de quibus dicturi sumus, exponimus breviter et absolute.

Nunc ad confirmationem et confutationem transeamus. Tota spes vincendi, ratioque persuadendi posita est in confirmatione et confutatione: nam quum adjumenta no

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